L’intelligence artificielle et la robotique prennent d'assaut l'industrie alimentaire


Édition du 23 Novembre 2022

L’intelligence artificielle et la robotique prennent d'assaut l'industrie alimentaire


Édition du 23 Novembre 2022

La croissance d'un poulet est imprévisible. Toutefois, la plateforme Compass offre 14 jours de prévisibilité sur le poids, pour savoir à quel jour et à quelle heure la bête aura atteint son poids cible pour les transformateurs et les rôtisseries. (Photo: courtoisie)

TRANSFORMATION ALIMENTAIRE. L’intelligence artificielle (IA) et la robotique occupent une place de plus en plus grande dans l’industrie alimentaire, de la production à la commercialisation, en passant par la transformation et la distribution. Le Québec n’échappe pas à cette tendance. 

À sa création, en 1999, Intelia fabriquait des composants électroniques. Elle commence à se spécialiser en agriculture vers le milieu des années 2000, en particulier dans la production de viandes et de produits laitiers. Elle fournit alors des contrôleurs climatiques. « Vers 2015, nous avons constaté que les producteurs vivaient de grands défis en raison de la complexification des paramètres de production, explique Caroline Forest, vice-présidente aux ventes et au marketing de l’entreprise. Des préoccupations au sujet du bien-être animal et de nouvelles règles multipliaient les éléments à gérer. »

L’entreprise de Joliette décide alors de plancher sur un outil d’analyse de données basé sur l’IA, qui deviendra la plateforme Compass. « Nous offrons une solution intégrée qui comprend l’installation des capteurs, la collecte et l’analyse des données et les modèles prédictifs », souligne Caroline Forest. Une application mobile permet aux producteurs d’avoir accès en temps réel à une foule de données. Les modèles sont mis à jour en continu. Ils reçoivent aussi des alertes ou des notifications qui peuvent les amener à poser des actions. 

Caroline Forest donne l’exemple des poulets qui sont produits pour les abattoirs qui fournissent des transformateurs ou des rôtisseries. Ces derniers imposent des exigences très précises par rapport à la grosseur des oiseaux qu’ils achètent, puisqu’ils doivent fournir des produits très homogènes à leurs clients. Les producteurs et les abattoirs touchent des primes lorsqu’ils acheminent de la volaille qui présente les bonnes caractéristiques. Mais un poulet, c’est vivant, et sa croissance garde une dose d’imprévisibilité. La plateforme Compass offre 14 jours de prévisibilité sur le poids, pour savoir à quel jour et à quelle heure la bête aura atteint son poids cible.

L’information de la plateforme peut être partagée en temps réel avec les transformateurs, ce qui contribue à optimiser les actions de toute la chaîne. « L’objectif n’est pas de fournir plus de données, mais d’aider les acteurs de la chaîne à voir plus clair dans la grande quantité de données qui sont déjà produites », affirme Caroline Forest.

 

Presser le pas 

Au cégep de Lévis, le Centre de robotique et de vision industrielles (CRVI) se tourne lui aussi depuis plusieurs années vers l’agriculture et la transformation alimentaire. « L’IA représente un outil très pertinent pour les domaines qui produisent de grandes quantités de données, ce qui est vraiment le cas dans tous les secteurs de la chaîne alimentaire, de la production jusqu’à la vente en magasin », souligne le directeur général Yves Dessureault.

Dans la production et la transformation des aliments, l’IA va de plus en plus de pair avec la robotisation. Le CRVI a par exemple développé un robot cueilleur de brocoli en collaboration avec l’Institut national d’optique (INO), pour le compte de Lapalme Agtech. Le système est jumelé à un tracteur. Il détecte, positionne et évalue les brocolis à l’aide de l’IA, pour ne récolter que ceux qui répondent aux exigences du producteur en matière de taille et de maturité. Un tel outil permettra d’augmenter la fréquence des récoltes, à la baisse présentement en raison du manque de main-d’œuvre.

L’IA et la robotisation jouent aussi un rôle croissant en contrôle de la qualité et de la salubrité. Il s’agit d’un enjeu majeur pour la filière alimentaire. On peut compter en moyenne 200 incidents de rappels par année entre 2015 et 2020, selon Agro Québec. Les allergènes non déclarés (souvent parce qu’ils ne sont pas détectés) sont régulièrement en cause.

« La démocratisation de certaines technologies, comme l’imagerie hyperspectrale et l’intelligence artificielle, permet de créer des systèmes de détection de maladies ou de singularités beaucoup plus performants », assure Yves Dessureault. L’imagerie hyperspectrale repose sur une signature moléculaire beaucoup plus précise que ce qu’offre la visualisation traditionnelle.

Yves Dessureault donne l’exemple du sucre et du sel, que l’on ne peut pas distinguer avec un système traditionnel, mais qui possèdent une signature moléculaire très différente qui permet de les identifier avec une imagerie hyperspectrale. Ces nouveaux systèmes contribuent donc à la détection des maladies et des agents pathogènes dans les aliments, mais aussi au suivi d’autres données, comme la teneur en eau d’une plante. Cela peut optimiser l’utilisation d’eau par les producteurs.

Au Québec, seulement 32 % des entreprises agroalimentaires ont pour l’instant automatisé plus de la moitié de leurs systèmes, selon Agro Québec. « Avec les défis de main-d’œuvre que nous connaissons, l’objectif d’augmenter notre autonomie alimentaire ne pourra être atteint que grâce à l’automatisation », estime Yves Dessureault.

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