ANALYSE ÉCONOMIQUE. Voilà un fait méconnu qui mérite vraiment qu’on s’y attarde: la productivité des matières (le produit intérieur brut/la consommation intérieure de matières) du Québec est en déclin depuis 2016. Notre économie crée donc moins de richesse qu’auparavant, révèle une étude inédite publiée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).
Publiée le 5 décembre, elle s’intitule simplement La productivité des matières au Québec et elle couvre la période de 2012 à 2019 (l’année statistique la plus récente). L’autrice est Sophie Brehain, coordonnatrice en statistiques environnementales et en développement durable à l’agence gouvernementale.
En entrevue avec Les Affaires, elle explique que le ratio de la productivité des matières mesure grosso modo l’efficience d’une économie.
Plus il est élevé, plus l’économie est efficiente et crée de la richesse pour chaque tonne de matières consommées sur son territoire.
Les matières considérées dans l’étude de l’ISQ sont la biomasse (agricole, forestière, animale issue de la chasse et de la pêche), les combustibles (matériaux solides, liquides et gazeux), les minerais métalliques (fer, or, cuivre, nickel, etc.) et les minerais non métalliques (pierres, sables, graviers, argiles, etc.).
Ainsi, en 2019, la productivité des matières au Québec s’est élevée à 1504$ par tonne de matières consommées. Bref, avec une tonne de matières, notre économie a créé de la richesse évaluée à 1504$.
Or, en 2016, cette richesse s’élevait à 1788$, soit le niveau le plus élevé dans la période analysée par Sophie Brehain (2012 à 2019).
Non seulement la productivité est en déclin depuis 2016, mais le niveau de 2019 (1504$) est aussi le plus bas depuis 2012, comme on peut le voir sur ce graphique produit par l’ISQ.
Un constat s’impose: depuis 2016, notre économie crée de moins en moins de richesse par tonne de matières consommées, ce qui signifie qu’elle est moins efficiente.
On observe du reste la même tendance de 2012 à 2014.
L’effet du dénominateur et du numérateur
Sophie Brehain souligne avec raison dans l’étude qu’il s’agit d’un ratio, avec un numérateur (le PIB) et un dénominateur (la consommation de matières intérieures).
Par conséquent, toute variation de l’un ou l’autre (voire les deux en même temps) a une incidence sur le résultat.
Selon l’étude de l’ISQ, le déclin de la productivité depuis 2016 tient avant tout au fait que le rythme de consommation des matières utilisées a progressé plus rapidement que celui du PIB.
Il n’y a donc pas 36 000 solutions pour que le Québec crée plus de richesse par tonne de matières utilisées: le rythme de croissance de la consommation des matières doit toujours être inférieur à celui de la croissance du PIB.
Dans un monde idéal, il faudrait aussi que nos organisations privées et publiques soient de plus en plus efficaces dans leur consommation de matières, et ce, en la réduisant à la source ainsi qu’en les réutilisant et en les recyclant.
Ainsi, notre économie pourrait sans doute continuer à créer de la richesse même quand la croissance économique est plus faible.
Comment?
Tout simplement — souvenez-vous du ratio mentionné plus haut — parce que la progression du PIB demeurerait malgré tout supérieure à celle des matières utilisées.
Mais pour y arriver, encore faut-il savoir collectivement d'où part notre économie.
L'étude de l'ISQ donne cette réponse.
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