Depuis son creux de 666 atteint le 9 mars 2009, l'indice américain S&P 500 a fait bien du chemin! Ces jours-ci, il approche la barre psychologique des 2000 points. Nous risquons d'en entendre parler beaucoup. Or, bien des commentateurs s'inquiètent de la hausse des cinq dernières années. Certains emploient même le mot ''bulle'', ce qui ne manque pas d'effrayer plus d'un investisseur.
Le marché des nouveaux appels publics à l'épargne serait aussi en pleine ébullition. Pour cette semaine seulement, on prévoit 18 nouvelles offres publiques. Selon certains, il s'agirait d'un ''tsunami'' d'offres, qui constituerait un symptôme d'un marché euphorique. Est-ce vraiment le cas?
Tout d'abord, l'arrivée de nombreuses offres publiques ne devrait pas s'avérer surprenante. Elles suivent logiquement les marchés haussiers. Lorsque la Bourse s'effondre, ceux qui avaient l'intention d'aller en Bourse s'abstiennent, étant incapables d'obtenir un bon prix. À l'inverse, un marché favorable les amène à faire le saut, et le succès de ces offres conduisent d'autres candidats à les imiter. Donc, la pluie d'offres publiques à laquelle nous assistons présentement nous indique simplement que le marché boursier a engendré de bons rendements ces dernières années.
Quand un marché monte aussi rapidement en peu de temps, les gens peuvent difficilement éviter de songer aux prix passés. Comment un indice triplant en 5 ans peut-il encore représenter un bon achat?
Reconnaissez-vous ici le principe de l'ancrage? Il consiste à fixer son attention sur un prix passé, même si celui-ci ne détient aucun lien avec la valeur d'aujourd'hui. Si l'inverse s'était produit, et qu'en mars 2009, l'indice avait culminé à 3000, peut-être que l'on se sentirait beaucoup mieux avec le niveau actuel de 1950!
En négociation, l'ancrage est très présent, et ceux qui ne connaissent pas son pouvoir sont probablement victimes de son effet. Lorsque l'on tente de vous vendre un bien, on essaiera souvent de commencer avec un prix élevé. Si vous connaissez mal la valeur du fameux bien, vous penserez faire une affaire si vous payer 5000$ pour quelque chose qui était annoncé à 7000$ au départ. Si la valeur réelle s'élevait à 4000$, vous aurez beau penser aux 7000$ initiaux : vous avez quand même payé 1000$ de trop.
Comme nous le constatons en Bourse, ce principe fonctionne tout aussi bien à la hausse qu'à la baisse. Ceux qui estiment que tout est surévalué concentrent probablement leur attention sur les prix d'il y a quelques années. Il y a deux ou trois ans, plusieurs d'entre eux disaient la même chose! Or, l'essentiel consiste à toujours garder à l'esprit l'évaluation en fonction des profits. Selon les estimés, le S&P 500 se situerait à 18 ou 19 fois les profits. Rappelons-nous que durant la bulle technologique de la fin des années 90, nous avons été témoins d'un ratio de 30 fois. Certes, nous ne sommes pas emballés par le prix actuel de l'indice, mais certains exagèrent en sonnant constamment l'alarme. En fait, ces inquiétudes nous pousseraient plutôt à penser que la situation n'est pas dramatique. C'est lorsque l'euphorie emporte tout le monde que l'on devrait songer à paniquer.
Affirmer que l'immobilier canadien est cher : ancrage?
Depuis quelques années déjà, nous manifestons notre inquiétude vis-à-vis le marché immobilier canadien. On pourrait penser que nous sommes simplement victimes de l'ancrage! En réalité, le prix passé nous importe peu. Nous ne faisons qu'observer le ratio des prix sur les salaires moyens et sur les loyers. Si les salaires et les loyers avaient augmenté à la même vitesse que les prix, nous n'aurions pas ce genre de discours, malgré la forte appréciation des valeurs marchandes.
C'est pourquoi vous devez toujours vous efforcer de baser votre évaluation sur une mesure jugée fiable et pertinente. Dans le contexte des indices boursiers, le ratio cours/bénéfice et l'état général de l'économie constituent de bien meilleurs indicateurs que les prix passés.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com