BLOGUE INVITÉ. Ensemble, le Canada et les États-Unis comptent plus de 1,5 million d’organismes de charité. Parmi eux, des organismes irréprochables offrent leur aide sans rien demander en retour. Tandis que d’autres usent de stratagèmes innovants pour détourner de l’argent.
Il existe peu d’études portant sur la gouvernance, l’opacité et le niveau de supercherie dans l'industrie des dons de charité. Voici des éléments et chiffres provenant d’une étude canadienne, Vers un meilleur monitoring de l’industrie de la charité (Lacasse, Lambert, 2019).
Données de cette étude, spécifiques au Canada:
- Sur une période de 5 ans, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a découvert un trafic de 6 milliards de dollars en faux reçus d’impôt;
- Seulement 1% des organismes sont audités annuellement par l’ARC;
- 100 cadres «bienfaisants» gagnent un salaire de plus de 500 000$ par année;
- Les dons remis à l’industrie du ruban rose (Fondation du cancer du sein) sont impossibles à retracer;
- 1% des organismes amassent annuellement 60% des 200 milliards de dollars de revenus.
Je me permets d’être pessimiste mais lucide: pourquoi n’avons-nous pas plus de transparence de la part de ces organismes? Est-ce possible de concevoir un cadre technologique pour faciliter et sécuriser les activités des organismes «irréprochables»? Selon moi, cette meilleure transparence aurait comme double effet d’augmenter le nombre de dons ainsi que leur montant.
La chaîne de valeur
Dans l’univers des organismes de bienfaisance, le modèle d’affaires peut s'avérer complexe. Les promoteurs veulent soutenir une cause, les donateurs contribuent pour une ou plusieurs raisons, les consultants experts (avocats, comptables, fiscalistes, etc.) perçoivent des honoraires, l’État offre des subventions et les bénéficiaires ont des besoins.
Cet engrenage est en perpétuelle évolution et bénéficie à un vaste éventail d’individus. Mais comment s’assurer que celui-ci ne se transforme pas en modèle d’affaires corrompu dans lequel le bénéficiaire reçoit beaucoup moins que ce qu’il devrait?
À mon avis, certains renseignements devraient être plus accessibles au public. En ce sens, la technologie bockchain se démarque par sa transparence et son immuabilité.
Oui, il y aura toujours des failles. Comme le dit l’adage: là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie.
Cependant, à l’ère numérique, il y a maintenant des solutions pour optimiser la traçabilité de l’argent et les échanges qui y sont liés.
Pistes de solutions
Du côté technologique, des éléments préalables doivent être mis en place. Outre cette réalité, il est selon moi important d’organiser un mariage entre la blockchain et le monde caritatif. Ceux qui sont là pour les bonnes raisons en ressortiront gagnants.
Maintenant, par où commencer? Il serait avantageux d’associer une meilleure transparence aux reçus de dons. Un registre blockchain de ces reçus permettrait de simplifier les audits des organismes par le gouvernement, en plus de rassurer les donateurs.
La normalisation des reçus devrait cependant être accompagnée d’une solide identification et validation des organismes de charité dans le monde virtuel. Sans quoi, certains trouveront le moyen d’usurper l’identité de différents organismes et d’émettre de faux reçus.
Selon moi, la conception d’un réseau pour identifier la provenance des dons ainsi que leur trajectoire dans la chaîne de valeur se révèle très logique. Que ce soit lors de marathons, de tournois de golf, de téléthons, d’encans, de spectacles-bénéfices ou d’autres événements de financement, il serait alors possible de connaître la source des contributions. Pour chaque acteur du modèle d’affaires, que ce soit les promoteurs, les donateurs, les différents professionnels, l’État ou les bénéficiaires, des déclencheurs numériques permettraient d’identifier où l’argent «entre» et «sort».
L’objectif n’est pas d’alourdir les processus mais plutôt d’utiliser un registre numérique collaboratif infalsifiable dans lequel certains types de transactions devraient être enregistrés.
Une approche basée sur un registre blockchain bien intégré représente un atout potentiel pour les bénéficiaires, l’État et les donateurs.
Les variables à considérer
En vue d’une implémentation future, certaines variables sont à considérer.
L'aisance technologique des participants
On souligne souvent les risques associés au manque d’aisance des donateurs avec la technologie. Personnellement, je ne suis pas d’accord. L’été dernier, j’étais sur un bateau pour un événement de charité et lorsque les gens passaient devant la table de dons la majorité des participants n’avait pas d’argent comptant. Le lendemain, au McDonald, en libre-service et en moins de 2 minutes, j’ai pu commander et payer en tapant simplement ma carte bancaire contre un écran.
Il faut apprivoiser ces nouvelles technologies. Si 20% des individus seront moins à l’aise avec celles-ci ou utiliseront l’ancien processus, 80% d’entre eux pourront bénéficier d’une expérience utilisateur optimisée.
Le timing
Prenons l’exemple d’un désastre naturel comme un séisme majeur. Il est crucial de pouvoir recueillir rapidement les dons afin de les transférer aux bénéficiaires. Une application blockchain bien intégrée réduirait les coûts et les délais de transfert, en plus d’assurer une meilleure sécurité.
D’autant plus que les personnes mal intentionnées tenteront de tirer profit de ces situations hors de l’ordinaire. D’ailleurs, nous nous sommes tous déjà demandé si l’argent atteint réellement les bénéficiaires. Pour ce genre d’évènement non récurrent, un cadre technologique bien établi permettrait un déploiement plus rapide avec un niveau de certitude plus élevé.
L’environnement
Dans certains cas, l’environnement peut s'avérer hostile. Que ce soit en raison d’une connexion Internet absente ou insuffisante, d’un manque d’outils technologiques ou tout simplement parce que la température ne le permet pas.
Mais bon, l’approche think mobile first est maintenant planétaire. Il faut construire en fonction du futur. La quantité de points de connexion est en constante augmentation et les cas de figure dans lesquels l'environnement n’est pas adéquat sont minimes.
Un pour tous, tous pour un
Entre nous, je crois malheureusement que l’argent mène le monde. Les organismes qui désireront réellement rendre leurs opérations transparentes seront peu nombreux. Le même concept s’applique au gouvernement. Car le gouvernement, au final, c’est comme un gros organisme à but non lucratif. En revanche, dans les années à venir, je crois que les consommateurs, les donateurs et les citoyens en viendront à exiger une telle transparence et un tel niveau de confiance.
À tous les organismes de charité «irréprochables» qui ont lu ce texte, je vous dis merci!