Si, traditionnellement, les concepteurs avaient tendance à favoriser son ruissellement vers le réseau d’égout, aujourd’hui, l’approche vise plutôt à l’utiliser in situ, sur les parcelles des constructions. (Photo: 123RF)
INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. Les bâtiments font partie de l’équation quand il s’agit d’aborder la gestion de l’eau, notamment en ce qui concerne la récupération des eaux pluviales. Si, traditionnellement, les concepteurs avaient tendance à favoriser son ruissellement vers le réseau d’égout, aujourd’hui, l’approche vise plutôt à l’utiliser in situ, sur les parcelles des constructions.
L’objectif est de répondre au problème de l’imperméabilisation croissante des sols, conséquence directe de l’urbanisation croissante et des surverses. « Lors des averses intenses de cet été, de nombreuses villes ont connu des débordements de leur réseau sanitaire et des déversements d’eaux usées non traitées dans les cours d’eau », regrette Francis Pronovost, expert en bâtiment durable au sein d’Écobâtiment.
Ce dernier prône le concept de « ville éponge », avec des infrastructures qui permettent une meilleure infiltration et rétention des eaux de pluie. À l’image par exemple des toitures vertes, utiles pour réduire les îlots de chaleur, ou encore des bassins de stockage, ajoutés récemment sur le stationnement du centre Frédéric-Back, à Québec. « Ils servent juste à réguler, mais ce dispositif peut aussi permettre l’arrosage d’aménagements paysagers », précise M. Pronovost.
De l’eau de pluie dans les toilettes
La Maison du développement durable, à Montréal, est allée plus loin. « On récupère toute l’eau de pluie de notre bassin de rétention afin de la réutiliser pour nos toilettes », explique Aman Joshi, chef des opérations du bâtiment. Résultat : une réduction d’eau potable qui peut aller jusqu’à 55 %. « Avant de penser à ce type de système, il existe une solution toute simple pour commencer : des robinets à faible débit ! », assure M. Pronovost.
À Saint-Sauveur, dans les Laurentides, le promoteur Domicil a pour sa part fait appel à la multinationale de Rivière-du-Loup Premier Tech Eau et Environnement pour récupérer les eaux de pluie des nouvelles habitations construites, par l’entremise de leur toiture. Versée dans une cuve souterraine, cette eau peut être utilisée pour le lavage ou l’arrosage extérieur, même en cas de sécheresse… mais aussi pour les toilettes — qui représentent 30% à 40% de l’eau utilisée dans une maison — grâce à un système de double plomberie. Cette solution a permis de répondre aux limitations des infrastructures municipales.
« En utilisant l’eau qui tombe du ciel, on fait des économies en énergie, dans les stations d’épuration, et des économies en équipements donc en émissions carbone », se félicite Henri Ouellet, le président de l’entreprise louperivoise.
Des assainissements écologiques
Il existe un autre enjeu : le traitement des eaux usées, notamment pour les bâtiments isolés qui ne sont pas branchés à l’égout. La Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq) fait par exemple confiance aux installations septiques de la firme de Sherbrooke DBO Expert. Ces dernières se distinguent par un traitement passif des eaux usées. « Notre procédé fonctionne sans électricité, ni pièce mécanique, ni intervention humaine, ni produits chimiques, ni entretien », assure Miguel Almassy, ingénieur de DBO Expert. Les économies annuelles sont estimées à 3 000 $ par installation, soit le tiers de son coût.
La désinfection se fait naturellement par la présence de sable et d’une biomasse bactérienne qui assimile la pollution. « On n’a pas encore vu la limite dans la durée de vie de notre système », se réjouit Nicolas Fournier, PDG et propriétaire de DBO Expert depuis avril 2021.
De son côté, Premier Tech Eau et Environnement commercialise une solution, également autonome, de filtration naturelle des eaux usées à base… de pelures de noix de coco ! « En réutilisant une matière organique et compostable, on fait un vrai choix d’écoconception », conclut Henri Ouellet.
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Saviez-vous que...
Si l’on cumule la consommation des secteurs résidentiel, industriel, commercial et des services publics, le volume quotidien d’eau utilisé par personne au Canada en 2019 est de 411 litres, selon Statistique Canada.
Bien qu’en recul de 15 % par rapport à 2011, ce chiffre reste parmi les plus élevés au monde. La consommation du Canada est sans commune mesure avec celle de pays comme le Royaume-Uni, la France ou l’Allemagne, inférieure à 160 litres par personne et par jour.