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La chasse aux aubaines comporte fréquemment des pièges à éviter. Pour les dénicher, il ne suffit point de filtrer quelques centaines de titres pour ne conserver que ceux qui présentent un faible ratio cours-bénéfices ou un prix inférieur à la valeur au livre. Si découvrir de bonnes idées ne se résumait qu'à ce simple exercice, nous pourrions bâtir un portefeuille de 20 titres et plus en très peu de temps.
Beaucoup de titres peuvent sembler s'avérer des aubaines intéressantes selon un ou deux critères d'évaluation. Toutefois, on doit s'assurer de la persistance ou de la croissance des profits, ou encore, de la vraie valeur des actifs afin de valider l'authenticité et la pertinence du ratio qui nous intéresse. Dans les cas où cette validation semble impossible, nous sommes souvent en présence de ce que nous pourrions appeler une ''fausse aubaine''. En anglais, le terme usuel est ''value trap''.
Une fausse aubaine correspond à un une idée d'investissement qui semble très alléchante, mais dans laquelle un ou plusieurs risques importants justifient la faible évaluation du titre. Nous devons ajouter qu'une bonne dose de subjectivité entoure cette définition, puisque ce qui peut paraître être une fausse aubaine pour l'un, peut s'avérer un bon investissement pour l'autre. Tout dépend de la justesse de l'estimé effectué par l'investisseur, ce qui requiert beaucoup d'expérience dans certains cas.
Nous pourrions nommer quelques exemples, tels que Microsoft (MSFT-Q), Hewlett-Packard (HPQ-N) et Lexmark (LXK-N), pour lesquels nous peinons à déterminer les revenus futurs. Les faibles évaluations actuelles pourraient se justifier par une chute possible des profits, ce qui confère un risque non négligeable à ce genre de titre.
Au Canada, citons l'exemple de Home Capital Group (HCG-TO), pour lequel nous éprouvons de la difficulté à afficher un certain optimisme malgré la faible évaluation du titre sur la base du ratio cours-bénéfices.
La faible évaluation de bien des titres peut aussi simplement s'expliquer par l'énormité de la dette qui grève le bilan. Dans la majorité des cas, un investisseur avisé devrait ajouter la dette à l'évaluation totale de la société. Ainsi, une compagnie dont la valeur marchande s'élève à 2G$ et dont la dette atteint 4G$ aboutit à un prix réel de 6G$. Ainsi, si la société génère 300M$ de profits, elle présentera un ratio cours-bénéfices de 6,7 selon sa valeur marchande. Avec l'ajustement de la dette toutefois, le ratio surpassera probablement 13 fois (notez que l'ajustement selon la dette suggère de rajouter aux profits les intérêts de cette même dette, afin d'établir une comparaison juste).
Une fausse aubaine peut également être considérée par un investisseur prônant fortement l'escompte sur les actifs, tout en négligeant le rendement de ces mêmes actifs. Ainsi, une société générant des profits de 50M$ par année sur un capital de 1,2G$ affichera un ratio du prix sur la valeur au livre intéressant si elle se transige à 800M$. L'escompte s'élèvera à 33%, ce qui se traduirait par un rendement de 50% si le titre en venait à atteindre simplement la valeur au livre.
Toutefois, 50M$ sur 1,2G$ se traduit par un rendement sur l'équité de 4,2%. Étant donné que notre investisseur ne paie que 800M$, il obtient un rendement un peu plus élevé, soit 6,3%. On constate que ce rendement demeure bien faible. Si la direction n'a pas l'intention de liquider les actifs afin de tenter de réaliser leur pleine valeur, notre investisseur risque de mobiliser son capital à un faible rendement pendant longtemps.
En conclusion, certains titres peuvent nous apparaître comme étant de fausses aubaines, mais quelques éléments inconnus nous empêchent de l'affirmer clairement. Dans ces cas-ci, nous préférons nous abstenir et suivre l'évolution de ces sociétés, afin de découvrir si nos doutes s'avéraient justifiés. Avec le temps, l'expérience acquise nous permet de mieux séparer le bon grain de l'ivraie.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com