La dernière année a été difficile pour les éleveurs de volailles et les producteurs de porcs. (Photo: La Presse Canadienne)
Les transformateurs alimentaires doivent prévoir un «plan B» pour éviter de revivre les perturbations de la chaîne de production qu’ont connues les filières de la volaille et porcine, plaide Martin Caron, le nouveau président général de l’Union des producteurs agricoles (UPA).
Le gagne-pain des producteurs est grandement dépendant de deux entreprises en situation de monopole. Dans le poulet, Exceldor et Olymel se partagent 96% de la capacité de transformation au Québec. Pour le porc, Olymel représente 80% du secteur.
Or, la dernière année a été difficile pour les éleveurs de volailles et les producteurs de porcs. Des conflits de travail, la pénurie de main-d’œuvre et la pandémie ont perturbé les activités des deux transformateurs, ce qui a mené à l’euthanasie de quelque 800 000 oiseaux par Exceldor et à l’atteinte d’un seuil record de porcs en attente d’abattage chez Olymel au début du mois de janvier.
Les producteurs, pour leur part, se trouvent coincés lorsque des problèmes surviennent chez leur partenaire, souligne M. Caron qui accordait une entrevue à La Presse Canadienne pour discuter des priorités de l’UPA pour la prochaine année. «C’est parce que, pour nous, vous comprendrez, la production n’arrête pas du jour au lendemain.»
Le président, qui a succédé à Marcel Groleau en décembre dernier, veut rencontrer les dirigeants de deux entreprises afin de planifier «ensemble» des mesures de contingence pour gérer d’autres perturbations potentielles de la chaîne de production.
«C’est quoi le plan B? S’il y a un feu, s’il y a une grève. De quelle façon on se revire de bord pour que les animaux soient abattus et pour qu’il y ait de la transformation qui se fasse.»
M. Caron veut agir de manière «préventive » afin d’éviter que d’autres perturbations de la production surviennent. Il aimerait discuter avec les transformateurs pour des plans de contingence qu’ils ont déjà et réfléchir à la possibilité d’y ajouter des éléments.
«C’est de se dire si une situation survient: est-ce qu’on peut augmenter l’abattage dans un autre abattoir, est-ce que c’est possible d’aller en Ontario ou aux États-Unis ? C’est quoi, les options qu’on a? C’est ça qu’il faut être capable de baliser.»
Olymel et Exceldor ont un plan
Chez Exceldor, on se dit ouvert à discuter avec l’UPA, mais on précise que l’entreprise a déjà un plan de contingence. «Je confirme qu’on n’a pas les bras croisés et qu’on est en action», réagit Gabrielle Fallu, porte-parole de la coopérative.
Les imprévus sont par nature imprévisibles et souvent «hors de notre contrôle», explique Mme Fallu. Elle donne en exemple les retards au fédéral dans le traitement de demandes de travailleurs étrangers temporaires qui ont repoussé l’embauche d’attrapeurs de poulet chez un sous-traitant. Exceldor a accéléré la cadence par la suite pour éviter l’euthanasie de 800 000 poulets au début du mois de janvier, mais n’a pas été en mesure de l’empêcher après cinq mois à mettre les bouchées doubles.
Exceldor a essayé tant bien que mal d’éviter cette situation. «On a envoyé des lettres aux autres transformateurs pour les inviter à aller chercher nos oiseaux gratuitement pour pouvoir les transformer. Cet appel à tous a fonctionné, il y a des transformateurs qui ont répondu à l’appel.»
Chez Olymel, on dit aussi s’attaquer aux retards de production qui ont fait monter le nombre de porcs en attente d’être abattus à un record. Dans une entrevue la semaine dernière, le premier vice-président de l’entreprise, Paul Beauchamp, soulignait que l’entreprise avait, entre autres, augmenté les salaires de ses employés et qu’elle avait redirigé 15 000 porcs de l’Ontario vers des usines à l’extérieur du Québec pour prioriser le porc des producteurs québécois.
Négociation avec le fédéral
En 2022, M. Caron devra également représenter les intérêts des agriculteurs dans le cadre des négociations du prochain Cadre stratégique pour l’agriculture. Le nouvel accord fédéral-provincial doit remplacer le partenariat canadien pour l’agriculture, qui prend fin le 31 mars 2023.
Le président de l’UPA veut que les programmes d’aide aux agriculteurs soient bonifiés. «Quand on se compare avec les États-Unis et l’Europe, on est vraiment en dessous du soutien agricole qui se fait dans d’autres pays.»
Les transferts budgétaires reçus par les producteurs américains représentent 8 % de la valeur totale de la production agricole des États-Unis. C’est deux fois plus qu’au Canada où ils atteignent 4 %, selon des données publiées par l’UPA durant la dernière campagne fédérale en août dernier. L’association chiffre l’écart de financement à 2,6 milliards $.
L’aide devra prendre en compte l’impact des changements climatiques sur les activités de ses membres, plaide-t-il. «On l’a vu, les gels tardifs en mai ont causé des problèmes aux vignobles, aux pomiculteurs, aux producteurs de grains. Il faut être capable d’avoir des assurances récolte qui répondent à ces besoins-là.»
Pénurie de main-d’œuvre
La pénurie de main-d’œuvre est également un enjeu qui préoccupe l’industrie agricole. À cet égard, la décision du fédéral de hausser le pourcentage de travailleurs étrangers temporaires est une «bonne nouvelle », selon lui.
M. Caron s’inquiète cependant de la «mobilité» des travailleurs étrangers temporaires qui changent d’emploi après avoir été recrutés par un agriculteur. L’UPA avait demandé au fédéral de permettre la mobilité des travailleurs afin que des fermes ayant des cycles de production différents puissent se partager un même travailleur, selon leurs besoins.
Or, des producteurs ont rapporté que certains travailleurs étrangers ont choisi d’aller travailler dans d’autres secteurs, comme la construction, par exemple.
«Les producteurs avaient payé les billets d’avion et les frais pour faire venir le travailleur, mais n’avaient aucun recours pour dire: “écoutez, j’ai signé une entente avec toi en tant que travailleur étranger temporaire et là, c’est quoi les options, les frais encourus représentent un impact majeur sur mon entreprise”.»
Au sein de l’UPA, M. Caron veut aussi encourager la présence des femmes dans l’organisation. Il veut aussi que l’UPA soit plus présente auprès des jeunes producteurs pour s’assurer de bien les accompagner.