Marie-Josée Rousseau, 33 ans, a déjà racheté deux entreprises. Propriétaire d’un café à Montréal et d’une boulangerie en Estrie, elle consacre sa vie à leur développement. Elle donne de sa personne pour réduire les dépenses. Si elle considère le rachat comme une belle occasion pour entreprendre, le financement reste un défi aux conséquences durables.
Marie-Josée Rousseau n’est pas seulement la propriétaire de deux entreprises, elle est aussi serveuse, livreuse de boîtes à lunch, gérante de boulangerie, femme de ménage, comptable, etc. «Je fais de tout et ça me demande beaucoup d’heures. C’est difficile de concilier la vie personnelle avec le travail», reconnaît-elle.
Alors directrice des ventes dans une entreprise, elle n’a pas hésité à se lancer dans le rachat du Café Del Monko dans Saint-Henri, il y a cinq ans, et, plus récemment, de la boulangerie Panissimo à Knowlton, en Estrie.
«C’est rassurant de racheter quelque chose qui fonctionne. Ça procure une certaine sécurité : on est assurés que dès les premiers jours, il y aura des rentrées d’argent. On a analysé les chiffres donc on sait à combien de recettes et de clients s’attendre », explique Marie-Josée Rousseau.
Elle a aimé pouvoir passer, dans les deux cas, un mois avec l’ancien propriétaire afin de voir sa façon de travailler et de s’assurer une bonne transmission des informations essentielles.
Un secteur d’activité peu soutenu
Le revers de la médaille, c’est le financement. À 27 ans lors du premier rachat et 33 ans au deuxième, ses finances personnelles ne lui permettaient pas d’avancer les sommes nécessaires.
Or «le secteur de la restauration n’est pas porteur : aucune aide n’était disponible et les banques prêtaient peu tout en prenant mon condo personnel en garantie», se souvient la jeune femme. Découragée, pour l’achat du café, elle a réuni l’argent auprès de ses amis et de sa famille, qu’elle a tous remboursés. Mais elle a fait un emprunt personnel pour racheter les parts de son ancien associé dans le café et acquérir la boulangerie.
«Entre les délais très courts des prêts –quatre ans- et les taux d’intérêt –environ 12 %-, j’ai de grosses mensualités», confie Marie-Josée Rousseau. Sans compter que, pour développer les deux entreprises, elle a dû réaliser des investissements.
Elle a acheté un permis d’alcool pour le Café Monk afin d’élargir sa gamme de services et accueillir des événements le soir et le week-end. À la boulangerie, elle a déjà ajouté quelques produits aux pains fabriqués artisanalement chaque jour (brownies, scones, produits d’épicerie fine, etc.). Elle aimerait aller plus loin et se lancer dans la pâtisserie «mais ça prend des investissements» qu’elle ne peut faire pour le moment. Elle a déjà investi dans le rafraîchissement de la boutique : peintures refaites, nouvelle enseigne, réaménagement intérieur, etc.
Alors pour «avoir le moins de dépenses possibles -une préoccupation constante», avoue-t-elle, elle partage son temps entre les deux entreprises toute la semaine et n’hésite pas à «être sur la plancher» pour éviter d’embaucher une personne supplémentaire. Elle a aussi redéfini les rôles, notamment à la boulangerie, pour s’assurer que les employés présents en son absence prennent les bonnes initiatives.
Essayer le sociofinancement
Louis-David Malo, conseiller en transfert d’entreprise à Lanaudière Économique, sait que «le financement dans certains secteurs comme la restauration est difficile mais il y a une large palette de solutions de financement notamment pour les jeunes et en région» avec les organismes locaux de développement dont certains ont survécu à la récente abolition des Centres locaux de développement (CLD).
Dans les solutions innovantes, le conseiller considère que «le sociofinancement n’est pas encore assez expérimenté au Québec alors qu’il permet de récolter des fonds du moment que le projet est bien présenté et assez précis ». Il a l’avantage, non seulement, de diversifier les sources de financement et donc de répartir le risque mais aussi d’offrir des liquidités sans contrepartie autre que de ne pas décevoir ses investisseurs d’un jour.
Car l’endettement, s’il est «utile et ne doit pas être une solution rejetée de prime abord comme ont tendance à le faire certains jeunes entrepreneurs soucieux de ne pas avoir de dettes», il a des conséquences potentiellement dangereuses pour l’individu et l’entreprise. «L’entrepreneur peut s’essouffler, se décourager. Ça peut freiner des projets de développement, entraîner des mises à pied», énumère Louis-David Malo.
Le solde de prix de vente avec le cédant peut être une voie de financement complémentaire aux autres. Généralement compris entre 10 à 50 % du prix de vente, le solde est payable sur de courtes périodes –environ cinq ans- réévaluables la plupart du temps. «Je connais des cédants qui ont fait un solde de prix de vente pour l’intégralité de la somme », affirme Louis-David Malo. Cette solution a, en plus, l’avantage d’impliquer le vendeur qui reste intéressé à ce que l’entreprise fonctionne bien.