Rédigé par Raymond Prince, ancien journaliste-collaborateur au journal Les Affaires et des publications du Groupe Constructo (1987-2010) et cofondateur des Pollués de Montréal-Trudeau et des Sentinelles de l’air de Laval. Membre du Conseil régional de l’environnement de Laval.
COURRIER DES LECTEURS. Maintenant qu’il appert que le gouvernement fédéral – et dans une moindre mesure celui du Québec – volera au secours de la société qui gère l’aéroport de Montréal, ADM, que ce soit pour les coûts de la station du REM qui doit le relier à ce nouveau réseau ou pour compenser ses pertes financières dues à la COVID-19, des réflexions plus poussées doivent être menées.
D’abord, cette société – supposément sans but lucratif – est-elle un bon gestionnaire de nos fonds publics ? On pourrait se questionner à ce sujet quand on constate que les membres de son conseil d’administration se sont votés en 2019 une rémunération totale de 3 571 081 $ (1), en hausse de près de 150 % par rapport au 1 442 634 $ (2) reçus l’année précédente. En 2019, leur rémunération comportait un boni à la performance de 2 507 000 $ par rapport à 849 134 $ en 2018. Performance, vous avez dit ?
Qui sont ces gens ? Représentent-ils vraiment la communauté comme le souhaitait le gouvernement Mulroney quand il a redonné la gestion des aéroports locaux à des gens du milieu en 1994 ? En fait, la plupart de ses membres sont des administrateurs de sociétés ou encore ils sont avocats, gestionnaires, spécialistes en immobilier, en communication, etc. Ils sont tous cooptés… par le conseil d’administration ! Impossible par exemple pour une personne de la communauté de présenter sa candidature lors de l’assemblée générale annuelle afin d’être élue. Peu importe ses qualités. Et ne croyez pas que ces administrateurs nommés ont nécessairement une connaissance fine de l’activité aéroportuaire. Aussi, y a-t-il des représentants des voyageurs ? Des agences de voyages ? Des pilotes ? Des importateurs ou exportateurs de fret ? Des experts universitaires du transport ? Des membres d’organismes socio-communautaires qui se battent pour une meilleure qualité de l’environnement ou pour de meilleurs contrôles des circuits aériens au-dessus de Montréal ?
Non, nous avons là un cercle fermé et plutôt opaque, comme le décrivait d’ailleurs l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) dans une analyse datée de 2014. On pourrait aussi se questionner sur la présence sur ce conseil d’un représentant de la firme d’ingénierie WSP Global, firme qui a tout à gagner des travaux faramineux qu’entend lancer ADM au cours des prochaines années. Je ne dis pas qu’il n’y a pas des personnes de qualité dans le lot. Je dis simplement que la communauté en entier à qui revenaient les clés de l’aéroport n’a pas son mot à dire sur la gestion des affaires de cet aéroport, sur son éthique et sa gouvernance. En fait, la communauté n’est pas en mesure d’influer sur cette infrastructure névralgique, construite avec les deniers publics.
Donc, avant de confier encore plus de notre argent à cette société qui ne consulte pas sa collectivité, assurons-nous de faire de cet aéroport NOTRE aéroport et de nous assurer qu’il est géré dans les règles de l’art.
(1) Page 66 du rapport annuel 2019 de ADM
(2) Page 45 du rapport annuel de ADM