Elles sentaient qu’elles avaient la fibre entrepreneuriale. Elles aimaient leur entreprise et avaient une vision pour son avenir. À la jeune trentaine, les designers Véronique Beaudet et Faye Dea-Jalbert se sont lancées et ont racheté la firme de design d’intérieur Exa Design de Longueuil l’année dernière.
Elles dirigent désormais leurs anciens collègues dont la plupart sont plus âgés qu’elles. Un défi pour lequel elles se sont fait aider par un coach en ressources humaines.
Les deux jeunes femmes aspiraient à se lancer en affaires un jour. Sans plan précis, elles étaient aux aguets. Alors quand la propriétaire d’Exa Design, créée il y a 25 ans, dans laquelle elles étaient employées depuis environ cinq ans, a commencé à parler de relève, elles ont saisi l’occasion.
«C’était une occasion géniale pour nous : on rachetait une clientèle et une réputation. Ça aurait été un plus gros défi de tout commencer à zéro. Là, l’équipe, les structures, les protocoles sont en place. C’est plus une mise à jour qui est à faire qu’une fondation totale», expliquent Véronique Beaudet, 32 ans, et Faye Dea-Jalbert, 33 ans.
Si elles avaient dû créer une entreprise de toute pièce, le projet aurait sûrement attendu. Faye Dea-Jalbert est une jeune maman de retour de congé maternité pour son deuxième enfant au moment du rachat l’automne dernier tandis que Véronique Beaudet a reporté son désir de grossesse pour prendre les commandes d’Exa Design avec son associée.
Conciliation travail - famille
Les jeunes femmes ont d’ailleurs choisi de reprendre à deux l’entreprise afin de partager les tâches et de garder du temps pour leur famille.
«À 17h, il faut apprendre à quitter le bureau pour aller faire son deuxième shift à la maison. À ce moment-là, mon cellulaire est coupé pour passer du temps de qualité avec mes enfants. Je me remets au travail quand ils dorment», confie Faye Dea-Jalbert qui reconnaît que, depuis le rachat, ses nuits sont courtes.
«Mais en rachetant une entreprise existante, on peut s’appuyer sur une équipe. On n’est pas toutes seules pour gérer les urgences», souligne l’entrepreneur.
Si la période est intense, c’est que les deux repreneuses ont plusieurs objectifs à atteindre tout en devant se faire à leur nouveau rôle au sein de l’entreprise. Leurs objectifs : faire croître la société dont le chiffre d’affaires prévu pour 2015 est de 850 000 $, «ce qui serait le meilleur depuis 25 ans», note Véronique Beaudet.
Pour cela, elles « veulent redéfinir son image de marque qui commençait à être désuète », explique Faye Dea-Jalbert. Cela passe notamment par la refonte complète du site internet dont la nouvelle version devrait être disponible dans les prochaines semaines.
Mais, en parallèle, elles ont dû gérer leur intégration comme dirigeantes alors qu’il y a quelques mois encore, elles étaient les collègues des 13 employés d’Exa Design, dont la plupart sont plus âgés qu’elles.
«On sentait qu’on devait faire nos preuves. On était les dernières à avoir été embauchées et l’annonce de la reprise a créé un effet de surprise. Il a fallu qu’on montre qu’on était là, présentes et toujours les mêmes personnes mais avec un autre chapeau», racontent les jeunes femmes.
Une transition délicate
Connaissant ce défi, elles se sont fait conseiller par un coach en ressources humaines. Elles ont rencontré chaque employé individuellement pour expliquer leur vision, comprendre les intérêts de chacun et mieux répartir les projets selon leurs attentes.
Huit mois après leur arrivée à la tête de l’entreprise, elles sentent que leur intégration avance bien même si «la première fois qu’il faut parler de problèmes avec un employé qui est un ancien collègue, ce n’est pas agréable», reconnaît Véronique Beaudet.
«L’enjeu de rétention de main-d’œuvre dans ce contexte est important, insiste Marc-André Messier, conseiller au Centre de transfert d’entreprises du Québec, délégué responsable pour la Montérégie. La communication, le respect et l’humilité sont des valeurs fondamentales pour réussir l’intégration.» Le processus doit forcément être progressif et il faut se garder de tout «power trip».
À l’inverse, «l’idéal est de s’appuyer sur les employés clés en les impliquant dans les démarches stratégiques et la nouvelle vision de l’entreprise en leur donnant des responsabilités avec une augmentation de salaire à la clé, en les faisant participer à l’actionnariat par exemple », recommande Marc-André Messier.
Partager les rôles
Il considère que le jeune âge des repreneurs n’a pas d’incidence du moment qu’ils savent s’entourer d’experts dans les domaines qu’ils maîtrisent moins. Une habitude que les jeunes générations ont généralement.
«Les jeunes entrepreneurs aiment travailler en équipe car ils ne veulent pas travailler 90 heures par semaine comme le faisaient leurs aînés. Ils sont donc prêts à partager les responsabilités», observe le conseiller.
Exactement ce pourquoi Véronique Beaudet et Faye Dea-Jalbert se sont associées. Dès qu’elles auront achevé la transition, elles ont de nombreux projets «pour emmener l’entreprise plus loin».
Tandis que leurs clients actuels sont essentiellement commerciaux et institutionnels notamment dans la santé et l’éducation, elles veulent explorer de nouveaux marchés dont le milieu industriel et les nouveaux entrepreneurs. Elles envisagent également d’accès leur travail sur l’écodesign et d’augmenter leurs parts de marché au Québec.