L’IREQ travaille au développement de drones équipés de sondes capables d’inspecter en vol l’état d’une structure. (Photo : Hydro-Québec)
Au début de l'année, Éric Martel, le nouveau PDG d'Hydro-Québec, a ordonné un réalignement des activités de recherche de la société d'État, secteur où sont investis quelque 100 millions de dollars (M$) par année. Le plan des prochaines années est clair : Hydro continuera de faire de la recherche, mais se concentrera principalement sur les projets présentant les plus importants potentiels de commercialisation.
Nous avons frappé à la porte de l'Institut de recherche d'Hydro-Québec (IREQ) et de quelques-unes des coentreprises et filiales d'Hydro-Québec afin de repérer les projets les plus prometteurs. En voici quatre.
Des robots aux drones
On imagine difficilement l'étendue du réseau d'Hydro-Québec. La société d'État gère un réseau de transport et de distribution électrique long de 144 000 km, soit plus de trois fois la circonférence de la Terre !
Gérer un tel réseau, c'est devoir l'inspecter en tout temps de manière à prévenir, voire prédire, la moindre défaillance susceptible d'entraîner une interruption de service. Pour y parvenir, l'IREQ a inventé au cours des années une série d'engins ou de robots téléguidés, capables de circuler sur les lignes de haute tension.
Le LineCore, par exemple, est un détecteur de corrosion capable de fournir des renseignements détaillés sur l'état de protection galvanique des conducteurs de lignes de transport et de distribution. Le LineScout, lui, se veut une «plateforme robotique» spécialement conçue pour l'inspection et la réalisation d'interventions sur les lignes de transport électrique.
En opération depuis quelques années, cette plateforme a été déployée dans sept pays jusqu'à maintenant.
C'est qu'en plus d'en faire usage pour ses propres besoins, Hydro-Québec vend des licences à d'autres exploitants de réseaux électriques. Son dernier client en date est National Grid, propriétaire de réseaux aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ce dernier vient d'acquérir les droits d'utiliser le LineScout pour les dix prochaines années.
Serge Montambault, responsable du groupe robotique d'inspection à l'IREQ, n'est guère surpris de cet intérêt. «L'entretien et l'inspection robotisés d'un réseau, à plus forte raison lorsqu'il est maintenu sous tension, procure des économies significatives à celui qui en profite.»
Ce n'est pas tout. L'IREQ travaille depuis quelque temps au développement de drones équipés de sondes capables d'inspecter en vol l'état d'une structure. Ces appareils peuvent non seulement transmettre des images en direct des structures, mais également se poser sur elles pour recueillir des données qu'il serait quasi impossible d'obtenir autrement.
MIR Innovation, responsable de la commercialisation des innovations pour Hydro, s'attend à une mise en marché officielle de ces drones d'ici 18 à 24 mois. Elle procède actuellement à une étude de marché pour mesurer le véritable potentiel commercial des drones dans ce secteur.
Une banque d'énergie cachée dans un conteneur
La batterie de votre téléphone cellulaire est constamment à plat, au point où vous avez dû acquérir une batterie de secours pour vous sortir du pétrin en cas d'urgence ? Eh bien, c'est un peu à ce problème récurrent que travaille Hydro-Québec, en collaboration avec le géant japonais Sony, mais à une autre échelle.
Les deux sociétés ont uni leurs forces il y a trois ans au sein d'une nouvelle coentreprise du nom de Technologies Esstalion. L'objectif : créer une batterie au lithium-ion géante, mobile, sécuritaire et capable d'emmagasiner des quantités d'énergie supérieures à tout ce qui existe actuellement.
On estime que les premiers intéressés par ce produit seraient des sociétés de gestion ou de distribution électrique. Hydro-Québec pourrait donc profiter elle-même de cette technologie. Une telle batterie lui permettrait d'emmagasiner de l'énergie de sources diversifiées et intermittentes (comme le solaire et l'éolien), en plus de l'aider à mieux gérer les périodes de pointe, liées par exemple au chauffage pendant l'hiver et à la climatisation durant l'été. Les exploitants d'usines, ou de chantiers en territoire éloigné, pourraient aussi se servir de telles batteries comme génératrices de secours, advenant une panne du réseau électrique.
Logé dans un conteneur de 53 pi, le dernier prototype disposait d'une puissance de 1,2 mégawatt et d'une capacité de stockage de 1,2 mégawattheure. Cela équivaut à la consommation moyenne de 23 maisons pendant 24 heures au Québec. Cependant, à la différence de ses concurrents du Japon, des États-Unis et de l'Allemagne, la batterie d'Esstalion aurait la capacité d'effectuer de 10 000 à 20 000 recharges, soit de trois à six fois plus que ce qui existe actuellement.
Malgré ces avancées, la coentreprise n'est pas encore prête pour l'étape de la commercialisation. Discret, son porte-parole se limite à parler pour l'instant d'espoir de commercialisation qui surviendrait dans «un proche avenir».
Un moteur pour autobus électrique chez TM4
Après des années de travaux sur la voiture électrique, la filiale TM4 a étendu son champ de recherche à l'autobus et au camion électriques, des marchés également susceptibles d'apprécier son expertise en motorisation.
Baptisé SUMO, son nouveau moteur électrique est en fait un dérivé du fameux moteur-roue, développé de longue date par TM4. Le système de motorisation électrique, mis au point au Québec, est aujourd'hui fabriqué à Beijing par la société chinoise Prestolite Electric Propulsion Systems (PEPS), une entreprise créée par TM4 et la chinoise Prestolite Electric Limited.
Cette coentreprise développe, produit et commercialise des systèmes de motorisation électrique et hybride pour le transport durable, sous licence de TM4. Son offre, qui comprend des moteurs, des générateurs, des onduleurs et des modules de contrôle véhicule, est destinée aux autobus de 6 à 18 m, aux véhicules commerciaux, à la machinerie lourde et au transport fluvial.
En 2016, TM4 a vendu 5 000 de ces moteurs électriques, comparativement à 1 000 l'année précédente. Ses parts de marché représentent maintenant 4 %, comparativement à 0,4 % en 2015. Loin d'être terminée, cette croissance se poursuit. Au point où, selon Louis-Olivier Batty, porte-parole d'Hydro-Québec, les parts de l'entreprise pourraient encore doubler et atteindre 8 % du marché d'ici la fin de 2017.
PEPS se positionne désormais comme un chef de file en électrification des transports sur le marché chinois, le plus important du monde dans ce secteur d'activité. Des autobus motorisés par TM4 circulent déjà en Chine, à Taïwan, en Allemagne et en Turquie. Les marchés de l'Inde et de l'Asie du Sud-Est s'y intéressent aussi.
Les Autobus Lion, de Saint-Jérôme, seul manufacturier nord-américain de bus scolaires de type 100 % électrique (les eLion), utilise les moteurs de TM4. Outre les autobus, les camions capables de transporter de très lourdes charges, comme ceux qu'on trouve dans les mines à ciel ouvert, constituent un marché d'importance.
Malgré son jeune âge, PEPS est déjà rentable, soutient M. Batty. Ses profits sont partagés à parts égales entre les deux partenaires.
Pour des raisons de compétitivité, Hydro-Québec refuse de chiffrer les sommes reçues de ces activités jusqu'à maintenant.
Est-ce à dire que c'est dans la poche ? Rien n'est sûr. Il y a de redoutables concurrents, dont ABB, mais également Siemens, ce géant sur qui courent des rumeurs de fusion avec la division Transport de Bombardier.
Le moteur SUMO est fabriqué à Beijing par une entreprise créée par TM4 et la chinoise Prestolite Electric Limited. (Photo : Hydro-Québec)
Une percée avec Peugeot ?
Enfin, Hydro-Québec fonde beaucoup d'espoir sur un projet de développement concernant une nouvelle voiture électrique, en partenariat avec PSA Peugeot Citroën et la PME française Exagon Motors.
Il s'agit d'un projet de 30,8 M$ auquel ont participé les gouvernements provincial et fédéral à la hauteur de 10 M$ en prise de participation et de 6 M$ en prêt. À ces sommes s'ajoutent une contribution de 4 M$ d'Hydro-Québec, elle aussi sous forme de participation, évaluée à 13 %.
Dans un premier temps, il a été demandé à la filiale TM4 de produire une étude de préfaisabilité pour le développement d'un nouveau groupe motopropulseur à haute performance et à rendement énergétique élevé, capable de concurrencer les produits de Tesla. TM4 a déjà collaboré à deux reprises dans le passé avec PSA Peugeot Citroën, pour le Peugeot Quark et pour le Citroën C-Métisse, une voiture concept.
«Même si nous ne sommes qu'un des nombreux partenaires dans ce dossier, notre part de travail a été accomplie, soutient Louis-Olivier Batty. Disons que nous attendons des nouvelles, que la balle est maintenant dans le camp de PSA Peugeot Citroën.» Le maître d'oeuvre doit indiquer prochainement s'il va de l'avant avec ce projet.
Si la multinationale européenne sélectionne la technologie proposée par TM4, une partie des composants de cette future voiture pourrait être fabriquée au Québec. Les plus enthousiastes rêvent de l'implantation au Québec d'une usine d'assemblage de véhicules électriques de marque Peugeot.