Il vient un moment où ça ressemble à de l’acharnement. Vous savez, quand vous prenez des nouvelles de quelqu’un aux prises avec un problème qui paraît de plus en plus insoluble. Vous lui posez la question, pour une énième fois: «Pis? L’as-tu vendu ton condo?».
Il ne l’a pas vendu.
Ce n’est plus drôle. Des proches ont longtemps été incapables de vendre le leur, sur la Rive-Sud, si bien qu’on a cessé de leur demander s’ils avaient trouvé un acheteur. C’était gênant. On a emprunté une autre approche: «Avez-vous eu des visites?». Ah! Des visiteurs, ils en avaient! Les trois quarts du temps, c’était des voyeurs en pèlerinage dominical qui faisaient la tournée des maisons à vendre pour aller renifler chez les autres. À chacun ses petits plaisirs simples.
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Les acheteurs sérieux avaient l’embarras du choix, tellement qu’ils ergotaient pour le moindre détail. «On aime beaucoup, mais on a du mal à voir où on va installer la télé…, hein Jacques?». Je n’y croyais plus, jusqu’au jour où, deux ans et demi plus tard, ils ont enfin vendu leur copropriété, bien sûr à un prix inférieur à celui espéré au départ.
Le problème, c’est le condo en périphérie de la ville, me suis-je dit. Les gens qui lorgnent la banlieue, la région ou la campagne veulent une maison, une cour et la paix. Ils ne recherchent pas des voisins de palier, des disputes sur la couleur des aires communes et des cotisations spéciales au fonds de prévoyance. Et ils veulent cuisiner sur leur BBQ l’été.
La promiscuité à laquelle consent le propriétaire de condo doit être compensée par certains avantages, dont la proximité des services, du lieu de travail et de la vie urbaine. C’est d’ailleurs ce que vendent les promoteurs des tours à condos qui poussent autour du Centre Bell et dans Griffintown, au centre-ville de Montréal: «A walkable lifestyle».
Le condo m’a toujours paru comme la porte d’entrée du marché immobilier, particulièrement dans les endroits où les maisons unifamiliales sont chères. Je pense à ces jeunes couples qui veulent démarrer une famille sans renoncer à l’effervescence de la ville. Ils quittent leur appartement, achètent un condo, puis quelques années plus tard, ils se tournent vers une maison ou un plex avec une cour arrière.
Mais on dirait bien que même en ville, le condo est devenu un piètre tremplin pour accéder à l’immobilier. Ma collègue, une jeune maman qui attend son deuxième enfant, a acheté avec son conjoint une copropriété toute neuve dans Griffintown, en 2012. Avec ses terrasses, ses piscines, ses salles de gym et sa vue imprenable sur le centre-ville de la métropole, le complexe où elle habite a peu à envier aux tours qui sont présentement en construction à Montréal.
Mais les CPE, les écoles et les parcs sont rares dans le coin. Avec le deuxième enfant qui s’en vient, elle et son copain ont décidé de mettre en vente leur copropriété de 800 pieds carrés pour s’installer ailleurs en ville. Prix demandé: 379 000$. Ils étaient confiants. Leur agent immobilier aussi. Mais les offres d’achat ne venaient pas, malgré de nombreuses visites. Ils sont finalement parvenus à vendre, huit mois plus tard, non sans faire un important compromis sur le prix et en négociant agressivement la commission des agents. L’affaire s’est conclue pour 332 000$.
En calculant les frais de notaire, les améliorations locatives et la taxe de bienvenue, les vendeurs ont perdu de l’argent. Et on ne compte pas les contributions au fonds de prévoyance.
Selon la firme de recherche JLR, qui compile des données sur le secteur de l’immobilier, le prix médian dans le marché des copropriétés a fléchi de 1% dans le secteur de Ville-Marie en octobre (centre-ville de Montréal). Dans la grande région de Montréal, le prix médian se maintient plus ou moins depuis un an.
Par contre, je soupçonne que les condos de luxe, en plein boom, tirent cette statistique vers le haut, et que l’augmentation de l’offre générale fait baisser le prix des copropriétés plus âgées.
Que faut-il en conclure?
1- Le condo n’est plus une porte d’entrée pour le marché immobilier. Les prix demeurent inabordables pour de nombreux premiers acheteurs.
2- La copropriété n’est plus un tremplin pour accéder à un autre type de bien immobilier, comme une maison ou un plex. Les valeurs dans le marché des unifamiliales sont toujours en hausse, alors que celles sur le marché des condos vont décliner, ou au mieux demeurer stables, et ce pendant plusieurs années.
3- Les premiers acheteurs qui ont une discipline d’épargne devraient plutôt considérer la location et investir leurs économies ailleurs.
4- L’achat d’un condo est une bonne option pour ceux qui n’ont pas cette discipline. Le remboursement de l’hypothèque est une forme d’épargne forcée, même si les rendements qu’ils peuvent espérer ne sont pas fameux, peut-être même négatifs.
5- Les meilleures affaires se trouvent probablement du côté de la revente. Le marché penche fortement du côté des acheteurs.
6- Le condo peut aussi être considéré comme une porte de sortie du marché. Les propriétaires qui ont remboursé leur hypothèque et qui veulent troquer leur maison pour un condo parce qu’ils sont fatigués de tondre le gazon auraient intérêt à faire leur calcul. Bien investie, la somme tirée de la vente de leur résidence peut générer des rendements capables de couvrir le loyer d’un appartement aussi luxueux qu’une copropriété neuve.
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