La stratégie qui semble « la plus efficace » est celle qui consiste à faire un don via la prime d’une police d’assurance et à léguer le patrimoine restant à la fin de vie. Le donateur assure sa vie, mais désigne un organisme de charité comme le titulaire
Donnez au suivant. Notre lecteur a accumulé un imposant capital de 4,9 millions de dollars (M$) et il veut utiliser cette richesse pour aider son prochain. Le philanthrope se demande comment planifier ses dons afin de verser le plus gros montant possible aux causes qui lui tiennent à coeur.
La situation
La stratégie d'investissement de monsieur est beaucoup plus audacieuse que ce que la théorie préconiserait pour un retraité de 66 ans. Son portefeuille est investi à 100 % dans les actions. Le tiers de la valeur de celui-ci provient d'un emprunt sur marge (effet levier). Le passif est de 1,7 M$ sur un portefeuille d'une valeur totale de 4,9 M$. Ce risque élevé ne menace pas le train de vie de l'investisseur pour autant. Notre lecteur estime qu'il a besoin de 31 000 $ par année pour subvenir à ses besoins.
La fiscalité sera évidemment à prendre en considération dans la planification philanthropique du retraité. Des 4,9 M$, seulement 310 000 $ se trouvent dans des comptes enregistrés. Les revenus tirés des placements entraînent une facture fiscale annuelle d'environ 43 000 $.
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Les variables
Alors, comment en donner plus ?
Il n'existe pas de réponse toute faite, affirment Robin Lévesque et Simon Proulx-Pinard, tous deux comptables professionnels agréés (CPA) et conseillers en sécurité financière chez Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés. Des éléments inconnus comme les rendements du portefeuille et le moment du décès joueront dans l'équation. En plus des aspects financiers, notre lecteur doit déterminer s'il a une préférence entre donner de son vivant ou le faire à titre posthume. «Il y a une valeur subjective au fait de donner de son vivant qui permet souvent de constater l'évolution des choses, d'avoir un impact immédiat au lieu d'attendre des années, expliquent les conseillers dans leur rapport. Cette valeur est rarement facile à chiffrer. Nous parlons ici de rendement social.»
Pour l'exercice, les deux comptables ont comparé six stratégies comportant chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Ils ont comparé deux scénarios possibles : l'un où le retraité décède à 86 ans (espérance de vie théorique d'un homme de 66 ans), l'autre où il décède à 100 ans (pour prendre en compte le risque de longévité). Par souci de concision, nous vous présentons un résumé des options les plus appropriées.
La favorite
La stratégie qui semble «globalement la plus efficace» est celle qui consiste à faire un don par l'intermédiaire de la prime d'une police d'assurance et à léguer le patrimoine restant à la fin de la vie, jugent les deux experts. Dans ce cas, le donateur assure sa vie, mais désigne un organisme de charité comme titulaire (et indirectement bénéficiaire) de la police d'assurance. Il peut aussi choisir une fondation communautaire comme titulaire. Ces fondations peuvent recevoir les dons de plusieurs particuliers et redistribueront les fonds selon les consignes de chaque donateur. Cet outil permet de modifier la cause ou l'oeuvre caritative qu'on soutient après la signature du contrat d'assurance.
Sur le plan fiscal, les primes payées tout au long de la vie sont considérées comme un don et donnent droit au crédit d'impôt. Le but est que le montant de la prime soit suffisant pour annuler l'impôt payé de son vivant. Ce qui n'aura pas servi à financer le train de vie et les primes d'assurance sera versé sous forme de legs testamentaire au décès. En résumé, la stratégie permet au donateur de réduire l'impôt à payer de son vivant et de continuer à faire fructifier une partie de son portefeuille pour verser le montant le plus élevé possible au décès.
La combinaison du legs testamentaire et de la police d'assurance vie permet également de réduire les risques liés au marché et au décès prématuré. En fait, plus le décès survient tôt, plus le rendement de la police d'assurance est attrayant, expliquent MM. Lévesque et Proulx-Pinard. À l'inverse, le rendement d'un portefeuille à long terme sera plus payant si l'âge du décès survient plus tard. «Cependant, si les rendements ne sont pas au rendez-vous, l'assurance pourra attraper la balle au bond dans une certaine mesure, car elle offre un rendement implicite excellent. Celui-ci ne sera peut-être pas meilleur qu'un portefeuille de placement en actions bien géré, mais il sera bien meilleur que la portion prudente du portefeuille», ajoutent-ils. Bref, on répartit son risque.
L'inconvénient est que l'entièreté du don sera faite au décès. Le montant sera beaucoup plus élevé, mais le donateur ne pourra pas voir les fruits de sa générosité.
Donner un montant total moins grand (autant en dollars nominaux qu'en dollars actualisés), mais plus tôt, peut aussi avoir un impact plus fort, nuancent-ils. Les comptables font une analogie avec la construction d'un hôpital pour illustrer leur propos. «L'argent consacré à la construction pourrait servir à guérir des gens immédiatement, mais le fait d'attendre trois ans pourrait permettre de les soigner de façon plus efficace.»
Donner de son vivant
Pour cette raison, donner de son vivant demeure légitime, même si ce n'est pas le choix qui aboutira au plus gros magot. MM. Lévesque et Proulx-Pinard décrivent trois manières par lesquelles notre lecteur pourrait donner de son vivant.
La première n'est pas très complexe : il peut effectuer des dons de liquidités chaque année, sans se préoccuper du montant qui optimiserait sa fiscalité. Bref, il fait un don annuel et récolte le crédit d'impôt.
Dans le cas de la deuxième stratégie, il peut faire des dons par l'intermédiaire des primes d'une police d'assurance, tout en faisant des dons de son vivant en liquidités.
La stratégie ressemble à celle que nous avons décrite plus haut. Le donateur s'assure sur la vie. Les primes payées sont considérées comme un don et donnent droit au crédit d'impôt. Plutôt que de verser les sommes restantes à la fin de la vie comme il est proposé dans l'option favorite, il verse des montants en liquide de son vivant. Cette stratégie permet de donner tout en se protégeant contre le risque d'un décès prématuré. Pour notre lecteur, cette option surpasserait le don annuel en liquidités si le décès survenait avant 100 ans, selon les calculs de nos experts.
La troisième stratégie consiste à faire des dons de son vivant en liquidités pour éliminer l'impôt annuel et de léguer le reste au décès. Les deux professionnels pensent qu'il s'agit de la meilleure option si le décès est tardif, et toujours si l'objectif est de donner moins, mais plus rapidement.
EXPERT INVITÉ
Simon Proulx-Pinard, CPA et conseiller en sécurité financière chez Brassard Goulet Yargeau services financiers intégrés
EXPERT INVITÉ
Robin Lévesque, CPA et conseiller en sécurité financière chez Brassard Goulet Yargeau services financiers intégrés