La santé mentale représente la principale cause d’invalidité, de demandes de remboursement des médicaments et des appels au programme d’aide aux employés.
Les troubles anxieux et la dépression figurent parmi les maladies les plus fréquentes dans les milieux de travail au Canada. Ces drames personnels ont pour conséquence des coûts importants, jusqu'à 16 milliards de dollars par an au pays, qui incitent les entreprises à mettre en place des programmes de prévention rigoureux.
Les problèmes de santé mentale au travail ont pour conséquence, notamment, de l'absentéisme et une baisse de productivité. Et la tendance ne va qu'en augmentant : l'Organisation mondiale de la Santé anticipe que la dépression sera en 2020 la principale cause d'invalidité. Devant ce fléau, les employeurs devront en profiter pour améliorer leurs pratiques de prévention. Encore faut-il les comprendre, ces problèmes.
Le défi de la santé psychologique, c'est que contrairement à un accident physique, les symptômes peuvent subvenir six mois, voire un ou deux ans à l'avance. Néanmoins, les entreprises, tout comme les individus, peuvent s'outiller pour les détecter, assure Marie-Claude Pelletier, présidente du Groupe Levia et fondatrice du Réseau Global-Watch.com. «Une des plus grandes protections de la santé psychologique, c'est l'environnement social. Être entouré de la famille et d'amis qui sont là pour nous. C'est notre filet de sécurité. Aujourd'hui, cependant, les gens sont isolés dans leur quotidien, explique-t-elle. Un environnement de travail qui favorise les liens sociaux constitue alors un grand facteur de protection.»
Celle qui a siégé pendant cinq ans à la tête du Groupe entreprises en santé, un organisme basé à Montréal qui épaule les employeurs dans l'amélioration et le maintien des pratiques en santé et mieux-être au travail, considère qu'une communication transparente est un outil indispensable. «Pour les gestionnaires, il s'agit de clarifier les rôles et les responsabilités, de prendre le temps d'écouter quand ça ne va pas, mais aussi quand ça va. Pour l'employé, c'est d'être capable de dire non et d'évaluer ses priorités, parce que souvent, le problème, c'est qu'on a trop de travail.»
Déstigmatiser la santé mentale
Pour la Financière Sun Life, la prévention passe par la construction d'une forte culture de soutien. C'est aussi de faire tomber les tabous. «Nous voulons que les 10 000 employés partout au pays se sentent soutenus, explique Nicole Miller, directrice, Avantages sociaux et programmes mieux-être. Nous voulons les aider à atteindre une sécurité financière durable tout en menant une vie plus saine.»
La directrice pilote depuis quatre ans la restructuration du programme mieux-être, qui a mené à une augmentation de 10 500 $ des remboursements de services psychologiques, pour un total de 12 500 $ par personne couverte - employés et membres de leur famille. «Nous n'avons pas seulement lancé de l'argent comme ça, précise-t-elle. C'était une réelle analyse de nos données qui nous a permis de comprendre les besoins de nos employés.»
Selon ces résultats, la santé mentale représente la principale cause d'invalidité, de demandes de remboursement des médicaments et des appels au programme d'aide aux employés. Cependant, paradoxalement, les services psychologiques étaient les moins utilisés. Ceux-ci étaient regroupés avec les soins paramédicaux que les salariés priorisaient, épuisant ainsi rapidement le total remboursable de 1 200 $. La première étape a donc été de séparer ces deux offres, en plus d'augmenter la liste des praticiens admissibles. «C'est là qu'on a vraiment vu l'utilisation des services psychologiques.»
S'il est encore trop tôt pour mesurer les résultats, Mme Miller observe tout de même une baisse des plaintes.
Santé financière
Pour réorienter leur programme de mieux-être, la Financière Sun Life a mesuré trois piliers de santé : mentale, physique et... financière. Car l'un influence l'autre. «Ça ne nous aide pas plus si l'on est assis à notre bureau à s'inquiéter du fait qu'on ne peut pas payer pour un service psychologique ou médical», dit Mme Miller.
C'est d'ailleurs le discours d'Amine Chbani, fondateur de FinEduc Performance, un service-conseil et d'accompagnement lié au mieux-être financier des employés d'une entreprise, situé à Brossard. Il insiste sur l'importante de la prévention. «Les gens qui vont participer à notre programme ne sont pas nécessairement ceux qui sont sur le bord de la faillite, explique-t-il, mais ceux qui veulent prendre de meilleures décisions financières.»
D'après le sondage 2017 de l'Association canadienne de la paie, 47 % des travailleurs vivent d'un chèque de paie à l'autre. Tout imprévu crée donc un stress financier, en plus du stress psychologique. «Le problème, c'est qu'avant même que ces personnes arrivent, par exemple, à une séparation de couple ou à une dépression, elles ont déjà des troubles financiers», ajoute M. Chbani.
En favorisant le mieux-être des employés, on réduit les coûts liés aux invalidités et on améliore la performance de l'organisation. Toutefois, selon Mme Pelletier, ce n'est pas l'unique motivation, car les employeurs commencent à ressentir le besoin de prendre soin de l'humain dans une perspective de responsabilité sociale.