Le président et cofondateur de LivingSafe, David Landry. (Photo : Ysabelle Latendresse)
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. Avec un système de santé à bout de souffle, les outils propulsés par l’intelligence artificielle (IA) valent leur pesant d’or, car ils promettent notamment d’économiser du temps aux professionnels, de favoriser le diagnostic, de trouver plus facilement le traitement approprié et de bonifier la prévention. Voici deux start-ups montréalaises qui proposent des innovations qui permettent d’améliorer les soins grâce à l’IA.
La grand-mère de David Landry a connu une fin tragique à la suite d’une chute. Restée par terre durant 12 heures avant qu’elle ne soit découverte, elle a succombé à une hémorragie, ce qui a marqué l’entrepreneur qui n’avait que 11 ans à l’époque.
Voyant que la technologie n’avait pas progressé pour que du personnel ou des proches puissent intervenir rapidement en cas de chute d’un aîné, David Landry a cofondé LivingSafe en 2020. Son entreprise a recours à des capteurs émettant des ondes électromagnétiques qui sont par la suite reçues par le même appareil. « C’est un peu le même principe que les ultrasons des chauves-souris, explique-t-il en entrevue téléphonique. Les ondes frappent les objets et reviennent. »
Cette information est transmise à de l’IA qui est capable d’éliminer les objets ou les animaux de compagnie pour ne suivre que les humains en temps réel. En cas de chute, une alerte est envoyée à des personnes désignées.
« C’est un système de surveillance continu qui n’affecte aucunement la vie privée, mentionne l’ingénieur mécanique. Il n’y a pas de paroles ou d’images saisies, car il n’y a aucun micro ni caméra. L’aîné n’a rien à porter, pas de montre ni de bracelet. De plus, le système est autonome. Aucune intervention du personnel ou de l’usager n’est requise. »
Le pouvoir prédictif de l’IA
David Landry estime que les informations brutes recueillies sont parfaites pour l’IA. « Les données captées sont assez standards et en grand nombre, dit-il. Puisqu’elles ne sont pas tellement variables, cela permet d’entraîner l’IA de manière efficace. »
En plus de détecter rapidement les chutes et d’alerter les secours, l’IA permettra à LivingSafe d’aller plus loin. « Le cœur de notre entreprise, c’est de l’analyse de données, rappelle-t-il. Ce qui est magnifique, c’est qu’on peut aller chercher des données avant et après l’incident. »
Donc, à force d’en accumuler, l’entreprise veut établir des corrélations pour mieux comprendre pourquoi et comment les chutes se produisent et ainsi agir en conséquence pour les minimiser. « Notre objectif ultime, c’est la prévention et faire en sorte que les aînés puissent rester le plus longtemps possible à leur domicile. »
Aider les professionnels de la santé
Le manque de données pour faire fonctionner l’IA constitue un problème de taille pour les jeunes entreprises ou celles qui innovent. Il faut donc faire preuve de patience.
« Souvent, l’IA, tu n’en pas besoin au début, mais ensuite, elle peut venir raffiner ta solution », explique Philippe Chartrand, fondateur d’Empego, qui a développé des questionnaires auxquels répond le patient afin de décrire ses symptômes avant de rencontrer un médecin ou un pharmacien.
« Le professionnel de la santé aura droit à un rapport complet en main avant le rendez-vous, affirme le président. Il est donc mieux préparé et cela lui permettra de ne pas omettre des questions importantes à examiner. »
Empego a recours à de l’IA pour bien arrimer les questions posées au patient avec ce qui le pousse à aller en consultation. « On veut que les questions correspondent au problème de santé décrit par le patient dans le logiciel, poursuit-il. Par conséquent, le système apprend en fonction de la pertinence. Il devient de plus en plus précis avec le temps, selon les erreurs et les succès obtenus. »
D’ici trois ans, la jeune pousse compte aussi utiliser l’IA pour prédire le diagnostic et suggérer une thérapie. « En faisant un suivi avec le traitement choisi par les professionnels, on pourra croiser cela avec les réponses fournies au départ par le patient, précise Philippe Chartrand. On sera ainsi capables de savoir ce dont le malade souffre en fonction des réponses au questionnaire. »
D’ici là, il y a du travail. « On a des objectifs sur le plan technique, mais aussi d’un point de vue commercial, explique le pharmacien. Cela vaut la peine de structurer nos données pour maximiser plus tard l’IA. On se prépare tout de suite. »
Cela est important, car pour que l’IA fonctionne bien, il souligne qu’il faut des données de qualité, en grande quantité et bien organisées. « En santé, c’est souvent des données narratives, une histoire, ce qui constitue un frein pour l’IA, mentionne l’entrepreneur. Si tu ne mets pas le bon “label” à la bonne place, cela fausse les résultats et en médecine, tu ne peux pas te permettre cela. »