BUDGET FÉDÉRAL. Il s’agit des mesures les plus attendues du grand public, des jeunes surtout. Des lobbys des courtiers et des associations de constructeurs, aussi beaucoup. Ainsi n’a-t-on pas été étonné de constater que le document budgétaire libéral coiffé du soporifique titre Investir dans la classe moyenne débutait par la présentation de nouvelles initiatives pour améliorer l’accès à la propriété et au logement abordable.
Après avoir tenté durant plus d’une décennie de restreindre l’accès au marché immobilier pour éviter la surchauffe, Ottawa cherche maintenant à l’ouvrir pour les aspirants propriétaires tenus à l’écart par des prix devenus prohibitifs, particulièrement à Toronto et Vancouver.
Dans son budget déposé mardi, le ministre des Finances Bill Morneau a présenté plusieurs mesures pour favoriser la construction de logements locatifs abordables, mais ce qui nous intéresse le plus ici, ce sont celles qui visent à aider les jeunes à devenir propriétaires de leur logement.
La grande nouveauté à cet égard s’appelle l’«Incitatif à l’achat d’une première propriété». Les acheteurs d’une première maison qui répondent à certains critères pourront faire la demande d’une hypothèque avec «participation». La SCHL financera alors entre 5% et 10 % du prix d’acquisition de l’habitation.
Le nouveau propriétaire ne sera pas tenu de rembourser la SCHL dans l’immédiat. On ne sait trop quand il y sera obligé, et selon quelles modalités, sauf qu’il n’aura pas à payer d’intérêt sur la part avancée par l’organisme. Dans son document budgétaire, le gouvernement présente le scénario dans lequel une personne fait l’acquisition d’une première propriété, un condo neuf de 400 000$, avec une mise de fonds de 5%. Grâce à l’«incitatif», cet acheteur aurait droit de recevoir un financement de 40 000$ de la part de la SCHL par l’intermédiaire d’un prêt hypothécaire avec participation.
La part qui est financée par la SCHL plutôt que par un prêteur hypothécaire fait en sorte, dans cet exemple, que le remboursement mensuel de l’hypothèque passe de 1973$ à 1745$ (228$ de différence), indique le document qui fait fi des coûts de l’assurance hypothécaire (4% de l’hypothèque) nécessaire pour avoir droit à ce programme.
Précision importante, la SCHL sera plus généreuse pour les acheteurs d’un logement neuf que pour ceux qui se tournent vers le marché de la revente. Ottawa veut ainsi favoriser la construction de nouveaux logements dont la rareté nourrit la hausse des prix dans certains marchés.
Outre le fait que son prêt hypothécaire doit être assuré (par la SCHL ou un autre assureur), un ménage ne peut gagner plus de 120 000$ pour avoir accès au programme. Cette restriction incitera sûrement de jeunes ménages à contribuer à leur REER, en combinaison avec des stratégies impliquant le RAP, afin de réduire leurs revenus nets et se qualifier à la mesure.
Le fédéral impose une autre restriction, cette fois pour atténuer l’effet que pourrait avoir ce nouveau programme sur les prix immobiliers : l’hypothèque et l’«incitatif» ne doivent pas dépasser quatre fois le salaire des participants.
Un pan important de ce programme reste pour le moins nébuleux : comment et quand l’acheteur devra-t-il rembourser la participation de la SCHL ? Le budget cite comme seul exemple la revente comme moment de remboursement. Les fonctionnaires fédéraux n’étaient pas capables de fournir plus d’information, insistant sur le fait que les mécanismes de remboursement seront clarifiés ultérieurement, avant l’entrée en vigueur du programme en septembre, à quelques semaines des élections.
La SCHL hérite ainsi d’une enveloppe de 1,25 G$ sur trois ans pour soutenir les premiers acheteurs. Ignorant les modalités de remboursement, on ne peut dire si ce sera une bonne ou une très bonne affaire pour les premiers acheteurs. On a bien hâte de savoir.
On est aussi curieux de voir comment interagira cette mesure avec les autres règles et les conditions du marché de l’immobilier. Est-ce qu’il permettra à des acheteurs de se qualifier pour des maisons pour lesquelles ils ne se qualifiaient pas jusqu’à maintenant? Pourrait-il affecter le marché de la revente pour lequel le programme se montre moins généreux. Fera-t-il gonfler le prix de l’immobilier neuf? Aura-t-il une influence sur la configuration des nouveaux projets de construction?
Beaucoup de suspens!
En parallèle à cette nouvelle mesure, le gouvernement fédéral vient augmenter le montant qui peut être retiré d’un REER par l’intermédiaire du Régime d’accès à la propriété (RAP). Le montant qu’un premier acheteur peut soutirer avec la RAP passe de 25 000$ à 35 000$ par personne à compter de maintenant. Un couple pourra donc retirer 70 000$ de leurs REER au moment d’acquérir une première maison.
Autre changement au sujet du RAP, plus important sans doute, des personnes séparées pourront désormais recourir au RAP même si elles étaient propriétaires au cours des quatre dernières années avec leur ancien conjoint. Toutefois, si elles ont déjà utilisé le RAP, leur REER devra être entièrement remboursé avant de pouvoir «raper» de nouveau.
On sait que l’argent soutiré du REER par l’intermédiaire d’un RAP peut être utilisé à d’autres fins que l’achat d’une maison. Le RAP constitue un outil qui permet aux acheteurs admissibles de recourir à des stratégies d’investissement très rentables. Avec la hausse du plafond du RAP, ces stratégies n’en deviendront que plus payantes.