[Photo : Martin Flamand]
Marcel Bourassa est comme un poisson dans l'eau. À la tête de Savaria depuis 1989, l'entrepreneur a fait de cette PME de Laval, spécialisée dans la fabrication de produits de mobilité, un leader nord-américain dans son industrie. Prochaine étape : les marchés européen et asiatique.
Décontracté, l'homme d'affaires de 66 ans nous accorde une entrevue au centre-ville de Montréal. La poignée de main est ferme, le regard, vif et déterminé.
Dès les premières secondes, il insiste pour partager le prix PDG de l'année moyenne entreprise avec les 1 400 employés de l'entreprise. «C'est un bel honneur pour mes employés. Ce sont eux qui ont fait en sorte qu'on puisse gagner un prix comme celui-là aujourd'hui», dit-il. Une précision qui décrit bien l'un des traits de caractère du président de Savaria : un joueur d'équipe qui sait s'entourer des bonnes personnes.
Cette philosophie a bien servi la PME, qui est présente dans trois secteurs, soit l'accessibilité, les véhicules adaptés et le SPAN (des surfaces de soutien thérapeutique et des produits de gestion de la pression pour le marché médical).
Depuis cinq ans, les principaux indicateurs financiers sont fortement à la hausse, et ce, des revenus au BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement) en passant par le prix de l'action et le dividende.
Les analystes financiers aussi aiment bien Savaria. Plusieurs d'entre eux recommandent d'acheter le titre comme ceux de Valeurs mobilières Desjardins ou de GMP Securities.
Christine Décarie, vice- présidente principale et gestionnaire de portefeuille chez Placements Mackenzie et membre du jury Les Affaires, connaît M. Bourassa depuis quelques années. «C'est un entrepreneur dynamique et passionné», dit-elle au téléphone.
Une famille d'entrepreneurs
L'homme d'affaires originaire de Bonsecours (en Estrie) a grandi dans une famille d'entrepreneurs - son père réparait et distribuait des chaussures. Ses parents, dit-il, lui ont transmis des valeurs fondamentales comme le respect et le souci du travail bien fait.
Prendre soin de ses clients a été autre grand principe qu'ils lui ont légué. «Quand tes distributeurs font de l'argent avec tes produits, car ils sont de qualité et à des prix concurrentiels, eh bien, ils restent toujours avec toi.»
Diplômé en administration de HEC Montréal, il a presque toujours été un entrepreneur, sauf pendant une brève période de sa vie, en début de carrière, où il était à l'emploi d'une entreprise. Il affirme avoir rapidement réalisé que le salariat n'était pas fait pour lui.
Il se lance donc en affaires et devient consultant pour aider les entreprises dans leur stratégie de croissance. Dans le même temps, M. Bourassa reste cependant à l'affût de sociétés qu'il pourrait acquérir. Il déniche la perle rare en 1989, Savaria, une petite entreprise active dans le secteur des ascenseurs commerciaux, qui avait été fondée 10 ans plus tôt par l'entrepreneur Pierre Savaria. «Je me suis dit : c'est mon avenir et celui de ma famille.»
À l'époque, Savaria emploie quatre personnes et affiche des revenus de 200 000 $. Par contre, M. Bourassa anticipe déjà les besoins en mobilité qui sont appelés à bondir à l'avenir à cause du vieillissement des baby-boomers.
Il doit néanmoins être patient. En 1989, les plus vieux baby-boomers ont seulement 43 ans... Dans les années 1990, les revenus de Savaria progressent tranquillement. En 2002, la PME de Laval fait son entrée à la Bourse de Toronto.
Puis, en 2005, elle fait deux acquisitions qui vont la transformer. Elle achète Concord Elevator, spécialisée dans les ascenseurs résidentiels de luxe, et Van-Action, active dans la modification de minifourgonnettes en véhicules adaptés. «L'acquisition de Concord a été importante pour nous, car la base de notre business, ce sont nos élévateurs résidentiels», confie l'entrepreneur.
L'année 2007 est aussi charnière dans l'histoire de Savaria. C'est à ce moment-là que l'entreprise construit son usine à Huizhou, en Chine, au nord de Hong Kong. Son fils aîné Sébastien (aujourd'hui vice-président de l'exploitation et président de Savaria Huizhou) a d'ailleurs vécu en Chine de 2009 à 2015 afin de diriger l'usine.
«On ne serait pas là où nous sommes aujourd'hui sans cette usine en Chine», affirme M. Bourassa, en précisant qu'elle permet de produire des pièces et des composantes de qualité et à moindre coût.
Aujourd'hui, l'établissement chinois est le principal fournisseur de pièces et de composantes de l'usine de Savaria à Brampton, en Ontario. Cette usine assemble les ascenseurs qui sont installés dans les résidences de luxe.
Stratégies de croissance
La stratégie de croissance de l'entreprise s'appuie sur la croissance interne (environ 10 % par année) et sur les acquisitions. À ce jour, Savaria a acheté neuf entreprises, dont six depuis 2014. Malgré ce rythme rapide, cette stratégie semble bien orchestrée, affirme Yan Cimon, professeur titulaire en stratégie à la faculté des sciences de l'administration à l'Université Laval. «Les acquisitions de Savaria sont bien ciblées, notamment pour acquérir de nouveaux produits», dit-il.
Chaque année, Savaria essaie aussi de commercialiser un nouveau produit ou un produit amélioré. La PME investit deux millions de dollars par année pour innover. Elle réalise 95 % de ses revenus en Amérique du Nord (58 % aux États-Unis et 37 % au Canada) et le reste ailleurs dans le monde.
Le continent nord-américain restera toujours le pain et le beurre de la Lavalloise. Mais dans le même temps, Marcel Bourassa veut accroître les ventes en Europe et en Asie, où le vieillissement de la population est encore plus rapide.
En 2023, l'entrepreneur prévoit d'ailleurs que Savaria réalisera 70 % de son chiffre d'affaires en Amérique du Nord, 20 % en Europe et 10 % en Asie. Pour y arriver, l'entreprise s'appuiera sur sa plus récente acquisition (en juillet 2018), la suisse Garaventa Lift, qui a une usine en Italie. Elle fera aussi d'autres acquisitions pour accroître ses ventes sur le continent européen.
Il va sans dire qu'à ce rythme, et avec une croissance interne de 10 % par année, les revenus de Savaria progresseront rapidement, selon M. Bourassa.
Les analystes le pensent aussi. Cette année, les revenus de la PME devraient s'établir à 247 M $, pour ensuite grimper à 276 M $ en 2019, selon Desjardins.
M. Bourassa est très optimiste pour l'avenir : «On sera une entreprise avec un chiffre d'affaires de 1 milliard de dollars en 2025.»
Il reste à voir si la société pourra atteindre cet objectif. Chose certaine, son histoire montre qu'elle peut surprendre et croître rapidement.
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