BLOGUE INVITÉ. Plusieurs grandes villes du monde, comme Montréal, se positionnent comme des actrices incontournables de la transition écologique. Des centaines de maires et de mairesses, dont Valérie Plante, mairesse de Montréal, se sont d’ailleurs réunis à Buenos Aires du 19 au 21 octobre dans le cadre du Sommet mondial C40, un réseau international de grandes villes proactives dans la lutte contre les changements climatiques.
Mais, à l’intérieur même d’une ville comme Montréal, d’autres acteurs interviennent dans la gouvernance de la transition écologique. C’est le cas de certains Arrondissements, comme Rosemont–La Petite-Patrie, qui a créé un partenariat avec la Chaire de recherche sur la transition écologique de l’Université du Québec à Montréal pour intégrer «les principes fondamentaux de la transition écologique à toutes [ses] interventions». Entrevue avec René Audet, titulaire de la chaire de recherche.
Qu’est-ce qui a motivé l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie à créer un tel partenariat avec une chaire de recherche et quel est le rôle de la Chaire dans ce partenariat?
D’abord, il y avait une volonté politique. Au sein des Arrondissements et de la Ville, il y a une barrière entre le politique et l’administratif, alors une fois que le politique donne une consigne comme ça, c’est l’administratif qui s’en charge. J’ai donc été contacté par le directeur d’Arrondissement, qui savait qu’on travaillait déjà dans Rosemont–La Petite-Patrie — notamment avec l’organisme Solon —, et qui voulait approfondir la vision et surtout les outils de l’Arrondissement pour la transition écologique.
On a en même temps réalisé qu’il y avait déjà beaucoup de choses qui étaient faites par l’Arrondissement en ce sens. [Les fonctionnaires] le savaient, mais c’était plus une intuition. Pour eux, ce que désignent les termes comme «développement durable» et «transition écologique», et comment ça se traduit concrètement, ce n’est pas toujours clair. Par exemple, certaines choses dont ils étaient fiers, c’était la gestion de l’eau, des îlots de chaleur et de la biodiversité. C’est ce qu’ils entendaient par transition écologique, mais ils savaient quand même qu’il y avait des angles morts. Ils voulaient élargir leur vision, se doter d’une réflexion sur les outils et pas seulement sur les secteurs et les thèmes. Notre équipe, composée de Mathilde Manon, Michel Rochefort, Laurie Laplante et moi, a travaillé avec l’administration de l’Arrondissement sur la façon de mieux intégrer la transition écologique dans les décisions. Notre premier mandat a donc été de répertorier les interventions de l’Arrondissement pour la transition écologique.
Rosemont–La Petite-Patrie a aussi la volonté de renforcer ses échanges avec les groupes citoyens qui travaillent sur la transition écologique de leur territoire.
D’ailleurs, en ce moment, l’Arrondissement bénéficie d’un financement avec la Ville de Strasbourg, en France, dans le cadre d’un programme de coopération et de maillage entre des organes municipaux. L’idée derrière ce maillage en particulier, c’est d’apprendre de meilleures pratiques des autres en matière de transition écologique. Strasbourg était intéressée par les ruelles vertes et la participation citoyenne. Comme Rosemont–La Petite-Patrie est l’Arrondissement montréalais où il y a le plus de ruelles vertes, il y a quand même une expertise là-dessus. Du côté de l’Arrondissement, ce qui les intéressait, c’était ce qu’on appelle l’habitat participatif à Strasbourg. Ce sont des gens qui se mettent ensemble, selon plusieurs formules, pour gérer un bâtiment de manière participative. C’était la structure légale de ces choses-là qui intéressait l’Arrondissement montréalais. Donc, nous, nous avons joué un rôle d’accompagnement dans cette collaboration. On travaille sur la consolidation des apprentissages.
Dans le contexte de la gouvernance de la transition écologique, comment interagissent les différentes échelles à Montréal comme les milieux de vie, les Arrondissements, la Ville, etc.?
Ce qu’on a trouvé dans notre projet de recherche (projet de répertoire synthèse), c’est qu’il y a des enjeux pour lesquels les Arrondissements veulent agir, mais qui sont des enjeux à responsabilités distribuées. Par exemple, la réduction des gaz à effet de serre, tout le monde peut en faire un peu, mais on n’a pas le contrôle sur ce que le voisin fait et ce que la Ville fait. Par exemple, un autobus peut traverser plusieurs Arrondissements. Il est donc assez compliqué de délimiter les responsabilités relatives à la transition écologique entre les niveaux administratifs comme la Ville et les Arrondissements. À part peut-être la participation citoyenne, qui est un élément important de la transition et qu’on oublie souvent.
Il y a toutefois des choses qui peuvent être faites par les Arrondissements. Par exemple, à Rosemont–La Petite-Patrie, il y a le programme Projets participatifs citoyens qui utilise la notion de milieu de vie. On peut faire un budget participatif, mais la Ville de Montréal peut aussi en faire un… donc à la limite, les distinctions sont difficiles à articuler, mais les Arrondissements ont certainement un rôle à jouer.
En effet, l’Arrondissement dispose quand même de pouvoirs règlementaires et a, par exemple, un pouvoir d’aménagement qui est important. On l’a vu pendant la pandémie, Rosemont–La Petite-Patrie a rapidement créé de nouvelles pistes cyclables. Ça ne veut pas dire que c’est accepté unanimement par les citoyens, mais il y a quand même là un pouvoir intéressant pour la transition écologique que les Arrondissements peuvent mobiliser.
Pour les enjeux à responsabilités distribuées, la clé, ça va être de trouver les mécanismes d’intervention, parce que Montréal, la province et le fédéral vont chacun se donner des cibles, et l’arrondissement va essayer de contribuer à ces cibles-là comme il peut, mais il y a beaucoup de choses hors de son contrôle et ses compétences. La recherche de solutions pour articuler les échelles de gouvernance sur les enjeux à responsabilités distribuées est donc un défi.
Les Arrondissements ont-ils un pouvoir sur les entreprises de leur territoire pour contribuer à la transition ?
L’Arrondissement ne peut pas règlementer les activités des entreprises, mais il peut avoir un dialogue privilégié avec les entreprises pour les amener à entrer dans certains programmes. Par exemple, Rosemont–La Petite-Patrie mène un Défi zéro déchet. Il y a un volet pour les commerces depuis 2020. Dans ce contexte, l’Arrondissement travaille avec l’organisme Jour de la Terre pour sensibiliser et accompagner des commerces alimentaires pour les aider à réduire leurs déchets.
Quels points les plus intéressants retenez-vous de la recherche menée avec l’Arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie?
La transition écologique, ça devient une priorité pour les Arrondissements qui, des fois, sont perçus seulement comme des administrations de services (collecte des déchets, parcs, déneigement…). Là, il y a des Arrondissements qui voient la transition écologique comme un projet d’Arrondissement et ça, c’est très intéressant, malgré que les enjeux dépassent plusieurs de leurs compétences. On le voit aux niveaux politique et administratif à Rosemont–La Petite-Patrie : il y a vraiment un désir d’avancer, de chercher les bonnes formes règlementaires pour faire avancer certains projets, d’où l’intérêt, par exemple, du maillage avec Strasbourg et l’exploration de l’idée de reprendre le modèle de l’habitat participatif en adoptant les bons véhicules légaux. Tous ces outils que l’Arrondissement pourrait développer et qui sont dans son champ de compétences, mais qu’actuellement elle ne connaît pas, elle les cherche et tente de les développer.
On est dans une perspective de transformation où l’ensemble des acteurs sont sollicités. On souhaite mettre en place de nouveaux moyens, des nouvelles façons de développer, protéger, conserver, rendre plus démocratique, etc. Je pense que l’Arrondissement, pour ça, c’est un niveau de gouvernance qui est très intéressant parce qu’il y a une grande proximité avec les citoyens. L’idée de la participation citoyenne, la concertation des acteurs locaux, c’est un levier important pour la transition écologique qui n’est pas absent des autres niveaux, mais qui est surtout concentré à l’échelle des Arrondissements.