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Si le Québec joue bien ses cartes, la pandémie de la COVID-19 pourrait bien devenir synonyme de « relance inclusive », ce qui permettrait de réduire l’écart entre les hommes et les femmes entrepreneurs. Un « important coup de barre » doit toutefois encore être donné selon les expertes consultées.
Au printemps 2020, l’organisme Femmessor a sondé plus de 1000 entrepreneures afin de brosser un portrait de la situation, quelques semaines après le début de la pandémie. Croisé avec les données de Statistique Canada, ce rapport démontre les maintes raisons qui expliquent pourquoi les entreprises des Québécoises sont plus affectées que celles de leurs homologues masculins par les mesures sanitaires.
Surreprésentées dans les secteurs plus touchés par ces consignes, comme les secteurs des services et du commerce de détail, la majorité d’entre elles dirigent des entreprises qui comptent cinq employés et moins. Ainsi, plus de 80 % des répondantes indiquaient ne pas se qualifier aux programmes d’aide financière.
Bien que, depuis, les critères d’admissibilité aient été assouplis, un an plus tard ça demeure un enjeu important. « Pivoter demande des investissements et contribue à l'endettement », souligne la présidente-directrice générale de Femmessor, Sévrine Labelle. C’est pourquoi elle espère que les subventions non remboursables, comme l’aide à l’embauche et le loyer, demeureront accessibles jusqu’à ce que la pandémie soit bel et bien chose du passé.
Car une grande partie des femmes entrepreneures s’inquiètent encore des défis à long terme que la crise sanitaire continuera de mettre sur la route de leur entreprise, indique en entrevue Déborah Cherenfant, directrice régionale, Femmes entrepreneures, au Groupe Banque TD. Cette affirmation, elle la tire des conclusions d’un sondage mené par la Banque TD et l’agence montréalaise The brand is female dans les deux dernières semaines auprès de 500 répondantes.
« Au-delà des pertes d’emplois et des pertes d’argent, malgré les offres des programmes gouvernementaux, on a une situation qui persiste, et on a un moral et une croissance à long terme qui est menacée », en conclut l’entrepreneure, à la lecture de ce rapport qui n’est toujours pas rendu public. En effet, pour plus de 80 % des femmes entrepreneures sondées, la pandémie a eu d’importantes répercussions sur leur moral, et la charge mentale est pointée du doigt. « Ses effets ont été exacerbés par la pandémie », affirme Déborah Cherenfant, qui se réjouit que depuis un an, les langues se soient déliées au sujet de l’enjeu de la conciliation travail-famille dans le milieu de l’entrepreneuriat.
Néanmoins, environ 70 % des femmes sondées demeurent optimiste, même si elles savent qu’elles auront des difficultés à surmonter la crise, notamment en matière d’endettement. Une preuve de résilience qui fait écho à ce qu’avait pu observer Femmessor dans son étude du printemps dernier.
Un terreau fertile à la réflexion
Parmi les premières voix à s’être levées pour mettre en garde d’un éventuel recul du nombre de femmes entrepreneurs au début de la pandémie, Sévrine Labelle est aujourd’hui beaucoup plus confiante en l’avenir. Des mots comme « inclusvité », « diversité », et « entrepreneures » semblent aujourd’hui se tailler davantage une place dans l’espace public, mais ces discours politiques doivent se traduire en actions.
L’état de « l’entrepreneuriat au féminin est encore fragile », mais la relance sera bel et bien inclusive, si « on continue d’apporter du soutien, du financement, de l’accompagnement dans les pivots, les développements de marché, et la gestion financière » de ces entrepreneures, croit la PDG de Femmessor.
Déborah Cherenfant estime qu’en cette période de réflexion, il est d’autant plus important de mettre en valeur différents modèles d’entrepreneuriat, dont le succès ne se mesure pas qu’au chiffre d’affaires. « Les projets qui s’adressent à des communautés culturelles ne sont pas évalués à leur juste valeur, il existe encore beaucoup de préjugés. On doit comprendre les enjeux culturels », martèle l’entrepreneure, qui souhaite voir plus de diversité parmi les jurys et les organismes d’accompagnement. Elle souligne toutefois un éveil au sein des réseaux d’affaire « de la majorité », qui prennent conscience de cet enjeu social.
Mme Cherenfant, également présidente de la Jeune chambre de commerce de Montréal, ajoute qu’il est fondamental de préserver l’entrepreneuriat au féminin pour les prochaines générations de dirigeantes d’entreprises, surtout celles issues de la diversité.
« L’enjeu est tellement plus grand, plus macro que les entrepreneures elle-même, et c’est dommage d’avoir ce poids-là qui repose sur leurs épaules. Mais si on perd autant d’entreprises détenues par des femmes, quels seront nos modèles plus tard ? », s’inquiète-t-elle.