À LA CHASSE. Dans ma dernière chronique, je lançais la notion de «pandépénurie». Aujourd'hui, je vous prédis que ses effets vont s'intensifier en 2021. C'est donc le moment ou jamais pour les entreprises de promouvoir un nouveau modèle de leadership et de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour mobiliser les troupes et retenir les meilleurs talents.
Les statistiques montrent que 91 % des gens ne veulent pas retourner à ce qu'ils vivaient avant mars 2020 et qu'ils ont des attentes pour préserver les gains que leur ont offerts les derniers mois.
Ceux qui, avant la pandémie, ne se reconnaissaient plus dans les valeurs ou le climat de l'entreprise quittaient sur-le-champ. Aujourd'hui, ils prennent plutôt leur mal en patience et se protègent à la maison. Toutefois, ils se préparent. Ils mettent à jour leur CV, renouent avec leur réseau et réfléchissent à leur prochaine étape de carrière.
Depuis que les employés travaillent à distance, ils observent et prennent du recul. Chaque initiative ou message est accueilli de manière amplifiée. Les gens sont plus sensibles et à «fleur de peau». En réalité, le travail à distance leur permet de voir plus clair. Les employeurs qui démontrent leur soutien autant dans des gestes concrets (par exemple : budget pour s'équiper plus confortablement à la maison, aménagement des horaires de travail) que dans leur empathie et leur écoute sincère renforcent la loyauté et l'adhésion à la culture d'entreprise. En revanche, ceux qui font fi des réelles préoccupations de leurs employés et cultivent la peur de perdre son emploi, ceux-là sont durement jugés et ils seront frappés de plein fouet.
C'est ici que l'effet post-COVID se fera sentir. J'estime qu'au printemps prochain, les effets vont se matérialiser. Avec les potentiels bonis de fin d'année, dont le paiement sera possiblement reporté à février ou mars, il y a peu de risque et la rétention sera encore stable. Projetez-vous cependant en mars 2021. Nous commémorerons une année de pandémie, le succès du télétravail et le retour des beaux jours. Si, en prime, on a enfin un vaccin et que les gens se sentent plus en sécurité, ce sera le printemps des démissions en série.
Dans une récente publication du Harvard Business Review portant sur le leadership post-COVID, les auteurs notent que si cette crise a amélioré notablement la vitesse de prise de décision, l'efficacité des réunions, l'honnêteté, la concision et des échanges informels et authentiques avec les équipes ainsi que la liberté de s'organiser chez soi, elle a aussi généré une forme de «stress post-traumatique».
Après avoir combattu pendant des mois contre le virus, géré des crises et s'être totalement investis dans la survie de l'entreprise pour préserver le plus possible les emplois, les gens se sentiront comme des soldats revenus du combat. Soudainement, leur vie de «retour à la normale» leur semblera vide de sens, fade et sans intérêt, les discussions leur apparaîtront futiles et sans profondeur. Quand on est allé à la guerre ensemble, on sait sur qui on peut compter et qui nous a trahi ou laissé tomber. Des talents cachés se seront révélés et de nouvelles alliances se seront formées, laissant présager une nouvelle carte des réseaux d'influence.
Dans ce contexte, on peut imaginer que le retour à une nouvelle réalité du travail devra s'accompagner d'une refonte totale des processus et de la façon de fonctionner. Cela inclut le fait de repenser aux valeurs fondamentales qui animent nos entreprises. Le renforcement des principes ESG (environnementaux, sociaux, de gouvernance) en est la preuve, à en croire l'attention accrue que portent les marchés financiers à intégrer ces critères dans l'évaluation de la performance des entreprises.
La promotion et l'encouragement de ces valeurs devront être incarnés dans un modèle de leadership réinventé.
Les gagnants seront les entreprises et les leaders qui auront su démontrer par leurs gestes, actions et initiatives qu'ils priorisaient l'humain, la transparence, l'innovation et la collaboration et qu'ils sont engagés dans le changement. Les perdants seront ceux qui auront multiplié les messages contradictoires, erré dans le «fake leadership» et pressé leurs employés à retourner à faire «comme avant».