Blogue invité. «Mon besoin d’indépendance, le désir d’être mon propre patron et de bâtir une entreprise qui assurerait un futur à ma famille ont toujours été ma source de motivation pour persévérer en affaires, malgré les embûches», raconte Sindy Gamelin, une jeune entrepreneure abénaquise.
Ayant grandi dans une famille d’entrepreneurs, Sindy a démarré après un congé de maternité son salon d’esthétique à domicile dans la communauté d’Odanak, près de Sorel-Tracy.
Ses clientes la complimentent pour l’originalité des vêtements et des accessoires qu’elle porte régulièrement. Constatant l’absence d’une offre de vêtements griffés et d’accessoires dans la région, Sindy voit l’opportunité de lancer sa propre boutique dans un local commercial. Ainsi naît «SIN Boutique», un commerce qui reflète les valeurs de sa propriétaire, soit l’élégance, la convivialité et l’inclusion.
Comme toute entrepreneure, Sindy a dû trouver rapidement des solutions à ses problèmes. Quand des banquiers traditionnels lui ont fermé la porte au nez dès la présentation de son plan d’affaires, un conseiller d’Odanak lui a suggéré le réseau financier autochtone qui lui a fait confiance.
En 2019, peu après le démarrage, un incendie cause des dommages et des pertes que les assurances ne compenseront qu’un an plus tard. Entre-temps, un prêt d’urgence a été nécessaire pour faire le pont.
Sindy a dû également composer avec les ennuis de la COVID-19. Contrainte de fermer boutique, elle décide pour sauver son commerce de faire du porte-à-porte pour vendre des masques fabriqués par des couturières québécoises.
À la réouverture de son commerce, elle devra liquider au prix coûtant un surplus de vêtements de saison non vendus. Ensuite, des problèmes avec les chaînes d’approvisionnement l’obligent à commander des stocks en plus grande quantité afin d’assurer les ventes de la prochaine année, entraînant des pressions supplémentaires sur ses liquidités.
Enfin, à l’automne 2022, un compétiteur majeur décide d’ouvrir une boutique dans le même secteur. Mais Sindy surveille la qualité du service offert par son équipe de ventes et conserve ses clientes.
Elle insiste sur l’importance de savoir demander de l’aide à un réseau d’affaires pour des conseils et du financement. Des mentors l’ont aidé à rédiger un bon plan d’affaires, avec des prévisions financières réalistes.
Sur le plan personnel, elle souligne l’importance d’avoir une bonne capacité d’adaptation, de faire preuve de rigueur et de débrouillardise et finalement de rester fidèle à ses valeurs, y compris le développement personnel.
À cet effet, Sindy a récemment complété un diplôme d’études professionnelles en lancement d’entreprises. Selon elle, il faut scruter son environnement et s’interroger sur la façon dont on peut se rendre utile dans son milieu. Mais encore faut-il que ces opportunités aillent de pair avec nos valeurs et nos intérêts; travail et plaisir n’étant pas mutuellement exclusif.
Précarité financière
Au Québec, on recense environ 1% des femmes autochtones propriétaires d’une entreprise, comparativement à 9% des femmes en général. Il semble que les femmes aient plus de difficulté que les hommes à passer de l’intention au démarrage d’une entreprise, bien qu’elles soient de bonnes gestionnaires, qu’elles détiennent plus de diplômes universitaires et que leurs entreprises aient une plus grande longévité que celles des hommes.
Il y a plus de 70 000 femmes autochtones au Québec et près de 12 000 d’entre elles pourraient avoir besoin de soutien et d’accompagnement pour des projets d’affaires estime la Commission de développement économique des Premières Nations du Québec et du Labrador.
La précarité financière de plusieurs rend très difficile la constitution de la mise de fonds essentielle pour obtenir du financement.
Le manque de confiance en elles et l’impression de ne pas posséder les compétences requises font que plusieurs renoncent à faire des demandes de financement. Enfin, l’isolement dans les communautés autochtones réduit considérablement les opportunités d’affaires et restreint l’accès à un réseau d’affaires et de mentorat, un facteur de succès important.
Dans les Premières Nations, les femmes ont toujours occupé une place importante dans l’organisation et la vie de la communauté, indépendamment du régime social, qu’il soit de type patrilinéaire pour les peuples chasseurs cueilleurs ou matrilinéaire pour les peuples sédentaires s’adonnant notamment à l’agriculture. Dans les deux cas, l’homme et la femme avaient des tâches spécifiques pour le bon maintien de la vie communautaire, sans prédominance d’un sexe sur l’autre.
Aujourd’hui, les femmes autochtones sont cependant sous-représentées en affaires. Il faut donc les soutenir afin qu’elles puissent exploiter leur plein potentiel et ainsi contribuer à l’amélioration socio-économique de nos communautés, qui en ont tant besoin.
Sindy a travaillé avec la Société de crédit commercial autochtone et la Commission de développement économique des Premières Nations dans le cadre d’un programme conjoint visant à aider les femmes autochtones désirant se lancer en affaires. Ces deux organismes entretiennent aussi des liens serrés avec le Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat, l’École des dirigeants des Premières Nations et le Secrétariat aux relations avec les Premières Nations et les Inuits.
«L’essentiel, c’est de poursuivre ses rêves, peu importe les obstacles rencontrés», dit Sindy. Son histoire est typique de la route que doivent emprunter les femmes autochtones qui veulent se lancer en affaires. Contre vents et marées, cette jeune entrepreneure a fait preuve d’imagination et de persévérance afin de garder le cap et faire de Sin Boutique une entreprise florissante.