L’économie avant l’environnement? Pourquoi pas «l’économie de l’environnement», à la place? Quelques entreprises québécoises ont cette maxime en tête. Avec son processus unique de recyclage de certains des plastiques les plus utilisés dans le monde, la société Pyrowave fait partie de celles-là.
Au Québec comme ailleurs, on oppose généralement le développement économique au respect de l’environnement. Parlez-en à François Legault… et à d’autres, car les exemples foisonnent : pourquoi une vulgaire grenouille devrait-elle empêcher l’érection de lucratives tours à condo en banlieue de Montréal?
Cette formule efficace frappe bien plus l’imaginaire qu’une longue explication justifiant la protection des milieux de vie d’espèces animales qui sont loin de l’humain, dans la chaîne vivante, mais qui sont, pour ainsi dire, le canari dans la mine de charbon. Si 2000 espèces sont menacées d’extinction, quel effet est-ce que ça aura sur l’espèce humaine? Est-ce que ce sera bon pour la Bourse?
Voyez l’impact du coronavirus sur les marchés, ces derniers jours…
La bonne nouvelle, c’est que le défi des enjeux environnementaux représente une occasion d’affaires pour les entreprises qui arriveront au bon moment dans le marché, encore tout naissant, des technologies environnementales, ou des «cleantechs», comme on le dit si bien en anglais.
La montréalaise Pyrowave, qui a mis au point un processus de recyclage à basse température du polystyrène, est du bon côté de cette équation. Longue histoire courte, Pyrowave est capable de récupérer 97 pour cent de ce plastique en le réduisant à sa forme la plus simple, «une commodité qui se revend très bien», assure Jocelyn Doucet, son PDG, et qui risque d’être très en demande : «c’est un marché mondial annuel de 35 millions de tonnes.»
Le procédé de Pyrowave a ceci de particulier qu’il parvient à décomposer le polystyrène en ne nécessitant qu’un très mince quinzième de l’énergie requise pour produire du polystyrène tout neuf à partir d’hydrocarbures fraîchement pompés dans un puits près de chez vous (ou ailleurs).
Le bénéfice environnemental est donc double : on retire du plastique des sites d’enfouissement, des sites de recyclage et des océans, d’une part, et on émet moins de gaz polluants dans l’atmosphère, d’autre part. Pyrowave peut vendre son produit recyclé à un prix avantageux, et prendre de la croissance dans un marché mondialisé qui en redemande, d’autre part.
L’économie de l’environnement, qu’on vous disait.
L’effet «hockey stick» du plastique recyclé
Le gros du marché mondial du plastique est composé de six polymères différents, tous plus difficiles à recycler les uns que les autres. Le polystyrène en fait partie, et se retrouve à peu près partout, que ce soit à l’épicerie, chez IKEA, dans l’emballage de vos plus récents appareils électroniques, etc. À la limite, on pourrait dire que c’est un matériau assez inutile merci, vu son rôle secondaire dans le commerce. Mais il ne coûte pas cher à produire, et il accomplit bien cette tâche d’emballer et de protéger d’autres biens plus fragiles.
Bref, c’est une cible de choix pour ces fabricants, ces détaillants, ces gouvernements qui ont annoncé leur intention d’éliminer en presque totalité leur recours à des articles en plastique à usage unique. Les cibles de réduction annoncées varient, dans le temps, de 2021 à 2030, mais on sent que le moment charnière pour assurer le succès de cette opération approche rapidement.
En d’autres mots, le marché du plastique recyclé risque de bondir en valeur aussi tôt que l’an prochain. Pyrowave, qui a mis 10 ans à développer son modèle, arrive donc au bon moment, avec une solution prête à être commercialisée à grande échelle en 2020. «On fait les deux : on vend la technologie de recyclage, ainsi que le polystyrène recyclé. On ne voulait pas en parler avant d’être prêts, et là, on l’est. On cible avant tout les marchés d’Asie et d’Europe, où on prévoit un effet "hockey stick" de la demande pour les matériaux recyclés», résume M. Doucet.
L’effet de bâton de hockey, c’est quand la courbe de croissance d’un marché, sur un graphique, prend soudain une direction ascendante exponentielle. Dans le plastique, ce virage sera grandement aidé par la révision des règles sur le recyclage des matières résiduelles, «qui remonte quand même aux années 70» au Québec, rappelle le PDG de Pyrowave.
Ça va aider les entreprises comme elle, mais le défi social demeure énorme, admet Jocelyn Doucet. «Le Québec peut jouer un rôle de leader dans ce créneau, mais on aura besoin de plus d’exemples de succès commerciaux. Il y a beaucoup d’efforts mis de l’avant, mais aussi une certaine résistance dans l’industrie pétrolière».
Ça se comprend, car pour les pétrolières, c’est toute une tempête qui se dessine à l’horizon : le transport veut se défaire des carburants fossiles, et le reste du monde cherche des alternatives à l’industrie pétrochimique traditionnelle.
Ces multinationales qui doivent générer du rendement ne savent plus où donner de la tête, et persisteront, en tentant de transformer encore davantage le pétrole brut en dérivés, comme du plastique. L’investissement déjà annoncé dans ce créneau risque de faire baisser encore plus le prix des matériaux neufs, ce qui compliquera la tâche aux nouveaux venus plus écolos, comme Pyrowave, ou même Polystyvert, son homologue d’Anjou.
Évidemment, cette dualité tiendra aussi longtemps qu’on opposera le développement environnemental au développement économique. En revanche, les assujettir un à l’autre donnerait naissance à de nouvelles industries, et de nouveaux joueurs économiques, qui ne se présenteront plus comme une menace pour la nature et ses (de moins en moins nombreuses) grenouilles, mais comme une partie de la solution.
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