Lauren Rathmell, cofondatrice des Fermes Lufa (Photo: courtoisie)
FINANCEMENT D'ENTREPRISES. Plus de 83% des PME détenues par des femmes utilisent des sources de financement personnelles pour démarrer leurs activités, selon un rapport publié l’an dernier par le Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat du Canada (PCFE). C’est sans doute pourquoi les initiatives pour encourager les femmes à se tourner vers les instituons financières se multiplient depuis quelques années.
« Plusieurs entrepreneuses ont besoin d’être éduquées sur la manière d’aller chercher du financement et d’intervenir avec leur banquier, parce qu’elles n’iront pas nécessairement dans cette direction-là de façon naturelle, explique Nancy Goudreau, directrice régionale de la mise en œuvre à la Banque de développement du Canada (BDC). On veut leur offrir une “zone de confiance”. »
Nancy Goudreau, directrice régionale de la mise en œuvre à la Banque de développement du Canada (Photo: courtoisie)
Pour se faire, la BDC a lancé son initiative Femme entrepreneur il y a six ans. L’organisation s’est donné l’objectif de soutenir davantage les entreprises détenues majoritairement par des femmes dans ces activités de financement. La BDC s’était donné une cible de 1,4 milliard de dollars sur une période de trois ans se terminant en mars 2021. Elle l’a atteinte en août dernier.
«Parce qu’il y a une sous-représentation de l’entrepreneuriat féminin dans le secteur des technologies, autant chez les gestionnaires que les fondateurs », selon Nancy Goudreau, la BDC a aussi mis sur pied un fonds distinct de l’initiative Femme entrepreneur en 2017 : le Fonds pour les femmes en technologie, d’une valeur totale de 200 millions de dollars.
Lauren Rathmell, cofondatrice des Fermes Lufa, spécialisée en agricult ure urbaine, souligne que ce même fonds est arrivé à un point clé dans la croissance de l’entreprise montréalaise, en 2018, alors qu’elle débutait la construction d’une quatrième serre. Ainsi soutenu, le projet du bâtiment dans l’arrondissement Saint-Laurent – terminé l’été dernier – a permis aux Fermes Lufa de répondre aux demandes croissantes générées par le contexte pandémique.
Par contre, Lauren Rathmell soutient que son entreprise n’a jamais fait face à des problèmes de financement dû au genre de sa cofondatrice. Les Fermes Lufa se sont plutôt tournés vers le Fonds pour les femmes en technologie parce qu’il rejoignait leurs valeurs explique le vice-président des finances, Jean-Michel Vanier. « On va essayer d’avoir des investisseurs qui ont les mêmes objectifs que nous, qui sont à la fois financiers et sociaux. »
« Si le Fonds pour les femmes en technologie prospère, il va encore plus de nouveaux investissements dans des entreprises dirigées par des femmes, donc plus de femmes en affaires », ajoute-t-il.
Notons que seuls 15,6% des PME comptant au moins un employé́ sont détenues majoritairement par des femmes, toujours selon le rapport du PCFE.
Le réseautage comme tremplin
Selon Nancy Goudreau, les raisons pour lesquelles les entrepreneuses se tournent moins vers les institutions financières pour obtenir du financement seraient leur réticence à l’endettement, ainsi que leur manque de confiance. Elle constate qu’«une entrepreneuse n’a pas la même approche qu’un entrepreneur et souvent, elle ne développe pas de relation avec un banquier avant d’avoir besoin de lui ». Les entrepreneurs auront davantage tendance à entretenir un réseau dès le démarrage de leur projet.
Le réseautage entre les entrepreneuses est un élément clé, poursuit Nancy Goudreau. L’équipe de la BDC multiplie donc les occasions de rencontres, et ce, autant à travers des activités organisées par l’institution qu’avec des partenaires comme Femmessor, le Réseau des femmes d’affaires du Québec ou WEConnect International.
Lauren Rathmell souligne que «la communauté que la BDC entretient autour du fonds pour les femmes en technologie » lui a été utile comme source d’information, particulièrement durant les derniers mois marqués par la pandémie, durant lesquels plusieurs entreprises ont fait face à des problèmes similaires aux siens.
De son côté, Investissement Québec (IQ) s’est engagé dans Beyond the Billion au Canada, une initiative visant à réduire l’écart de financement entre les hommes et les femmes entrepreneurs. Sylvie Pinsonnault, première vice-présidente des stratégies et solutions d’affaires à IQ, explique qu’à travers cette campagne, l’organisation s’est engagée en 2019 à investir 10 millions de dollars dans des véhicules d’investissement ou des entreprises dirigées par des femmes. La société d’État a dépassé son objectif l’automne dernier.
En plus de viser à faire des entreprises ayant une femme à leur tête 18% de sa clientèle qui reçoit du financement d’ici 2023, IQ portera une attention particulière à la mise en réseau des entrepreneuses dans son prochain plan stratégique, explique Sylvie Pinsonnault. « Il y a déjà des groupes qui existent, donc notre objectif ne sera pas de réinventer la roue, mais de mettre à profit ces réseaux-là pour les aider à aller encore plus loin », affirme-t-elle.
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Cinq fonds spécialisés par les femmes entrepreneuses
— Femmes en technologie (BDC)
— Femmessor Québec
— Femmes d’affaires en commerce international (gouvernement du Canada)
— Fonds pour les femmes en entrepreneuriat (gouvernement du Canada
— Fonds pour l’écosystème de la SFE (gouvernement du Canada)