Récemment, j'ai rencontré en entrevue une candidate à un poste de niveau senior. Brillantes études, bon début de carrière, elle a accumulé non seulement l'expérience pertinente que je recherche, mais elle possède de solides réalisations à son actif. Elle est talentueuse et elle est reconnue par ses pairs comme celle qui «livre» et, par ses patrons, comme étant une formidable négociatrice de contrats.
L'entrevue avance et je me demande comment elle va se positionner concernant sa rémunération. Surprise ! Au moment d'aborder la question, je la sens tout à coup légèrement déstabilisée. «Ce n'est pas la question primordiale et ni le plus important pour moi», me confie-t-elle. Si la question de la rémunération ne devrait pas être l'enjeu principal d'un changement de poste, il n'en reste pas moins qu'il est essentiel de l'aborder et d'en discuter. C'est à ce moment précis que je me suis rendu compte que la candidate traînait depuis plusieurs années une rémunération en deçà du marché de 25 %. Pourquoi ? Parce qu'elle avait à un moment donné mal négocié une promotion et qu'elle n'avait jamais récupéré l'écart qui s'était créé à ce moment-là. Une mauvaise négociation peut prendre de nombreuses années à rattraper, sans compter que bien souvent, seul un changement d'employeur permet de combler le manque à gagner. Un virage mal négocié à l'interne ne se rattrape pratiquement jamais, équité salariale ou pas !
Le sexe n'a rien à voir
Les femmes sont-elles moins bonnes négociatrices que les hommes ? Il semble que le sexe n'ait rien à avoir avec la performance dans l'art de la négociation (à lire à ce sujet l'article «When Does Gender Matter in Negotiation ?» publié dans Harvard Business Review). Par contre, je remarque que, lorsque le moment vient de négocier pour soi-même, les femmes n'excellent pas, alors qu'elles sont souvent redoutables pour le compte de leur employeur.
La négociation de la rémunération met souvent les candidats (hommes ou femmes) mal à l'aise. Et plus le poste offert présente un intérêt ou une rare occasion sur le marché, plus l'enjeu devient important pour le candidat. À ce jeu-là, notons que les hommes sont plus «gamers» et abordent l'exercice comme une partie de poker. Ils gardent toujours une carte dans leur manche et ne se dévoilent pas d'entrée de jeu. Les femmes ont souvent tendance à jouer la carte de la transparence et se mettent plus facilement à risque.
Quelle que soit la situation, vous devriez toujours négocier votre rémunération. Que ce soit l'aspect monétaire ou les avantages sociaux, les options ne manquent pas. Jouez avec les échelles salariales ou les bénéfices marginaux, car rien ne vous empêche de gagner sur d'autres tableaux, comme les vacances, l'accès à un service complet médical ou encore un aménagement de votre temps de travail. Si le gain en argent est toujours attirant, il est vite oublié une fois les impôts déduits.
Souvenez-vous qu'un nouvel emploi ou une promotion en interne est l'occasion d'augmenter votre rémunération. Si vous manquez le bateau, vous ne savez pas quand se représentera le prochain, sans compter que vous aurez déjà pris du retard. C'est ce qui est arrivé à ma candidate. À deux reprises, elle a manqué l'occasion de changer d'échelle salariale et la voilà, 10 ans plus tard, sous-évaluée dans son marché. Le risque le plus important ici est d'être non seulement sous-évalué, mais aussi dévalorisé, car l'interlocuteur se demande si finalement il n'y a pas une raison à cela. Terrible, cette question, car le doute s'installe. Souvent les employeurs se tournent vers les candidats dont la rémunération est la plus élevée, comme si c'était une garantie de leurs compétences et de leur réussite. En fait, il s'agit plutôt d'un effet psychologique. Le même que lorsque vous achetez un produit coûteux. C'est d'ailleurs là-dessus que l'industrie du luxe base ses stratégies de prix. Peut-être une source d'inspiration pour rendre votre négociation plus fructueuse ?
Nathalie Francisci est associée, gouvernance et diversité, chez Odgers Berndtson, et présidente du CA de la section québécoise de l'Institut des administrateurs de sociétés.
Présenté par Desjardins - Avec la collaboration de Femmessor, la Caisse de dépôt et placement du Québec et PwC.