Les solutions pour la transition sont là

Offert par Les Affaires


Édition du 10 Mars 2021

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Édition du 10 Mars 2021

Un pont de bois

Les structures en bois pourraient supplanter le traditionnel béton, selon certaines PME spécialisées dans le domaine. (Photo: 123RF)

MOIS DU GÉNIE. Le béton, qui tient une place centrale dans les structures de génie civil, pourrait bientôt perdre de sa superbe au profit d’un autre matériau : le bois. C’est du moins le pari qu’a choisi de relever Ramea, une PME de Saint-Roch-de-l’Achigan. 

La firme lanaudoise d’une trentaine d’employés utilise des arbres, essentiellement des saules, pour développer des technologies et des infrastructures vertes. On lui doit notamment le mur antibruit « naturel » qui court le long de l’autoroute 15, à la hauteur de la place de l’Acadie, à Montréal, de même que la clôture végétale qui ceinture le Costco de Vaudreuil-Dorion.

Le secret du saule ? Sa croissance rapide couplée à son appétit pour les contaminants. « Un arbuste pousse très vite, à raison d’environ trois mètres par année. Surtout, il grandit dans tous les types de sols, ce qui contribue à les dépolluer », explique Francis Allard, président et cofondateur de Ramea.

C’est sur la terre familiale achiganoise de l’ingénieur mécanique de formation que les arbres sont plantés et récoltés pour être ensuite transformés en écoproduits. Ramea en fait aussi pousser sur des terrains dégradés, comme le site d’enfouissement de Sainte-Sophie, dans les Laurentides, pour les réhabiliter. L’entreprise met ainsi en terre trois millions de saules par année.

L’expertise de la PME, assez unique en son genre, dépasse depuis peu les frontières du Québec. L’entreprise vient de signer un premier contrat en Californie pour y ériger un mur antibruit. Elle porte également son regard du côté du reste du Canada. Pour poursuivre sa croissance, elle recrute des ingénieurs issus de branches variées du génie (agroenvironnemental, civil, chimique, etc.). 

Si Ramea a aujourd’hui le vent dans les voiles, cela n’a pas toujours été le cas. « Cela fait 15 ans que nous nous battons à armes inégales pour faire reconnaître nos solutions. Le béton et l’acier sont des matériaux de construction auxquels il est beaucoup plus conventionnel de recourir que le bois, puisqu’ils sont mieux normés », regrette l’ingénieur Francis Allard.

 

Une transition bien amorcée

Le cadre réglementaire tend néanmoins à changer, et pour le mieux. L’année dernière, de nouvelles normes visant à améliorer la performance énergétique des immeubles commerciaux, institutionnels et industriels ainsi que de grands bâtiments d’habitation sont entrées en vigueur au Québec. Elles viendront améliorer de plus de 25 % en moyenne la performance énergétique des nouveaux bâtiments et agrandissements d’ici au 27 décembre.

Cela signifie donc que la plupart des grands bâtiments construits en 2022 devront présenter une meilleure performance énergétique. Le moment ne pourrait être mieux choisi ; le gouvernement du Québec misera sur les projets d’infrastructures pour relancer son économie amochée par la pandémie.

« La consommation énergétique des bâtiments, ce qu’on nomme l’empreinte carbone opérationnelle, représente une portion significative des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec. Il faut s’y attaquer si on veut atteindre la carboneutralité au Canada d’ici 2050, comme le souhaite le gouvernement fédéral », pense Eddy Cloutier, directeur développement durable et efficacité énergétique de la firme de génie-conseil Bouthillette Parizeau. 

Réaliser cet objectif impliquera en outre de s’attaquer à l’empreinte carbone intrinsèque des bâtiments, soit les GES émis lors de leur érection. Les matériaux de construction à base de bois massif, comme les poutres et colonnes en lamellé-collé et les dalles de plancher en lamellé-croisé commercialisées par Nordic Structures — une entreprise basée à Montréal, mais associée avec Chantiers Chibougamau, dans le Nord-du-Québec — sont en ce sens plus que jamais incontournables.

Les arbres dont ces produits sont issus sont effectivement des puits de carbone, c’est-à-dire qu’ils ont la propriété de capter et de stocker plus de CO2 de l’atmosphère qu’ils n’en émettent. Le Code national du bâtiment, qui devrait être publié en décembre prochain, autorisera d’ailleurs la construction d’immeubles allant en bois massif jusqu’à 12 étages. Une avancée majeure par rapport à l’ancienne norme de 2010, qui autorisait la construction en bois d’au plus six étages. 

C’est sans parler des nouvelles normes et certifications qui font leur apparition, comme la Norme des bâtiments à carbone zéro (BCZ), élaborée en 2017 par le Conseil du bâtiment durable du Canada. Et des anciennes qui évoluent, comme la certification LEED. « Aucun ingénieur ne sera pas impliqué d’une manière ou d’une autre dans la décarbonisation des bâtiments. Je le vois au quotidien : de plus en plus de projets imposent désormais des exigences en matière de GES », souligne Eddy Cloutier.

Tout cela est de nature à donner espoir à Francis Allard. « En ce moment, les coûts de construction des projets mis en chantier ne reflètent pas leur coût environnemental réel, qui sont externalisés, constate le président de Ramea. Je souhaite qu’on intègre davantage les performances environnementales dans les critères de sélection des projets, dans une logique d’écoconditionnalité. » Un souhait en voie de se concrétiser ; le gouvernement du Québec a récemment affirmé son intention d’inclure des critères environnementaux dans les critères de sélection des appels d’offres publics.

 

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