BLOGUE INVITÉ. La nomination de personnalités de renom au sein de conseils d’administration fait régulièrement la manchette. À preuve, les récentes nominations de l’actrice britannique, militante et icône de la mode durable Emma Watson au sein du conseil d’administration du Groupe de luxe Kering, et plus près de nous, de l’homme d’affaires en série Alexandre Taillefer à titre de président du CA de Bixi Montréal.
Si certains sont sceptiques à l’égard de cette pratique et jugent que le recrutement de personnalités de grande notoriété au sein d’un CA ne constitue qu’un coup marketing, pour d’autres, il s’agit d’une pratique légitime et créatrice de valeur.
Selon les auteurs d’une étude américaine, la présence de « célébrités » au sein d’un CA peut faire grimper la valeur des actions d’une entreprise publique de près de 3 %. À preuve, la présence médiatisée de Oprah Winfrey au sein du conseil d’administration de Weight Watchers (« WW ») a permis de réactiver la marque.
Pour les jeunes pousses et les PME, elle peut accroître la visibilité et la crédibilité de celles-ci. La logique est simple : « si ces personnalités publiques ont confiance en nous, vous le devriez aussi ! »
Aussi, les parcours particuliers de nombre de personnalités publiques suscitent l’intérêt des conseils d’administration. D’autant plus qu’aujourd’hui, celles-ci mènent souvent plusieurs carrières de front. Pensons aux carrières multi facettes de Jay-Z ou de Jessica Alba dont les succès en affaires sont reconnus. Au Québec, on pourrait évoquer les parcours de Véronique Cloutier et de Ricardo Larrivée.
Lors de la récente assemblée générale de Kering, François-Henri Pineault a salué « les connaissances et compétences respectives » des nouveaux administrateurs, « la multiplicité de leurs parcours et de leurs points de vue » qui « seront des apports inestimables aux réflexions du conseil d’administration ». Selon lui, « l’intelligence collective issue de la diversité des opinions et la richesse apportée par des expériences différentes sont cruciales pour l’avenir de notre organisation ».
Le recours à des personnalités à haute visibilité doit toutefois être fait de manière judicieuse sur la base de critères objectifs. Un mauvais choix peut nuire à la réputation de l’entreprise. La Fondation Livestrong a longtemps pâti du scandale de dopage impliquant Lance Armstrong, alors président de son conseil.
Au-delà du statut de personnalité publique du candidat administrateur, le CA doit donc s’assurer que les compétences uniques de cette personne constituent un apport pour le conseil, de sa probité publique et de l’intérêt supérieur de l’entreprise d’avoir cette personne au sein de son conseil d’administration. Le fait d’être une célébrité ne doit pas un passe-droit pour un statut privilégié d’administrateur. La célébrité est assujettie aux mêmes droits et obligations que les autres administrateurs.
Voici quelques recommandations pour tirer le meilleur parti de ces additions au sein du CA :
Gérer les attentes de part et d’autre
Il est essentiel d’avoir les discussions d’usage sur l’intérêt et la disponibilité de cette personne pour la charge d’administrateur. Personne ne veut d’un administrateur fantôme au sein de son CA, peu importe que cette personne soit connue ou non !
Il est aussi recommandé de clarifier auprès de l’administratrice vedette son rôle et les attentes quant à sa contribution. Sera-t-elle ambassadrice de l’organisation ou jouera-t-elle un rôle plus effacé sur la place publique? Devra-t-elle partager son réseau? Il est aussi crucial d’aborder la question des prises de position publiques de cette personnalité dans l’espace médiatique. Sans la museler, il faudrait éviter que ses prises de positions publiques portent ombrage à la réputation de l’entreprise et de sa marque.
En s’assurant que les attentes du CA et celles de l’administratrice sont alignées, on maximise les chances de bâtir une relation fructueuse et durable.
Mettre à profit leurs compétences
Comme pour tout administrateur, il est essentiel de mettre en valeur les compétences uniques de cette personne pour l’engager dans les travaux du CA. Révélée au monde pour son interprétation du personnage d’Hermione Granger dans l’adaptation cinématographique de la saga « Harry Potter », ce sont les prises de position d’Emma Watson à l’égard de la mode éthique qui lui ont valu d’être nommée présidente du comité de développement durable de Kering, compagnie mère de Gucci.
La dynamique au CA
La présence d’une personnalité publique au sein du CA peut modifier la dynamique des discussions. Le grand défi pour ces administrateurs est de ne pas asphyxier les réflexions des CA que l’on souhaite larges et inclusives. Parmi les autres administrateurs, personne n’est à l’abri d’être groupie, d’être subjugués par les prises de positions de cette personne ou de devenir moins expressif de peur du jugement de cette personnalité connue. Aussi, il faut être à l’affût de l’impact que cette nouvelle personne peut avoir sur les débats du CA.
Célèbres ou pas, vos administrateurs doivent d’abord être compétents pour exercer la charge qui leur est confiée. S’ils sont sélectionnés avec soin, l’expérience tend à démontrer qu’ils peuvent faire d’excellents administrateurs qui contribuent à apporter une perspective différente au sein d’un CA.
Ne vous reste plus qu’à décrocher votre étoile !