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DOSSIER MARCHÉ INTERNATIONAL - En 2014, à la suite de sanctions économiques décrétées par les États-Unis et l’Europe contre la Russie qui avait annexé la péninsule ukrainienne de Crimée, Moscou impose à son tour un embargo sur les produits alimentaires occidentaux.
Du jour au lendemain, Aliments Asta doit trouver de nouveaux débouchés pour ses produits. L’entreprise de Saint-Alexandre-de-Kamouraska, qui se spécialise dans la première transformation du porc, exporte alors près de 30 % de sa production de longes, jambons et flancs vers la Russie, un des ses principaux clients.
«On s’est retrouvé avec d’importants surplus. Les entrepôts étaient pleins et, même si les produits étaient congelés, il fallait les vendre ailleurs», se rappelle Stéphanie Poitras, directrice générale de cette entreprise familiale fondée en 1982 par son père Jacques.
L’entreprise a dû également rediriger rapidement les conteneurs qui étaient déjà sur des bateaux en direction de la Russie. «On a refait les papiers à l’exportation pour pouvoir les vendre dans d’autres pays», souligne Mme Poitras.
Partage des risques
Car Aliments Asta a la chance d’exporter dans une quarantaine d’autres pays. «Il n’y a pas eu de pertes de produits, mais comme on était dans un contexte de surplus partout dans le monde, il a fallu vendre à prix réduit», indique Stéphanie Poitras. La Russie représentait alors le troisième marché d’exportation de l’ensemble de l’industrie porcine canadienne, avec des expéditions d’une valeur de près de 500 M$.
L’entreprise peut aussi compter sur un partenariat avec des maisons de commerce canadiennes qui se spécialisent dans la négociation et la vente de denrées alimentaires. Aliments Asta, dont les principaux marchés d’exportation sont aujourd’hui la Chine, le Japon, le Mexique, les États-Unis et la Corée du Sud, vend ainsi ses produits à ces distributeurs qui se chargent de les revendre dans différents pays.
«En travaillant avec des maisons de commerce, on partage les risques. Dans le cas de l’embargo russe, on a travaillé ensemble pour trouver d’autres débouchés et limiter les pertes de part et d’autre», explique Mme Poitras, qui ne s’inquiète pas outre mesure de la situation explosive sur la péninsule coréenne. Encore là, elle mise sur la diversification de ses marchés et des ententes signées avec des maisons de commerce.
L’embargo de la Russie a aussi touché Rotobec, une entreprise de Sainte-Justine qui fabrique des équipements de manutention pour le secteur forestier et autres industries. «On a eu des conteneurs qui ont été bloqués au port de Saint-Pétersbourg pendant plusieurs semaines pour des vérifications. Mais on n’a pas eu de pertes financières, seulement des retards de livraison», relate Yves Lapointe, représentant des ventes à l’international chez Rotobec.
Yves Lapointe, qui passe la moitié de son temps à l’étranger pour faire de la prospection de nouveaux marchés, n’entend toutefois pas retourner en Turquie où il tentait de solliciter de nouveaux clients. «J’étais là quand, à trois occasions, il y a eu des attentats à l’aéroport puis près de la Mosquée. Le président de l’entreprise m’a dit de ne plus y aller, que je n’avais pas été engagé comme représentant de guerre», raconte-t-il.
Aliments Asta doute pour sa part de pouvoir exporter à nouveau ses produits en Russie qui a prolongé l’embargo sur les produits alimentaires jusqu'à la fin 2018. «La Russie a construit des porcheries et de abattoirs pour contrer les sanctions et être davantage autosuffisant. On verra, mais ça ne reviendra jamais plus comme avant», constate Stéphanie Poitras.
Obstacle important
Le risque politique s’avère d’ailleurs une inquiétude croissante et représente le deuxième obstacle en importance pour les entreprises qui songent à exporter dans des marchés émergents, révèle sondage de l’organisme Exportation et développement Canada (EDC). Ce risque dépasse même les autres grandes entraves comme l’accès au financement, l’accès à du personnel qualifié ou encore la corruption.
Les modifications règlementaires défavorables, la rupture d’un contrat par un état étranger, l’expropriation, les troubles publics ou encore la guerre et le terrorisme figurent parmi les risques politiques les plus préoccupants et qui ont d’ailleurs entraîné des pertes pour un exportateur sur trois, indique le sondage.
«La meilleure façon de s’en prémunir, c’est d’évaluer les risques au départ», indique Véronique Proulx, vice-présidente Québec de l’organisation Manufacturiers et Exportateurs du Québec, en précisant qu’il n’y a toutefois qu’une faible proportion des entreprises québécoises qui exportent dans des pays présentant des risques politiques.
Des ententes avec des partenaires locaux, notamment des agents manufacturiers ou des représentants des ventes, permettent aussi de réduire les risques. «Le partenaire sera les yeux de l’entreprise sur le terrain. Il peut anticiper certaines crises politiques et sera plus en mesure de réagir, par exemple en négociant d’avance avec d’autres pays limitrophes pour écouler la marchandise ou trouver des sites d’entreposage», précise Carole Doussin, présidente de Commerce International Québec (CIQ), un réseau d’organismes régionaux de promotion des exportations.
EDC offre aussi une assurance risques politiques qui peut couvrir jusqu’à 90 % des pertes liées aux menaces politiques. Ce type d’assurance permet à une entreprise de se protéger notamment contre les risques qu’un gouvernement étranger puisse saisir, exproprier ou l’empêcher de reprendre possession de ses actifs.
Elle met aussi l’entreprise à l’abri des risques lié au terrorisme, à une guerre, à des conflits civils ou toute autre forme de violence politique qui peuvent cause des dommages matériels à ses actifs ou encore la forcer à interrompre ses activités à l’étranger pendant une période prolongée.
«Une partie de nos ventes à l’internationale sont couvertes par des lettres de crédit. S’il y avait un coup d’état dans un pays, on serait assuré de recevoir des paiements», indique Lise Côté, directrice des exportations outre-mer et gestion de comptes majeurs du manufacturier Bois de plancher PG, situé à Saint-Édouard-de-Lotbinière.
Les taux de primes des diverses assurances offertes par EDC varient évidemment selon le type et le nombre de risques politiques assurés, selon l’évaluation des risques que présentent le pays et le secteur industriel, et selon les caractéristiques de la transaction.
Consultez notre dossier MARCHÉ INTERNATIONAL: PARER AUX RISQUES