On dit souvent qu’il convient de mettre une partie de son expertise de côté pour pouvoir mettre à profit ses compétences de leader lorsqu’on devient chef d’équipe. Pourtant, la littérature en management parle peu du sentiment de perte, voire de deuil, que déclenche ce changement professionnel.
Ce qui freine le leader dans cette transition, c’est qu’il est alors à la recherche d’une nouvelle identité et d’une nouvelle utilité. Pas étonnant, par conséquent, de voir tant de leaders continuer de «trop» s’impliquer dans les opérations, sous prétexte que leur équipe n’est pas assez forte ou que certains clients s’attendent à ce que ce soit eux qui «portent» les dossiers.
Le truc pour sortir de cette impasse est simple, il consiste à trouver de nouvelles utilité et identité aussi fortes et valorisantes que les précédentes. Je parle ici d’expérience, en suivant l’adage qui veut que ce que l’on enseigne le mieux est ce que l’on a besoin d’apprendre.
Depuis une vingtaine d’années, j’évolue comme experte au sein de différentes organisations. Durant les sept premières années de ma carrière d’entrepreneure, j’ai travaillé fort pour acquérir une crédibilité dans mon champ d’expertise.
Il y a un an, j’ai reçu la consigne claire de réduire considérablement mon implication dans la réalisation des mandats de la part des investisseurs et des membres des comités aviseurs de chacune de mes deux entreprises, soit Amplio Stratégies, un cabinet-conseil qui œuvre au développement et à la croissance des entreprises, et illuxi, une firme technologique spécialisée dans les programmes de formation.
J’ai trouvé inconsciemment toutes les excuses pour retarder le fameux «moment de transition», non pas par manque de confiance envers mes équipes, mais bien en prétextant, du côté d’Amplio, que mes clients réclamaient de travailler avec moi et, du côté d’illuxi, que je devais m’impliquer pour garantir la cohérence avec la vision initiale de la firme.
Le vrai déclencheur du changement pour illuxi a été l’embauche d’employés plus expérimentés que moi dans chacun des métiers nécessaires à la production des outils technologiques. Assez vite, mon utilité s’est définie d’elle-même : donner les orientations et ma lecture du marché, en constante évolution. Du coup, ma plus grande satisfaction au travail provient maintenant du fait que je constate que chacun a du plaisir à travailler et trouve un sens à ce qu’il fait, grâce au style de gestion que nous avons adopté.
Du côté d’Amplio, le déclic est survenu le jour où un consultant de mon équipe, qui travaillait sur le même mandat que moi, a obtenu une meilleure évaluation que la mienne de la part du client. Mon rôle consiste depuis à faire évoluer le modèle d’affaires afin d’assurer la pérennité de l’entreprise et à souligner auprès des clients la diversité des talents qui s’y trouvent. Et ce, sachant qu’Amplio est devenue, à mes yeux, un «hub» pour les consultants qui y évoluent, un lieu formidable où apprennent et grandissent.
Quel serait un bon indicateur de ma réussite dans ces nouveaux rôles? Je crois qu’il serait visible le jour où je vendrai, car cela ne sera possible qu’à condition d’avoir bâti une équipe performante et autonome, à même de poursuivre la mission sans moi. Ça, ce serait le véritable leg d’un leader-coach.
D’ailleurs, le conférencier et formateur Rémi Tremblay m’a dit un jour : «On constate le réel impact et la qualité de l’héritage d’un leader envers son équipe 5 années après qu’il ait quitté son rôle...»