Invitation à vous, lecteurs avertis, de participer au jeu de société que propose le présent billet. Vous êtes donc conviés à un brin d'optimisme prudent, lucide toutefois, et à un geste de bonne volonté en imaginant comment contribuer à un avenir meilleur, ici dans l'environnement politique et social qui nous touche, et ailleurs où, en définitive, les enjeux semblent souvent similaires ! De quoi faire fondre certaines de nos prétentions à la distinction!
Le jeu : à la fin de chacune des grandes tendances répertoriées et brièvement documentées (1) identifiez l'état de la situation dans l'environnement qui vous affecte le plus directement (ex: village, ville, région. province, pays, continent); (2) décrire les impacts sur votre vie et celles de vos concitoyens ; et (3) imaginez comment vous pourriez contribuer à améliorer votre milieu. Enfin, vous pourrez, si vous le souhaitez, partager vos observations sur le réseau Linkedin affiché en rubrique. Les grandes tendances répertoriées s'inspirent du bilan dressé par le World Economic Forum dans la foulée des nombreux sondages auprès de citoyens à travers le monde et de relevés d'opinions d'experts internationaux. Ces opinions ont été évaluées, comparées, bref, mises à l'épreuve pour déterminer leur ordre de préséance. Elles se retrouvent à l'Agenda 2015 du WEF.
LES TENDANCES:
1.LES INÉGALITÉS DE REVENUS
Cette tendance, amplifiée d'année en année, entraîne désormais une série de dérèglements fréquemment dénoncés dans les révoltes populaires assimilables à cette période historique trouble en France, la Fronde!
Elle sous-entend, au-delà des prises de conscience de populations mieux informées, la montée des écarts dans les opportunités de réussite et consolide les clivages entre les sexes, l'ethnicité, les capacités physiques ou intellectuelles, l'âge, la provenance géographique. De plus, elle expliquerait des comportements de violence populaire, des conflits politiques et sociaux, la dégradation de l'environnement, la montée des extrémismes, la fragilisation de nos réflexes et espaces démocratiques et, trop régulièrement la banalisation des promoteurs du développement durable. La suprématie de l'avoir des actionnaires et la pendule du trimestre financier occupent l'univers de la pensée politique et économique.
A ce titre, le podium de l'inquiétude est occupé de façon décroissante par l'Asie, l'Amérique du Nord et l'Amérique latine.
Le jeu: qu'en est-il de nous au chapitre des inégalités ressenties et mobilisatrices de scepticisme et de dénonciations? Les risques à la cohésion sociale et à la stabilité politique?
2. LA CROISSANCE SANS EMPLOI
Les conditions d'accès à la richesse des nations sont souvent conditionnées par les niveaux de créativité, d'innovation et d'automatisation des procédés de fabrication. Les compétences techniques et managériales sont également au cœur du dispositif de la réussite. Rien à redire jusqu'ici! Sauf, peut-être que ce progrès requiert de moins en moins de main-d’œuvre, même qualifiée. Imaginons donc, un instant, la situation au sein des collectivités moins techniques, moins scolarisées, éloignées des pôles industriels...songeons-nous spontanément ici à la Gaspésie, à la Côte-Nord, à Haïti, au Mali ou au Cambodge. Avec les variables d'analyse du partage de la richesse (ex: filets sociaux), des similitudes existeraient quant au potentiel de développement, à l'accès aux capitaux et à l'implantation de technologies efficaces.
Si le "vrai progrès" requiert de moins en moins de main-d’œuvre, que faire si l'on ne participe pas au progrès? Certains penseurs du monde moderne, dont le célèbre Pr. Larry Summers, évoque le scénario d'un recyclage de ces "forces vives", toutefois exclues du progrès, en une force ouvrière à faibles coûts pour relancer les grands chantiers d'infrastructure, routes, écoles, hôpitaux et ponts... Bref, on redessine le néolibéralisme en "aidant" un certain prolétariat à reconstruire les villes. Un Plan Nord au Sud ! Gros salaires en moins! La Chine s'y affaire actuellement, les États-Unis aussi. Décidément, le chômage chronique prévu pour un travailleur sur trois, âgé de 25-44 ans, dans les régions encore hier si besogneuses, semblerait avoir trouvé un antidote. On leur accorderait même le privilège d'en assurer la facture par des régimes fiscaux non complaisants. La basse classe moyenne, mais classe moyenne quant même!
L'effet boomerang d'une telle "générosité" des pouvoirs publics pourrait avoir un impact sur la perception de leur légitimité. Aussi, sur la pertinence et son corollaire, la remise en cause, des systèmes de formation actuels. Pour reprendre les propos du Pr. Summers, quelles formations devrions-nous prioriser dans les disciplines qui ne sont pas encore contrôlées les "machines" ? Collaboration, créativité, gestion stratégique?
Le jeu: Qu'en est-il du Québec dans ce redécoupage des forces vives et du délestage d'une partie de notre main-d’œuvre disqualifiée au profit de l'automatisation et au nom de l'avantage concurrentiel international? Les orientations de nos décideurs gouvernementaux vous semblent-elles sur la bonne voie?
3. LA CRISE DE LEADERSHIP
Les enquêtes et sondages auprès d'échantillonnages planétaires sont unanimes pour dénoncer l'anémie dans les pratiques de leadership à tous les niveaux des décisions publiques sur les questions d'intérêt global: réchauffement climatique, économie mondiale, éthique dans les affaires privées et publiques? De la Chine à l'Inde, en passant par la Russie, le Brésil, l'Afrique du Sud, les États-Unis et le Canada, qui peut brandir la "patte blanche" ? La règle chez les décideurs publics: "Jouer le jeu du système, faire rouler les billes dans notre sens et faire tout le nécessaire pour survivre et se succéder à soi-même". Bons peuples, ne vous inquiétez-pas, on vous reviendra plus tard!
Conséquences observées ou prévisibles: terreau fertile pour les leaders charismatiques (ou leur contraire) issus des clans ou de l'armée. Les réseaux sociaux, récemment encore bougies d'allumage pour des expériences démocratiques et de citoyenneté, se désillusionnent de partager l'outil avec les autoritarismes sous toutes leurs formes.
Les relevés planétaires commandés par le World Economic Forum démontrent que près de neuf citoyens sur dix, à travers le monde, jettent un regard persistant de discrédit sur les rengaines politiciennes, mêmes lorsqu'entonnées dans les chorales mondiales que sont les G20 et autres Sommets."Accord unanime de tous les chefs de Gouvernements… mais non contraignante pour sauver la planète, le système financier... Relire le dernier psaume de la Conférence de Lima sur le climat...
Le crédit de bonne foi se serait déplacé chez les dirigeants de l'économie sociale, des ONG et des gens d'affaires soucieux de valoriser le capital humain par la créativité, l'innovation et la responsabilisation sociale et managériale. Fini aussi le règne des leaders religieux et de leur théocratie (bureaucrates), étonnamment dénoncés par plus de deux citoyens sur trois dans toutes les régions du monde. Débranchés de la réalité et incompétents pour inculquer des valeurs morales et de mieux-vivre ensemble. Les jugements les plus sévères sont destinés aux leaders asiatiques, africains, sud-américains et européens.
Le jeu: Où en est l'axe Canada-Québec sur l'appréciation de nos leaders? Quelles sont les compétences requises pour mériter la confiance des populations? A l'échelle planétaire, on entend régulièrement vision globale et interdisciplinaire, capacité de planifier à long terme et habileté à communiquer et à informer les communautés sur la pertinence des actions gouvernementales (approche pédagogique et transparente), souci de justice sociale, mieux-être des communautés avant la croissance économique et, enfin, le courage, la lucidité et la mobilisation des citoyens.
4. LE RETOUR DES OPPOSITIONS GÉOSTRATÉGIQUE
La fin de la guerre froide avait suscité l'espoir d'un monde meilleur, plus ouvert, plus libéral, soucieux des consensus démocratiques et moins belligérant... L'effondrement du Bloc soviétique et la reconnaissance d'une certaine respectabilité planétaire à la Chine, cumulés à leur intégration dans le système économique global, aussi, le déferlement des transitions démocratiques en Amérique latine et en Europe de l'Est avaient laissé croire à la disparition des confrontations entre superpuissances. On en avait presqu'oublié que l'Histoire se répète toujours...
Globalisation, libre-échange, économies libérées, interdépendance entre nations et valorisation des grands chantiers dont les forums internationaux et multilatéraux. En résumé,"Peace and Trade" était le mot du jour!
Le répit ne durera pas longtemps: Le réveil tsariste de la Russie de Vladimir Poutine, dit le Fâché, allait annoncer une répétition plus que théâtrale de la Russie d'Yvan, le Terrible. Sa boussole: la Renaissance de la Russie humiliée par l'Occident. Les armes: d’abord économiques (pétrole et autres ressources stratégiques, rapprochement avec la Chine); ensuite, le bruit des bottes en Crimée et sur les plates-bandes de l'Ukraine pro-occidentale. Rôle ambigu au Moyen-Orient!
Les victimes: les populations limitrophes, le bon peuple russe de retour aux files d'attente et évidemment, la stabilité interne, régionale et mondiale. Au grand plaisir de la Chine enorgueillie des opinions mondiales et sondages répétitifs qui lui octroient le statut de puissance mondiale, devançant ainsi légèrement les États-Unis. A ce chapitre, qu'en est-il de la discrète puissance nippone, troisième joueur économique mondial, alliée des États-Unis et en grippe géopolitique avec la Chine depuis des décennies? Son instabilité monétaire est-elle son talon d'Achille dans l'alignement avec les États-Unis? Quel événement, même banal, mettra le feu aux poudres? Les observateurs s'accordent sur l'inévitabilité du phénomène. "Rien ne vaut une bonne guerre pour remettre les pendules à zéro", claironne le proverbe!
On ne s'étonnera pas de constater que le risque géostratégique répertorié dans les sondages et analyses du WEF désigne l'Asie en tête de liste des zones à haut risque (33%), suivie par l'Europe et le Moyen-Orient ex-aequo (22%) et l'Afrique du Nord (20%) .
Bilan: divergences sur les enjeux globaux (climat, gouvernance, pauvreté) accompagnées de rivalités historiques récurrentes. Ciel sombre avec nuages lourds! Le slogan des années de Guerre froide, "Paix impossible, guerre improbable" inspire-t-il toujours ?
Le jeu: Le Canada est-il de la partie? Et le Québec? Avantages économiques pour nous comme au bon temps des deux autres guerres mondiales?
5. L'ACCROISSEMENT DU DÉFICIT DÉMOCRATIQUE POST 2008
La crise financière de 2008 a entraîné des conséquences tragiques à plusieurs niveaux: appauvrissement des classes moyennes à l'échelle planétaire, précarisation des revenus de retraite de centaines de millions de personnes à travers le monde, montée du chômage et combien d'autres drames sociaux...
L'inefficacité des gouvernements, sinon leur complicité ou leur fainéantise, leur valent aujourd'hui un discrédit dans toutes régions du monde au sein de toutes les couches sociales, bref, le terreau est fertile pour la déstabilisation politique.
Le réputé baromètre de confiance EDELMAN remarque que quatre citoyens sur dix, à l'échelle planétaire, témoignent toujours d'une certaine confiance envers les pouvoirs publics, par opposition à un crédit de 6 sur dix pour le leadership privé.
Le désenchantement est universel et majoritaire chez les jeunes, très souvent diplômés, avec ou sans emploi: Grèce, Espagne, France, Ukraine, Brésil, Chine, Québec. Le fossé entre citoyens et élus est plus profond que jamais auparavant. Tout se passe comme si la surdité des élus ou leur aveuglement les rendait non redevables de leur exactions ou abus de consentement populaire.
La question redondante dans nos sociétés occidentales : Y a-t-il toujours place pour des institutions du 19e siècle à héberger des comportements politiques du 20e siècle pour appréhender des valeurs, des perceptions et des attentes du 21e siècle ? Le siècle des Lumières et ses aspirations semblent fossilisés et en attente d'un décapage en profondeur pour refléter les nouvelles réalités. A titre d'exemple, le discrédit est abyssal dans certains pays tels l'Italie (77%), la France (69%), l'Espagne (65%), le Royaume-Uni (64%), voire l'Allemagne (53%).
Les processus de prise de décision semblent au cœur de la problématique de rejet envers les élites politiques. Les entreprises privées et les institutions du savoir auraient une meilleure cote!
Les régions les plus affectées par le désaveu envers les autorités politiques: Le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (26%), l'Amérique latine (18%), l'Europe (16%) et l'Asie (16%). L'Afrique sub-saharienne (15%) devance de peu l'Amérique du Nord (13%).
Les promesses émancipatrices des médias sociaux et l'émergence de structures citoyennes alternatives serviront leur vocation dans des projets réalistes portés par les citoyens eux-mêmes (micro-crédit, financements non-conventionnels d'initiatives entrepreneuriales, par exemple). En elle-même, la démocratie comme aptitude à la vie commune n’est pas menacée, elle serait en phase de mutation et absoute du dogme à l'urne, aujourd'hui déclassé.
Le jeu: Où en sommes-nous, fiers Québécois? Rejoignons-nous le rang de citoyen du monde? Pouvons-nous indiquer des témoignages d'initiatives qui ébranlent les colonnes des Parlements, au nom d'une démocratie plus participative?
Conclusion: Le prochain bulletin commentera les cinq autres tendances globales répertoriées par l’Agenda Global 2015 du World Economic Forum.
N'hésitez pas à commenter sur le site Linkedin identifié sur le blogue.
À SUIVRE!