(Photo: Artem Verbo opur Unsplash)
LES 300 PLUS IMPORTANTES PME AU QUÉBEC. Les employeurs naviguent sur une mer houleuse, les membres de leurs équipages se faisant ravir à coups de milliers de dollars supplémentaires en pleine relance économique. Une légende raconte toutefois que dans ce raz-de-marée d’offres d’emplois se cachent des pépites de la rétention, qui permettent aux entreprises qui les détiennent de créer de réelles oasis pour les travailleurs. Les Affaires vous présente les conseils des meilleurs spécialistes en matière de fidélisation pour éviter le naufrage.
Ça n’a rien d’une histoire de pêche : pour parvenir à relancer leur paquebot à vive allure en ces temps de reprise économique pandémique, les PME québécoises devront impérativement miser sur une main-d’œuvre mobilisée, martèlent tous les spécialistes consultés.
À (ré)écouter: Doit-on vider son porte-monnaie pour attirer les talents?
Si ces derniers mettent en garde les entreprises sur les conséquences d’une pénurie imminente depuis plus de dix ans, ils constatent aujourd’hui qu’un changement de paradigme semble réellement s’opérer, et que le bien-être de l’équipage gagne en importance chez celles et ceux qui ont les mains sur le gouvernail. Voici leurs conseils pour avoir des employés engagés n’ayant aucune envie de quitter le navire.
1. Tendez l’oreille
Le manque d’écoute fait partie des facteurs les plus fréquemment cités par des travailleurs ouverts à de nouveaux défis, laissent entendre les spécialistes du recrutement. C’est d’ailleurs ce que met en pratique la coach en gestion et conseillère en ressources humaines agréées, Céline Moisan, lorsqu’une entreprise fait appel à ses services. Si ses 30 ans d’expérience lui ont bien appris quelque chose, c’est que « les solutions proviennent des employés », surtout si vous tentez de comprendre pourquoi ces derniers bossent toujours pour vous. Après tout, le meilleur remède pour réduire un taux de roulement, c’est de traiter son équipe comme son plus important client, soutient la consultante en ressources humaines et en développement organisationnel Louise Bourget. L’employeur doit ainsi ouvrir le dialogue, pratiquer son écoute, et ce, sans se mettre en position défensive. De « cette boîte de vers » qui effraye peut-être pourraient émaner de réels atouts pour fidéliser vos travailleurs si vous savez tendre l’oreille. Du moins, ceux qui ne sont pas à l’écoute de leurs employés « s’en mordent les doigts » aujourd’hui, constate la psychologue du travail et des entreprises, Diane Brunelle. Doit-on le rappeler, l’époque où la main-d’œuvre était presque jetable est révolue, martèle-t-elle en entrevue. Si vous n’êtes pas certain de ce qui convainc vos travailleurs à rester, posez la question à vos fidèles. Vous pouvez aussi passer des coups de sonde réguliers auprès de vos équipes, pour vous enquérir sur différents aspects de leur quotidien. En demeurant à l’affût du moindre voyant rouge sur votre tableau de bord, comme une impression d’iniquité, « vous serez proactif et agirez avant qu’il ne soit trop tard », affirme Catherine Villeneuve, directrice des services professionnels à Randstad.
2. Ne faites pas à vos employés ce que vous souhaiteriez qu’on vous fasse
Un employé heureux restera dans une entreprise, mais chacun ne sera pas retenu de la même façon. Il importe donc de bien comprendre quel est le profil de chaque membre de votre équipe afin d’offrir un contexte de travail adapté à son épanouissement. En d’autres termes, ne tombez pas dans le piège de créer un environnement qui vous semble être le nec plus ultra, mais qui est complètement déphasé avec les besoins de vos salariés. « Les employeurs n’ont pas de mauvaises intentions, mais leurs pratiques de rétention ne sont pas toujours optimales pour chaque candidat », glisse Marili B. Desrochers, présidente et fondatrice de Coefficient RH. Solime Gaboriault, cofondateur de Boostalab, vous suggère surtout « d’éviter de servir de la Molson à tout le monde », et de plutôt offrir des choix variés afin de répondre aux impératifs de chaque travailleur. Certes plus complexe, cette approche vous sourira : « Quand on prend soin de l’humain, c’est sûr que l’organisation va bien », fait remarquer Céline Moisan. Et ça commence dès les premières heures de l’embauche d’un employé, tout comme votre démarche de fidélisation d’ailleurs. « La clé, c’est de comprendre le genre de profil qu’on a engagé, et de lui offrir des choses en accord avec ses besoins », indique Marili B. Desrochers.
3. Faites valoir tous les avantages de votre rémunération globale
Dans bien des cas, le nerf de la guerre demeure d’offrir une rémunération juste et compétitive. Si, pour de nombreux individus, ce facteur pèse encore bien lourd dans la balance, il ne doit pas être l’unique élément qui les retient, soulignent à grands traits les experts consultés. Au moindre appât plus alléchant, ces travailleurs détalleront sans jeter un seul regard en arrière. « Il faut aussi donner de la valeur au salaire indirect, comme la qualité de la relation qu’un employé a avec son supérieur », nuance la conseillère en ressources humaines agréées, Louise Bourget. Là où de grosses sociétés peuvent ajouter quelques milliers de dollars à la fin du contrat, les PME, elles, peuvent miser sur davantage de flexibilité, souligne Diane Brunelle. Télétravail, horaires flexibles, échange de quart de travail, heures comprimées, formations, semaines de quatre jours, congés personnels, toutes ces mesures sont, selon la psychologue du travail et des entreprises, de belles options. « Avant, on parlait d’avoir des traiteurs sur place ou un accès à un gym. Le travail à domicile fait maintenant partie de ces avantages », assure Catherine Villeneuve, qui vous encourage à élaborer une politique de la flexibilité, autant du lieu de travail que des horaires. « Ils ne vont pas nécessairement [le pratiquer], mais ils veulent savoir qu’ils ont la possibilité de le faire », remarque Céline Moisan. De ne pas l’intégrer dans votre stratégie de retour au bureau serait donc une grave erreur.
4. Améliorez l’expérience de travail
En cas d’irritants au sein de votre entreprise, vous pourriez miser sur l’approche de groupes de codéveloppement professionnel pour corriger le tir, suggère Denise Gaumond, qui siège au conseil d’administration de l’Association québécoise du codéveloppement professionnel. Cette méthode regroupant des groupes de six à huit membres (des employés dans ce cas-ci) permet de faire émerger des actions concrètes pour régler un problème. « La condition « sine qua non », c’est qu’on n’est pas des pelleteux de nuages, qu’on agit sur quelque chose qui va servir » aux participants, soutient la conseillère en ressources humaines agréées. « Quand [vos employés] voient qu’il y a une volonté de changer les choses, même si ce n’est pas accompli dans le temps, que le gestionnaire est authentique dans la démarche, on n’en demande pas plus qu’aux autres, soit de faire de son mieux pour améliorer l’expérience de travail », assure Louise Bourget.
5. Positionnez et communiquez votre marque employeur
Vous devrez aussi communiquer ce en quoi votre entreprise se différencie. Encore faut-il que vous serviez la salade que vous vendez. « Les bottines doivent suivre les babines. Souvent, les gens cherchent un autre emploi parce qu’on leur a promis des choses, mais ce n’est pas ça qui arrive au bout du compte », observe la consultante en ressources humaines Céline Moisan. Vous pourriez aussi obtenir des certifications pour bonifier votre marque employeur, « car on n’attire pas des abeilles avec du vinaigre », rappelle Diane Brunelle. Non seulement cela aura un pouvoir d’attraction sur de nouveaux talents, mais cela servira peut-être aussi d’arguments supplémentaires pour convaincre vos salariés de demeurer en poste si un autre employeur tente de les appâter, sans disposer de telles reconnaissances. En somme, sachez quels sont les bons coups de votre entreprise, et parvenez à bien les communiquer.
6. Ayez une mission d’entreprise claire
Si la pandémie a bien changé une chose, c’est la quête de sens de plusieurs travailleurs. Toutes les entreprises ne sont toutefois pas parvenues à une telle conclusion. « Dans une ère où on a besoin d’épanouissement, on s’est mis à se questionner sur l’alignement, le fondement même du pourquoi je donne à mon employeur ma créativité et mes idées », relate la coach en gestion Louise Bourget. Elle déplore que trop de PME se concentrent essentiellement sur la gestion opérationnelle. Une mission clairement cernée « fait en sorte que les gens s’identifient à leur entreprise. [...] Ils n’auront pas envie de la quitter », a remarqué Catherine Villeneuve de Randstad. Lorsqu’ils contribuent à une mission commune et claire, les membres de votre équipe donneront le meilleur d’eux-mêmes pour réaliser de grandes choses, estime Solime Gaboriault. « C’est bien plus important que la notoriété d’une organisation, car on travaille pour son équipe d’abord et avant tout », pense-t-il. D’où l’importance de reconnaître les bons profils de compétences et de comportement requis pour un poste. Marili B. Desrosiers vous suggère de « cloner les performants », de détecter ceux qui se sont bien intégrés à votre entreprise, et de noter ce qui a bien fonctionné pour reproduire les formules gagnantes selon les profils concernés.
7. Sélectionnez des candidats ayant les mêmes valeurs
Il est important de détecter les postulants avec lesquels il y aura une adéquation avec vos valeurs, ce qui n’est pas toujours accompli par les entreprises en manque de prétendants, ce qui se solde par de piètres recrutements, observe Marili B. Desrochers de Coefficient RH. Diane Brunelle met d’ailleurs en garde les PME qui « tournent les coins ronds » lors de ce processus, car un mauvais candidat engagé pourrait ultimement vous coûter cher en bons employés. « La question de la rétention, ça commence bien avant » l’entrevue d’embauche, martèle la psychologue. Partager les mêmes valeurs est tout aussi important pour les employés afin qu’ils puissent donner leur meilleur. « Il faut que les gens s’y retrouvent parce que si je travaille pour un employeur qui ne partage pas mes valeurs, c’est sûr que ça va me démobiliser et ça ne donnera pas envie de rester », rappelle le spécialiste de la gestion et cofondateur de Boosatlab Solime Gaboriault.
8. Créez un esprit de communauté
Essentiel, cet élément est des plus difficiles à mettre en place, surtout depuis le début de la pandémie et de la démocratisation du travail à distance. C’est « un réel test pour mesurer la solidité de votre équipe », soutient Solime Gaboriault. Pour créer cette cohésion entre l’ensemble de vos employés, ce dernier suggère de commencer par alimenter la flamme entre les membres d’une même équipe nucléaire. Assurez-vous que la communication y est fluide, et que de bonnes pratiques de rétroaction ou de reconnaissances sont implantées. « Est-on capable de se parler quand ça ne va pas, qu’on ne laisse pas le bobo s’infecter pour que ça devienne une plaie pour l’équipe ? » illustre M. Gaboriault. Il affirme que si vos employés ont l’impression que tous leurs coéquipiers ont leur bien-être à cœur, et pas que leur gestionnaire immédiat, il leur semblera carrément improbable de les quitter pour accepter une offre salariale plus alléchante. Céline Moisan abonde dans le même sens. La reconnaissance de leur contribution par leurs pairs, les moments de discussions informelles et les rapports avec leurs collègues sont tous des facteurs qui influenceront le bonheur au boulot et, ultimement, la fidélisation. « Ce n’est pas l’argent ni les conditions de travail qui vont faire en sorte qu’une personne va rester dans une organisation, c’est tout ce qui est relationnel, humain », constate-t-elle. Ce sentiment d’appartenance peut même être généré en offrant carrément à vos joueurs clés des parts de votre entreprise. Plus connue chez les avocats et les ingénieurs, cette technique de fidélisation a gagné en popularité dans d’autres secteurs d’activité, observe Catherine Villeneuve.
9. Tirez des leçons de vos entrevues de départ
Malgré l’implantation de nombreuses pratiques pour fidéliser vos employés, il se pourrait bien que certains décident malgré tout de quitter le navire. Si certaines de ces fins de parcours sont normales, comme un départ à la retraite ou un déménagement, par exemple, d’autres auraient probablement pu être évitées. La démarche de faire une entrevue de départ peut sembler anodine, mais elle est en réalité un puissant outil qui permettra de comprendre les vraies raisons derrière une démission, assure Catherine Villeneuve. La charge de travail est-elle trop grande ? L’environnement est-il toxique ? Est-ce la rémunération qui cloche ? Ces questions sont d’autant plus essentielles si vous avez un fort taux de roulement au sein de votre équipe. L’important est de créer un espace dans lequel votre (ancien) employé pourra s’ouvrir et s’exprimer en toute franchise, martèle Marili B. Desrochers. Elle recommande aussi de mandater une autre personne pour mener cette dernière discussion si, pour une quelconque raison, vous ne vous sentez pas en mesure d’accueillir les propos de ce salarié. En fonction de ce qui ressortira de cet échange, vous pourrez apporter les modifications nécessaires à votre environnement de travail afin de donner lenvie à vos employés de continuer à collaborer à la mission de votre entreprise.