BLOGUE INVITÉ. Plusieurs sagas d’entrepreneurs hautement médiatisés ont fait les manchettes dans l’actualité économique. Même si je suis bien placée pour savoir que le risque et l’échec font partie des cheminements que l’on retrouve dans le monde des affaires, on s’entend que cela n’explique pas tout. Certaines situations et comportements qui ont été mis en lumière peuvent provoquer des malaises et nous laisser perplexes. Malheureusement, cela contribue à alimenter un certain cynisme qui finit par mettre de l’ombre sur le savoir-vivre entrepreneurial.
Malaise #1 – Y a-t-il un pilote dans l’avion?
Lorsqu’une entreprise commence à ressentir de sérieuses difficultés, tout entrepreneur se doit d’être pleinement aux commandes de son organisation. Il doit s’y consacrer corps et âme et faire tout ce qui est en son pouvoir pour éviter le pire et redresser la situation. Alors, comment peut-on s’afficher régulièrement en vacances sur son fil Instagram et ce, dans les plus beaux coins de la planète, pendant que le feu brûle depuis bon nombre de mois au bureau et qu’il y a urgence d’agir? Comment peut-on ainsi perdre la notion de la réalité et son sens des responsabilités?
Malaise #2 – La réussite en mirage…
Avoir accès régulièrement à des tribunes médiatiques et se retrouver devant les projecteurs est un énorme privilège. En profiter pour faire miroiter qu’on est à la tête d’un méga succès lorsqu’on n’est même plus capable de faire ses remises gouvernementales est inadéquat. Publier un livre qui met en gros titre qu’on est millionnaire lorsqu’en vérité, on vit à crédit et on croule sous les dettes, l’est tout autant. Mettre en scène une réalité biaisée afin d’attirer l’attention et captiver l’auditoire ne permet de servir que ses propres intérêts, souvent au détriment de proches.
Malaise #3 – Les faux héros!
Dans notre âme et conscience, on ne peut pas accepter de se faire hisser au sommet du podium des héros de l’entrepreneuriat lorsqu’on sait que notre entreprise vient de se faire taper sur les doigts pour un manque d’éthique flagrant et ce, au détriment de sa propre clientèle. Pas plus que lorsqu’on se croit tout permis, même d’user de comportements déplacés, parce qu’on est un entrepreneur qui a du pouvoir et de l’argent. Un héros, c’est une personne qui se distingue par ses actions nobles, ses exploits et par son courage exemplaire. Un héros, c’est une personne qui a un impact positif sur les autres et qui veut faire la différence dans sa communauté.
Malaise #4 – L’argent des autres…
Se faire rembourser des dépenses personnelles liées au train de vie princier qu’on affiche sans retenue sur les réseaux sociaux, c’est utiliser une partie de l’argent des autres. C’est l’argent d’un associé, d’un actionnaire et même d’une contribution sociale, car comptabiliser la fausse dépense permet de réduire les impôts corporatifs. Vendre un service de coaching à 5000$ en disant que tu aides les gens (souvent des personnes vulnérables) à encaisser leur premier million de dollars quand tu n’as même pas cette somme dans ton propre compte en banque, ça revient aussi à prendre l’argent des autres.
Devenir son pire ennemi ou rester son meilleur atout?
À l’ère de la grande popularité du «storytelling», du «personal branding» et du «self-serving», il est évident que ça peut être excessivement tentant pour certaines personnalités entrepreneuriales d’avoir envie de façonner la réalité. Ça peut même devenir plaisant de ne transmettre que des contenus que l’on juge avantageux en vue de modeler la perception des autres sur soi. Mais attention, c’est un jeu dangereux. L’égo peut tendre un méchant piège et faire croire que tout est sous contrôle. L’entrepreneur se retrouvera alors au beau milieu d’un cercle vicieux. Il deviendra ainsi son pire ennemi au lieu de rester, comme il l’a souvent été, son meilleur atout.
Malheureusement, personne n’est à l’abri de cette tentation où paraître devient plus important qu’être. On est tous humain. Mais souvenons-nous que le «me, myself and I» donne, plus souvent qu’autrement, des histoires qui finissent mal, ne servent pas bien la cause entrepreneuriale et affectent toujours grandement l’opinion publique.