Une bonne nouvelle circule dans les médias de nos voisins du sud. Le taux de chômage s'est effondré à 6,1%, grâce à une croissance de 288 000 emplois en juin. Contrairement à bien d'autres nations développées à travers le monde, les États-Unis affichent de bons résultats sur ce plan. Or, nous soupçonnons la contribution non négligeable d'un phénomène qui se produit depuis quelque temps, mais dont on parle peu, et qui aide la reprise anémique à laquelle nous assistons dans ce pays. Il s'agit de la cessation de l'exode d'emplois due à la mondialisation.
Pendant très longtemps, les manufacturiers américains avaient ouvert des usines à l'étranger ou avaient procédé à la sous-traitance de leur production, principalement en Chine. Alors que la demande pour la main-d'oeuvre chinoise augmentait, leurs salaires ont grimpé d'environ 15% par année lors de la dernière décennie. La rémunération des Américains a quant à elle connu une progression de seulement 2,3% annuellement pour la même période. Ajoutons à cela certains coûts, comme les frais de transport des biens entre la Chine et les États-Unis, et nous réaliserons qu'il devient de moins en moins avantageux d'exporter des emplois. Nous en sommes maintenant à un point où bien des manufacturiers adoptent la tendance inverse.
Certains états s'y adonnent régulièrement, comme l'Alabama, la Pennsylvanie et le Mississippi, dans l'espoir de fouetter leur croissance économique. Pour d'autres états, il peut s'agir simplement d'une décision censée de la part du fabricant. Par exemple, Kent International, un confectionneur de vélo, a conçu ses biens pendant plus de 20 ans à l'étranger. Étant donné l'escalation des salaires en Chine, la société va bientôt inaugurer l'ouverture d'une usine en Caroline du Sud, pour laquelle elle embauchera 175 travailleurs. Le comble de l'ironie : la Chine participe à la tendance! La société Keer Group de Shanghai a investi 218 M$ en Caroline du Sud pour la production de fils tissés, créant 500 emplois.
Notons que cette tendance devrait persister pendant un bon bout de temps. Selon un sondage effectué par The Boston Consulting Group, la moitié des chefs de la direction des sociétés américaines dont le chiffre d'affaires surpasse le milliard de dollars planifient ou considèrent sérieusement le rapatriement d'une partie de leur production dans leur pays.
La mondialisation : souvent perçue négativement
Le sujet de la mondialisation a pendant longtemps suscité des réactions négatives. Lorsqu'une société quelconque procédait au remplacement d'emplois locaux par des emplois à l'étranger, elle devenait l'objet de sévères critiques. Mettre la priorité sur les profits corporatifs plutôt que sur le maintien des postes de travail chez soi était perçu comme un geste égoïste, dépourvu de toute empathie envers les familles touchées.
Sans aucun doute : le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ces pertes d'emplois locaux ont permis la création d'une classe moyenne dans un pays où régnait principalement la pauvreté. Comme le salaire des travailleurs chinois constituait un faible pourcentage de celui de leurs congénères américains, une société pouvait créer plusieurs postes de travail dans ce pays en coupant un seul poste chez elle. D'un point de vue global, on pourrait y voir un phénomène de partage d'emplois en faveur des nations les plus démunies. Cependant, du point de vue des Américains, on criait plutôt au scandale.
Maintenant que la tendance semble se renverser, nous parions que nous n'entendrons pas souvent les Américains se plaindre du fait que les entreprises, encore une fois, ne songent qu'à leurs profits en ramenant leur production au pays.
Avec une telle bonne nouvelle pour l'Amérique, devrait-elle se réjouir? Ironiquement, nous pensons que la situation révèle une tendance à long terme plutôt inquiétante. Nous en discuterons dans un billet prochainement.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com