CHRONIQUE. Au Québec, 43% des employés souffrent aujourd’hui de stress financier, ce qui est nettement plus qu’avant la pandémie du nouveau coronavirus. Cela correspond en effet à un bond de 8 points de pourcentage par rapport à 2019, selon les données de l’Association canadienne de la paie (ACP).
Idem, le pourcentage d’employés qui se sentent à l’aise sur le plan financier n’est à présent plus que de 22%. L’an dernier, cela concernait le tiers des employés au Québec.
Conséquence de ces deux tendances? Le stress financier a connu un bond énorme depuis l’avènement en mars de la COVID-19 et de la «mise sur pause» consécutive de l’économie. «Ce stress-là découle sûrement du fait que les travailleurs sont actuellement submergés par les incertitudes, tant sur le plan personnel que sur le plan collectif, personne ne pouvant vraiment dire quelle évolution va connaître l’économie du pays», dit Peter Tzanetakis, président, de l’ACP.
De fait, les données de l’ACP montrent que:
> Inflation. 62% des employés qui se sentent à l’aise sur le plan financier se disent tout de même «troublés par les perspectives inflationnistes». En 2019, ils étaient 47% à redouter une forte hausse du coût de la vie.
> Récession. 63% des employés qui se sentent à l’aise financièrement craignent davantage qu’avant que ne survienne une récession économique. Soit un bond de 28 points de pourcentage en un an. En ce qui concerne ceux qui souffrent de stress financier, le même pourcentage est passé de 47 à 66%.
> Retraite. Enfin, 52% des employés qui souffrent de stress financier s’interrogent sur leur capacité à prendre leur retraite. L’an dernier, la proportion était de 45%.
«Ces bonds statistiques sont si importants qu’ils nous ont carrément surpris, indique Adam Metzler, professeur agrégé de mathématiques à l’Université Wilfrid-Laurier de Waterloo, en Ontario, et l’un des chefs de l’équipe qui a analysé les données de l’ACP. Ils traduisent, en fait, l’ampleur des nouvelles inquiétudes des Québécois et de même l’ensemble des Canadiens, des inquiétudes plus psychologiques que réellement financières.»
C’est que, paradoxalement, la situation financière des Québécois s’est… globalement améliorée depuis le début de la pandémie:
> Épargne. Au Canada, 62% des employés épargnent aujourd’hui plus de 5% de leur paie. Au Québec, la proportion est de 71%, soit la plus élevée du pays.
> Épargne encore. Dans le même ordre d’idée, 30% des employés du Québec parviennent à épargnent 16% et plus de leur paie. Ce qui est la plus grande proportion du Canada.
> Imprévus financiers. 60% des employés du Québec pensent que cela leur serait «facile» de respecter leurs obligations financières si jamais leur paie était versée avec une semaine de retard. Et ils ne sont que 25% à estimer que cela leur serait «difficile», soit le plus petit pourcentage de l’ensemble du Canada.
De manière générale, seulement 6% des Canadiens disent vivre dans une situation financière précaire. C’est le niveau le plus bas depuis 12 ans.
On le voit bien, l’inquiétude est plus psychologique qu’autre chose. Et elle a un coût, un coût tout bonnement astronomique, toujours selon les données de l’ACP:
> Un impact direct sur le travail. 69% des employés reconnaissent qu’ils songent régulièrement à des questions financières personnelles durant leurs heures de travail, et même que cela leur est néfaste, avouant que cela a déjà pu entraîner pour eux (par ordre d’importance):
- un accident de travail ou des problèmes de sécurité;
- une baisse de productivité;
- l’envie de quitter leur emploi et d’en chercher un autre;
- le besoin de prendre des congés;
- une tension dans les relations avec leurs collègues.
«Si l’on compile tous les impacts du stress financier découlant de la pandémie du nouveau coronavirus, on en arrive à un coût global de 20,3 milliards de dollars pour l’économie canadienne», affirme M. Tzanetakis, en soulignant que «cette estimation est conservatrice puisqu’elle ne tient pas compte des coûts engendrés par la hausse de l’absentéisme, par la baisse de la motivation, par l’étiolement des relations entre collègues, ou encore par la rotation du personnel».
Que faire, donc, pour rasséréner les employés? Les experts de l’ACP recommandent aux employeurs d’intervenir avant tout sur le plan psychologique, puisque c’est là que la bât blesse le plus:
1. Aidez vos employés à épargner. Cela peut notamment se faire à l’aide d’un programme du type «Payez-vous d’abord», qui permet aux employés de mettre automatiquement de côté une partie de leur salaire. «Un tel programme favorise une meilleure gestion des finances, une hausse du taux d’épargne et la mise de côté constante d’argent en vue de la retraite, ce qui favorise le bien-être financier», dit M. Tzanetakis.
2. Veillez à réduire le niveau de stress de vos employés. «Il est crucial de communiquer aux employés les mesures concrètes prises par l’organisation pour les aider en temps de crise. Comme la moitié des employés (47%) sont convaincus que leur organisation procédera à des mises à pied, toute bonne nouvelle en ce sens contribuera immanquablement à alléger leurs soucis liés à la paie», ajoute-t-il.
3. Créez des conditions génératrices de certitude. «Soulignez votre attachement au plan de continuité de la paie mis en place en cas de crise, et mieux, garantissez à vos employés qu’ils bénéficieront en tout temps d’une paie exacte et sans retard», dit-il.
*****
Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
Découvrez les précédents billets d'Espressonomie
La page Facebook d'Espressonomie
Et mon dernier livre : 11 choses que Mark Zuckerberg fait autrement
Au Québec, 43% des employés souffrent aujourd’hui de stress financier, ce qui est nettement plus qu’avant la pandémie du nouveau coronavirus. Cela correspond en effet à un bond de 8 points de pourcentage par rapport à 2019, selon les données de l’Association canadienne de la paie (ACP).
Idem, le pourcentage d’employés qui se sentent à l’aise sur le plan financier n’est à présent plus que de 22%. L’an dernier, cela concernait le tiers des employés au Québec.
Conséquence de ces deux tendances? Le stress financier a connu un bond énorme depuis l’avènement en mars de la COVID-19 et de la «mise sur pause» consécutive de l’économie. «Ce stress-là découle sûrement du fait que les travailleurs sont actuellement submergés par les incertitudes, tant sur le plan personnel que sur le plan collectif, personne ne pouvant vraiment dire quelle évolution va connaître l’économie du pays», dit Peter Tzanetakis, président, de l’ACP.
De fait, les données de l’ACP montrent que:
> Inflation. 62% des employés qui se sentent à l’aise sur le plan financier se disent tout de même «troublés par les perspectives inflationnistes». En 2019, ils étaient 47% à redouter une forte hausse du coût de la vie.
> Récession. 63% des employés qui se sentent à l’aise financièrement craignent davantage qu’avant que ne survienne une récession économique. Soit un bond de 28 points de pourcentage en un an. En ce qui concerne ceux qui souffrent de stress financier, le même pourcentage est passé de 47 à 66%.
> Retraite. Enfin, 52% des employés qui souffrent de stress financier s’interrogent sur leur capacité à prendre leur retraite. L’an dernier, la proportion était de 45%.
«Ces bonds statistiques sont si importants qu’ils nous ont carrément surpris, indique Adam Metzler, professeur agrégé de mathématiques à l’Université Wilfrid-Laurier de Waterloo, en Ontario, et l’un des chefs de l’équipe qui a analysé les données de l’ACP. Ils traduisent, en fait, l’ampleur des nouvelles inquiétudes des Québécois et de même l’ensemble des Canadiens, des inquiétudes plus psychologiques que réellement financières.»
C’est que, paradoxalement, la situation financière des Québécois s’est… globalement améliorée depuis le début de la pandémie:
> Épargne. Au Canada, 62% des employés épargnent aujourd’hui plus de 5% de leur paie. Au Québec, la proportion est de 71%, soit la plus élevée du pays.
> Épargne encore. Dans le même ordre d’idée, 30% des employés du Québec parviennent à épargnent 16% et plus de leur paie. Ce qui est la plus grande proportion du Canada.
> Imprévus financiers. 60% des employés du Québec pensent que cela leur serait «facile» de respecter leurs obligations financières si jamais leur paie était versée avec une semaine de retard. Et ils ne sont que 25% à estimer que cela leur serait «difficile», soit le plus petit pourcentage de l’ensemble du Canada.
De manière générale, seulement 6% des Canadiens disent vivre dans une situation financière précaire. C’est le niveau le plus bas depuis 12 ans.
On le voit bien, l’inquiétude est plus psychologique qu’autre chose. Et elle a un coût, un coût tout bonnement astronomique, toujours selon les données de l’ACP:
> Un impact direct sur le travail. 69% des employés reconnaissent qu’ils songent régulièrement à des questions financières personnelles durant leurs heures de travail, et même que cela leur est néfaste, avouant que cela a déjà pu entraîner pour eux (par ordre d’importance):
un accident de travail ou des problèmes de sécurité;
une baisse de productivité;
l’envie de quitter leur emploi et d’en chercher un autre;
le besoin de prendre des congés;
une tension dans les relations avec leurs collègues.
«Si l’on compile tous les impacts du stress financier découlant de la pandémie du nouveau coronavirus, on en arrive à un coût global de 20,3 milliards de dollars pour l’économie canadienne», affirme M. Tzanetakis, en soulignant que «cette estimation est conservatrice puisqu’elle ne tient pas compte des coûts engendrés par la hausse de l’absentéisme, par la baisse de la motivation, par l’étiolement des relations entre collègues, ou encore par la rotation du personnel».
Que faire, donc, pour rassénérer les employés? Les experts de l’ACP recommandent aux employeurs d’intervenir avant tout sur le plan psychologique, puisque c’est là que la bât blesse le plus:
1. Aidez vos employés à épargner. Cela peut notamment se faire à l’aide d’un programme du type «Payez-vous d’abord», qui permet aux employés de mettre automatiquement de côté une partie de leur salaire. «Un tel programme favorise une meilleure gestion des finances, une hausse du taux d’épargne et la mise de côté constante d’argent en vue de la retraite, ce qui favorise le bien-être financier», dit M. Tzanetakis.
2. Veillez à réduire le niveau de stress de vos employés. «Il est crucial de communiquer aux employés les mesures concrètes prises par l’organisation pour les aider en temps de crise. Comme la moitié des employés (47%) sont convaincus que leur organisation procédera à des mises à pied, toute bonne nouvelle en ce sens contribuera immanquablement à alléger leurs soucis liés à la paie», ajoute-t-il.
3. Créez des conditions génératrices de certitude. «Soulignez votre attachement au plan de continuité de la paie mis en place en cas de crise, et mieux, garantissez à vos employés qu’ils bénéficieront en tout temps d’une paie exacte et sans retard», dit-il.