Cette semaine, deux de mes collègues, Élaine et Sylvain, m’ont parlé de leur situation respective. Dans les deux cas, la clause de survie était absente! Il s’agit certainement d’une coïncidence, mais je me demande tout de même si ce n’est pas plus fréquent que je ne le crois.
J’ai jugé pertinent d’aborder le sujet. Voici un exemple pour illustrer l'importance de cette clause.
Anne et Charles, ont eu un accident de voiture la semaine dernière. Charles est mort sur les lieux. Anne est décédée 17 jours plus tard, à l’hôpital. Charles a une fille, Marguerite, et Anne a un fils, Pascal. Le couple n’a pas d’enfant ensemble.
Le testament de Charles dit qu’il souhaite que le reliquat de sa succession soit payé ou transféré à sa conjointe Anne. Toujours selon son testament, si Anne décédait avant lui, alors le reliquat irait à Marguerite, sa fille.
Le testament d’Anne disait la même chose pour le reliquat : qu’il soit payé ou transféré à son conjoint, Charles. Et si Charles décédait avant elle, alors le testament exigeait que le reliquat soit transféré à son fils, Pascal.
Alors, comment les successions d’Anne et Charles seront-elles distribuées? C’est simple : la succession de Charles sera transférée à Anne. Et la succession d’Anne, qui comprendra tous ses actifs ainsi que ceux qu’elle reçoit de la succession de Charles, sera transférée à Pascal. C’est donc un peu injustement et par maladresse que Marguerite, la fille de Charles, sera exclue de la succession de son père.
Ce scénario n’est fort probablement pas ce que Charles et Anne avaient envisagé lorsqu’ils ont préparé leur testament. Si Charles et Anne avaient eu le même bénéficiaire (disons qu’ils avaient eu un enfant ensemble), la distribution aurait nécessairement été plus juste.
Cette situation illustre bien pourquoi un testament correctement rédigé devrait contenir une petite clause d’une grande importance, la clause de survie.
Admettons que les testaments de Charles et Anne avaient été à jour, nous aurions certainement lu ceci :
« Payer ou transférer le reliquat de ma succession à ma conjointe Anne, si elle est en vie le 30e jour après mon décès. Si Anne n'est pas en vie le 30e jour après mon décès, payer ou transférer le reliquat de ma succession à ma fille, Marguerite ».
« Payer ou transférer le reliquat de mes biens à mon époux Charles, s'il est en vie le 30e jour après mon décès. Si Charles n'est pas en vie le 30e jour suivant mon décès, payer ou transférer le reliquat de ma succession à mon fils, Pascal ».
Les successions auraient donc été réparties différemment. En effet, étant donné qu’Anne n’est pas en vie le 30e jour suivant le décès de Charles, la succession de ce dernier irait à sa fille Marguerite. Et les biens d’Anne seraient transférés à son fils Pascal, puisque Charles n’est pas non plus en vie le 30e jour suivant le décès d’Anne.
Ce scénario ressemble probablement plus à ce que Charles et Anne auraient souhaité.
Bien que la période de survie puisse être de n’importe quelle durée raisonnable, le délai le plus couramment utilisé est de 30 jours. Il est basé sur des études démontrant que si un couple décède des suites du même accident ou événement tragique, les décès surviendront probablement tous les deux dans les 30 jours suivant le drame. En ce qui a trait à l’administration de la succession, un délai de 30 jours est considéré comme raisonnable avant le début du règlement.
Dans le but d’éviter que des événements injustes comme celui engendré par la mort d’Anne et de Charles surviennent, quatre provinces canadiennes ont instauré des délais de survie légaux. En Colombie-Britannique et en Saskatchewan, le bénéficiaire doit survivre au testateur de cinq jours pour pouvoir hériter. Au Nouveau-Brunswick, il doit survivre pendant 10 jours et au Manitoba, le bénéficiaire doit survivre au testateur au moins 15 jours.
La clause de survie devrait être presque systématiquement envisagée. Elle est d’autant plus importante quand le testateur et le bénéficiaire passent beaucoup de temps ensemble, par exemple un parent et ses enfants, des frères et sœurs, des adultes partageant le même logement ou des conjoints.