Jacques Lussier, le professeur-gestionnaire qui ne jure que par le risque

Offert par Les Affaires


Édition du 19 Mars 2016

Jacques Lussier, le professeur-gestionnaire qui ne jure que par le risque

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Édition du 19 Mars 2016

« Le choc s’est produit lors de la crise de 2008. Malgré leurs gros systèmes, la plupart des gestionnaires se sont fait prendre les culottes baissées. Et ceux qui demandaient un prix élevé à leurs clients ne faisaient pas mieux que les autres », exp

Jacques Lussier est arrivé plutôt tardivement au monde des affaires. Il y a trois ans à peine, à 54 ans, il a finalement lancé sa propre entreprise de gestion de portefeuilles, Ipsol Capital.

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«J'ai eu trois carrières dans ma vie. Je jugeais que c'était le moment ou jamais», dit-il lors d'un entretien dans son bureau du Vieux-Montréal, un lieu austère qui a peu à voir avec les aménagements parfois ostentatoires d'autres firmes d'investissement.

D'ailleurs, en pénétrant dans les locaux d'Ipsol, on a davantage l'impression de mettre les pieds dans une start-up que dans une firme qui gère 220 millions de dollars, une somme qui atteindra en avril 300 M$ avec de nouveaux mandats. Pas de réceptionniste, quelques bureaux disséminés dans un espace ouvert, une foison d'écrans d'ordinateur et une poignée d'employés aux allures de geeks plutôt que de financiers.

«Ici, dans le fond, c'est une firme de recherche. On n'est que sept ou huit personnes, mais on n'a rien à envier aux plus gros», dit l'ancien professeur.

Car Jacques Lussier a d'abord été enseignant à HEC Montréal, une première carrière dont il a conservé les réflexes. Après un bac en économie puis une maîtrise en finance à HEC, il part trois ans en Caroline du Sud pour faire un doctorat en affaires internationales. De retour au Québec, en 1987, il enseignera la finance internationale et la gestion de placements pendant sept ans.

C'est là qu'il rencontre Gérald Guilbault, alors dirigeant dans le secteur de la gestion financière au Mouvement Desjardins. Celui-ci lui propose de se joindre à l'une des filiales de l'institution, le Groupe Vie Desjardins-Laurentienne.

«Mon mandat était de mettre en place la gestion de produits dérivés. Pas pour spéculer, mais pour équilibrer les portefeuilles afin de remplir les engagements à long terme» de cette filiale d'assurances. À son arrivée, en 1995, l'équipe ne compte que quelques personnes. «Ça a été une expérience fantastique, car je touchais à tout : le revenu fixe, l'immobilier, les hypothèques commerciales, la répartition d'actifs, la gestion de gestionnaires, etc.», raconte M. Lussier. Il quittera le poste de stratège en chef de Desjardins Gestion internationale en mars 2013.

Pendant cette période, il a eu l'occasion de rencontrer près de 1 200 gestionnaires de partout dans le monde. «J'ai vu le meilleur et le pire ! Certains ne méritaient pas le qualificatif de boîte de gestion», raconte-t-il. Ces rencontres et ses activités de gestionnaire l'ont «exposé à beaucoup de connaissances». Ce qui, avec son expérience dans l'enseignement, l'a incité à écrire un premier bouquin, Successful Investing Is a Process, publié en 2013. La brique de 350 pages, offerte seulement en anglais, décortique les présumées «recettes» en gestion de placement et s'en prend aux honoraires exorbitants facturés par les firmes. «Le choc s'est produit lors de la crise de 2008. Malgré leurs gros systèmes, la plupart des gestionnaires se sont fait prendre les culottes baissées. Et ceux qui demandaient un prix élevé à leurs clients ne faisaient pas mieux que les autres.»

En fait, soutient-il, la chance explique souvent les performances qui se démarquent. «Certains gestionnaires ont acquis une notoriété parce qu'ils ont pris une bonne décision. Mais ils ne sont pas capables de la reproduire. Les experts se trompent aussi souvent que les non-experts. Toutes les études montrent qu'il est extrêmement difficile de prévoir.»

D'où sa conviction, à partir de ses recherches, que le succès dépend de la manière dont on structure les portefeuilles. «Ce qui explique les rendements à long terme, ce sont les risques auxquels vous êtes exposés. Il faut avoir une approche qui soit le plus possible diversifiée à l'égard des divers facteurs de risques», dit-il.

Puisque ces risques sont de toute nature, Ipsol mise beaucoup sur l'informatique pour analyser les titres, gérer les risques et construire ses modèles. Utilisant des données remontant à 1963, les caractéristiques de chaque titre sont mesurées : valeur, taille, momentum, rendement du dividende, volatilité, devise, etc. «Ça donne une exposition équilibrée à tous les facteurs de risques. Personne ne fait ce qu'on fait.»

Pour le moment, Ipsol n'a pas une longue histoire de performance. Après 23 mois, son portefeuille d'actions américaines, qui compte 200 titres, affiche un rendement de 2,08 % au-dessus de l'indice Russell 1000. Celui d'actions mondiales, qui comprend 400 titres dans 20 pays et 10 devises, est en recul de 0,09 % sur l'indice MSCI ACWI après 20 mois.

Jacques Lussier ne cherche pas à faire d'Ipsol un géant. Ses objectifs sont modestes : avoir dans trois ans une douzaine de clients et un actif sous gestion de deux milliards de dollars.

Entre-temps, il publiera l'automne prochain un second bouquin, en anglais toujours, qui s'intitulera Rational Investing. «L'aspect éducatif des clients me préoccupe beaucoup», conclut l'ex-professeur.

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Série 5 de 5. Qui sont les grands gestionnaires québécois ? Quel a été leur parcours ? Leur recette d'investissement ? Dans une série de reportages, nous vous présentons cinq d'entre eux.

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