Débourser pour se retrouver sur les tablettes

Offert par Les Affaires


Édition du 25 Novembre 2020

Débourser pour se retrouver sur les tablettes

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Édition du 25 Novembre 2020

Charles Lavigne, le directeur général du ­Centre de développement bioalimentaire du ­Québec (Photo: CDBQ)

TRANSFORMATION ALIMENTAIRE. En plus de l’augmentation du prix de leurs intrants, les entreprises de transformation alimentaire doivent composer avec des hausses de frais imposés par les géants de l’alimentation. ­Celles-ci qui se répercuteront sur les prix exigés aux consommateurs.

 

Au cours des derniers mois, de grands distributeurs alimentaires ont tour à tour annoncé que des frais seraient imposés pour avoir accès à leurs tablettes. En juillet, ­Walmart ­Canada a été le premier à informer ses fournisseurs de son intention de mettre en œuvre un « programme d’investissement des fournisseurs » se traduisant par l’imposition de « frais de développement des infrastructures » correspondant à 1,25 % du coût des biens achetés. Pour les produits vendus sur le site web de ­Walmart ou sur celui d’un de ses partenaires en ligne, des frais supplémentaires de 5 % seront retenus pour le « développement du commerce électronique ».
La multinationale a rapidement été imitée cinq jours plus tard par la centrale d’achats ­United ­Grocers (UCI), qui représente 34 % du marché alimentaire au ­Canada, dont les épiceries ­Metro et ­Super C. UCI souhaite imposer des conditions semblables à celles de ­Walmart à ses fournisseurs. Les sommes devraient être retenues à compter de janvier 2021.
Loblaw leur a aussi emboîté le pas. Toutefois, sa ­porte-parole au ­Québec, ­Johanne ­Héroux, a fait savoir qu’une grande partie des agriculteurs ne seront pas assujettis aux réductions de prix exigées « afin de tenir compte des derniers mois qui ont été difficiles pour eux ». Selon elle, les fournisseurs exemptés seront choisis en fonction de « l’ampleur de leurs activités avec ­Loblaw », qui opère les bannières ­Provigo et ­Maxi.
« ­Nous considérons que ces hausses sont inacceptables, surtout que les transformateurs ont travaillé fort pour assurer les livraisons malgré la pandémie, déplore de son côté la ­PDG du ­Conseil de la transformation alimentaire du ­Québec (CTAQ), ­Sylvie ­Cloutier. Nos membres prennent ça très durement, alors qu’ils ont déjà dû puiser dans leur portefeuille pour contrer les effets de la pandémie. »
À l’inverse, le directeur général du ­Centre de développement bioalimentaire du ­Québec, ­Charles ­Lavigne, estime que l’imposition de ces frais n’aura pas d’effet sur l’industrie. « ­Les impacts seront minimes puisque la facture sera refilée aux consommateurs », ­affirme-t-il en soulignant qu’il s’agit d’un argument supplémentaire en faveur de la recherche et développement. « ­Les négociations sont plus faciles pour convaincre un épicier de mettre sur ces tablettes un produit novateur demandé par les consommateurs. »
Minces marges
Parallèlement, certains transformateurs alimentaires doivent faire face à une hausse du prix des intrants tels que la farine, les épices et les agents de conservation utilisés dans la fabrication de leurs produits. Tous ne sont toutefois pas frappés de la même façon. « ­Certains ont des ententes signées à long terme avec un prix fixe, mais ceux qui n’ont pas de commandes à long terme commencent déjà à sentir les impacts de la hausse des ingrédients de base nécessaires à leur production », explique ­Sylvie ­Cloutier.
La ­PDG du ­CTAQ précise que ces augmentations se traduiront inévitablement par des hausses des prix demandés aux consommateurs. « ­Les marges de profit ne sont déjà pas très élevées chez nos transformateurs ; la moyenne est de 5 % ou 6 %, ­dit-elle. C’est évident que les prix vont devoir augmenter pour absorber la hausse des intrants et les frais imposés par les grandes chaînes. »
Une enquête demandée
En septembre, l’Union des producteurs agricoles (UPA) a transmis au ­Bureau de la concurrence du ­Canada une demande d’enquête sur cette situation, avec pour objectif de faire interdire l’« imposition de frais exorbitants » aux fournisseurs de ­Walmart et de ses concurrents. « ­Il est clair qu’une telle démarche exclura un nombre important de petits fournisseurs, les forçant ainsi à cesser leurs activités, faute de profitabilité, réduisant d’autant la concurrence sur le marché », déplore l’organisation dans un communiqué.
L’UPA – qui était toujours en attente d’une réponse du ­Bureau de la concurrence à la ­mi-novembre – s’explique mal cette hausse de frais au moment où le secteur de la vente d’aliments au détail, toutes bannières confondues, est de plus en plus concentré et que les stocks de produits augmentent en raison de la pandémie et du ralentissement des activités dans le secteur de la restauration, entre autres.
La question des nouveaux frais imposés aux fournisseurs devrait également être abordée par le ministre québécois de l’Agriculture, des ­Pêcheries et de l’Alimentation, ­André ­Lamontagne, lors d’une rencontre prévue les 20 et 27 novembre avec ses homologues provinciaux ainsi qu’avec la ministre fédérale de l’Agriculture, ­Marie-Claude ­Bibeau. Le ministre ­Lamontagne a affirmé le 23 octobre sur ­Twitter avoir fait savoir à ­Loblaw « que leur décision peut fragiliser la chaîne alimentaire, alors que la sécurité alimentaire devrait être la priorité de tous ».
De son côté, la cheffe de l’opposition libérale, ­Dominique ­Anglade, propose un code de conduite pour défendre et protéger l’industrie agroalimentaire. Ce code « encadrerait les contrats d’approvisionnement en prévoyant un certain nombre de règles et de principes, comme des clauses d’ajustement des prix, de retour de marchandises, et des mécanismes de résolution des différends », ­a-t-elle fait valoir par voie de communiqué.

En plus de l’augmentation du prix de leurs intrants, les entreprises de transformation alimentaire doivent composer avec des hausses de frais imposés par les géants de l’alimentation. ­Celles-ci qui se répercuteront sur les prix exigés aux consommateurs.

Au cours des derniers mois, de grands distributeurs alimentaires ont tour à tour annoncé que des frais seraient imposés pour avoir accès à leurs tablettes. En juillet, ­Walmart Canada a été le premier à informer ses fournisseurs de son intention de mettre en œuvre un « programme d’investissement des fournisseurs » se traduisant par l’imposition de « frais de développement des infrastructures » correspondant à 1,25 % du coût des biens achetés. Pour les produits vendus sur le site web de ­Walmart ou sur celui d’un de ses partenaires en ligne, des frais supplémentaires de 5 % seront retenus pour le « développement du commerce électronique ». Les sommes devraient être retenues à compter de janvier 2021.

Cinq jours plus tard, la centrale d’achats United Grocers (UGI), qui représente 34 % du marché alimentaire au Canada, dont les épiceries Metro et Super C, a fait savoir à ses fournisseurs qu’elle s’attendait « à obtenir toutes les réductions de coûts que vous pourriez consentir à n’importe quel concurrent ». 

Loblaw leur a aussi emboîté le pas. Toutefois, sa ­porte-parole au ­Québec, ­Johanne ­Héroux, a fait savoir qu’une grande partie des agriculteurs ne seront pas assujettis aux réductions de prix exigées « afin de tenir compte des derniers mois qui ont été difficiles pour eux ». Selon elle, les fournisseurs exemptés seront choisis en fonction de « l’ampleur de leurs activités avec ­Loblaw », qui opère les bannières ­Provigo et ­Maxi.

« ­Nous considérons que ces hausses sont inacceptables, surtout que les transformateurs ont travaillé fort pour assurer les livraisons malgré la pandémie, déplore de son côté la ­PDG du ­Conseil de la transformation alimentaire du ­Québec (CTAQ), ­Sylvie ­Cloutier. Nos membres prennent ça très durement, alors qu’ils ont déjà dû puiser dans leur portefeuille pour contrer les effets de la pandémie. »

À l’inverse, le directeur général du ­Centre de développement bioalimentaire du ­Québec, ­Charles ­Lavigne, estime que l’imposition de ces frais n’aura pas d’effet sur l’industrie. « ­Les impacts seront minimes puisque la facture sera refilée aux consommateurs », ­affirme-t-il en soulignant qu’il s’agit d’un argument supplémentaire en faveur de la recherche et développement. « ­Les négociations sont plus faciles pour convaincre un épicier de mettre sur ces tablettes un produit novateur demandé par les consommateurs. »

 

Minces marges

Parallèlement, certains transformateurs alimentaires doivent faire face à une hausse du prix des intrants tels que la farine, les épices et les agents de conservation utilisés dans la fabrication de leurs produits. Tous ne sont toutefois pas frappés de la même façon. « ­Certains ont des ententes signées à long terme avec un prix fixe, mais ceux qui n’ont pas de commandes à long terme commencent déjà à sentir les impacts de la hausse des ingrédients de base nécessaires à leur production », explique ­Sylvie ­Cloutier.

La ­PDG du ­CTAQ précise que ces augmentations se traduiront inévitablement par des hausses des prix demandés aux consommateurs. « ­Les marges de profit ne sont déjà pas très élevées chez nos transformateurs ; la moyenne est de 5 % ou 6 %, ­dit-elle. C’est évident que les prix vont devoir augmenter pour absorber la hausse des intrants et les frais imposés par les grandes chaînes. »

 

Une enquête demandée

En septembre, l’Union des producteurs agricoles (UPA) a transmis au ­Bureau de la concurrence du ­Canada une demande d’enquête sur cette situation, avec pour objectif de faire interdire l’« imposition de frais exorbitants » aux fournisseurs de ­Walmart et de ses concurrents. « ­Il est clair qu’une telle démarche exclura un nombre important de petits fournisseurs, les forçant ainsi à cesser leurs activités, faute de profitabilité, réduisant d’autant la concurrence sur le marché », déplore l’organisation dans un communiqué.

L’UPA – qui était toujours en attente d’une réponse du ­Bureau de la concurrence à la ­mi-novembre – s’explique mal cette hausse de frais au moment où le secteur de la vente d’aliments au détail, toutes bannières confondues, est de plus en plus concentré et que les stocks de produits augmentent en raison de la pandémie et du ralentissement des activités dans le secteur de la restauration, entre autres.

La question des nouveaux frais imposés aux fournisseurs devrait également être abordée par le ministre québécois de l’Agriculture, des ­Pêcheries et de l’Alimentation, ­André ­Lamontagne, lors d’une rencontre prévue les 20 et 27 novembre avec ses homologues provinciaux ainsi qu’avec la ministre fédérale de l’Agriculture, ­Marie-Claude ­Bibeau. Le ministre ­Lamontagne a affirmé le 23 octobre sur ­Twitter avoir fait savoir à ­Loblaw « que leur décision peut fragiliser la chaîne alimentaire, alors que la sécurité alimentaire devrait être la priorité de tous ».

De son côté, la cheffe de l’opposition libérale, ­Dominique ­Anglade, propose un code de conduite pour défendre et protéger l’industrie agroalimentaire. Ce code « encadrerait les contrats d’approvisionnement en prévoyant un certain nombre de règles et de principes, comme des clauses d’ajustement des prix, de retour de marchandises, et des mécanismes de résolution des différends », ­a-t-elle fait valoir par voie de communiqué.

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