CHRONIQUE. Les sondages se suivent, plus terrifiants les uns que les autres. Le dernier en date est celui de la firme-conseil en ressources humaines Morneau Shepell, qui montre qu’au Québec un employé sur deux a aujourd’hui un besoin « urgent » de soutien pour sa santé mentale. Et que ces employés ne savent pas vers qui se tourner pour en trouver : 24 % s’appuient sur leurs proches, 20 % sur leurs amis ou collègues. Seulement 8 % font appel aux services d’un professionnel en santé mentale ; pis, 9 % ne cherchent plus aucune aide, même s’ils savent qu’ils en ont terriblement besoin.
La question saute aux yeux : que font les employeurs, bon sang ? D’autant plus qu’outre l’aspect humain, cette pandémie psychique affecte directement la performance des entreprises : l’enquête de Morneau Shepell indique que les employés fournissent davantage d’efforts au travail qu’avant la COVID-19, mais sans que cela se traduise par un gain en productivité. « Les entreprises doivent faire un effort conscient de prendre contact avec leurs employés et de revoir leurs stratégies en santé mentale, sous peine de subir des effets néfastes à long terme sur leur rendement », avertit Stephen Liptrap, président et chef de la direction de Morneau Shepell.
En vérité, certains employeurs ont saisi l’importance cruciale de la santé mentale de leurs employés et sont passés à l’action, ces derniers temps. En guise d’inspiration, voici quelques-unes de ces actions, à la fois simples et efficaces.
Offrir des journées bien-être
Les employés de Radio-Canada ont récemment reçu un courriel leur annonçant une mesure inédite de la part de la haute direction : « Chacun dispose maintenant de deux journées rémunérées pouvant être utilisées pour prendre du temps dédié à son bien-être, pour se reposer et pour favoriser un bon état d’esprit au travail, y est-il indiqué. Celles-ci sont accessibles à tous, employés comme contractuels, et doivent être prises d’ici le 31 mars 2021. »
Autrement dit, Radio-Canada a compris que ses employés – sa ressource première – avaient besoin de souffler et a fait un pas concret en ce sens.
Bien entendu, tous les employeurs ne peuvent pas se permettre une telle chose, surtout lorsque les ventes souffrent de la récession actuelle. Toutefois, de petites entreprises embarquent tout de même dans ce type de projet, à l’image des Miels d’Anicet, à Ferme-Neuve, dans les Laurentides : chacun des quelque 40 employés dispose d’une banque de 24 heures de congé, lesquelles peuvent servir pour, par exemple, faire du camping en famille ou assister à un rendez-vous de son enfant. C’est que les propriétaires comptent ainsi permettre à chacun de respirer quand il en ressent le besoin, mais aussi de fidéliser la main-d’œuvre.
Inciter à faire du sport
La firme informatique montréalaise Nexus Innovations offre à chaque employé deux heures rémunérées par semaine afin d’exercer une activité physique, peu importe laquelle. Résultat : 92 % des quelque 40 employés s’en prévalent et font, entre autres, du yoga, du spinning ou encore du curling.
Prendre en charge les petits
Le cabinet d’avocats Davies Ward Phillips & Vineberg a conclu une entente avec Kiid, une firme montréalaise qui offre des services de gardiennage à domicile à la demande. L’idée est simple : lorsqu’un employé doit avoir la paix pour bien télétravailler sur un dossier important, lorsqu’il lui faut effectuer des heures supplémentaires, ou encore lorsqu’il lui faut inopinément s’absenter des heures durant pour rencontrer un client, il lui suffit de passer un coup de fil et une gardienne avertie arrive aussitôt à la maison pour prendre en charge les enfants (ex. : les faire jouer, les nourrir, les laver, les faire réviser leurs leçons, les coucher, etc.).
Soulager le corps et l’esprit
Au Saguenay, les propriétaires des cafés-bistros Summum, à La Baie et à Chicoutimi, ainsi que de la buvette mexicaine Maria Maria, à Chicoutimi, tiennent à avoir des employés en pleine forme. C’est pourquoi ils leur offrent douze séances chez le psychologue, histoire de bénéficier d’un précieux soutien psychologique en cette période de fortes turbulences. Des séances qui s’ajoutent à l’accès à des consultations gratuites dans une clinique privée ainsi qu’à des soins chiropratiques et kinésiologiques.
Dans le même ordre d’idées, l’entrepreneur général en construction Pomerleau a mis en place un service de télémédecine dont peuvent se prévaloir les employés et leurs proches quand bon leur semble. Ils peuvent ainsi bénéficier rapidement des conseils de médecins et d’infirmières, que le problème rencontré soit corporel ou mental. En toute confidentialité.
« Chaque jour, les gens doivent combler certains besoins psychologiques : éprouver un sentiment d’accomplissement, avoir des contacts sociaux, s’amuser, bouger. Les employeurs ont à présent une excellente occasion de favoriser et d’appuyer ces saines habitudes, qui contribuent à la résilience dont nous avons tous tant besoin, ces temps-ci », dit, avec raison, Paula Allen, première vice-présidente à la recherche, à l’analytique et à l’innovation chez Morneau Shepell.
Alors ? Chers employeurs, qu’attendez-vous pour bien faire, maintenant que vous avez saisi qu’il est parfaitement possible de venir en aide à vos employés sans que cela vous coûte un bras pour autant ? Oui, qu’attendez-vous pour faire mentir ceux qui disent qu’il n’y a non pas « pénurie de talents », mais « pénurie de bons employeurs » ?