Le pionnier du marketing d'influence B2B sur LinkedIn au Québec, c’est Arthur Durand, jeune entrepreneur français de 29 ans, et son agence Copilote, fondée au printemps 2023 (Photo: Courtoisie)
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(Illustration: Camille Charbonneau)
ALGORITHMES. Après Instagram et TikTok, voilà que les influenceurs débarquent sur LinkedIn. Mais ici, pas de codes promo ou d’anciens candidats d’«Occupation double» sur l’party dans un vol vers Cancún. Sur LinkedIn, on veut des influenceurs sur leur X, reconnus dans leurs milieux professionnels.
Le pionnier au Québec, c’est Arthur Durand, jeune entrepreneur français de 29 ans, et son agence Copilote, fondée au printemps 2023 et spécialisée dans le marketing d’influence B2B sur LinkedIn.
Arrivé au Québec il y a six ans, Arthur Durand a navigué depuis la fin de ses études dans le milieu du business-to-business (B2B), et plus particulièrement dans l’événementiel entrepreneurial. Pendant la pandémie, alors que le marketing d’influence n’a pas bonne presse et est identifié comme un risque réputationnel pour les entreprises, il voit naître sur LinkedIn un nouveau genre d’influenceurs: les dirigeants.
«Avant, LinkedIn était considéré comme une bibliothèque à CVs, un endroit où on allait pour chercher du boulot, se souvient-il en entrevue avec Les Affaires. Pendant la pandémie, c’est devenu une plateforme de réseautage, car on ne pouvait plus faire de 5 à 7. Les gens ont commencé à l’utiliser pour y raconter leurs vies.»
Il suit son instinct, et voit dans le réseau social mésestimé un outil pour donner un coup de jeune au marketing B2B.
«Les décideurs prennent de plus en plus la parole; ils incarnent leur entreprise, leur marque. J’ai vu que tous les ingrédients étaient réunis pour développer la tendance du marketing d’influence B2B», affirme celui qui compte désormais une dizaine de clients.
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LinkedIn n’est plus «pépère»
En novembre dernier, LinkedIn a annoncé avoir passé la barre du milliard de membres et être présent dans 200 pays et régions. Pour la première fois, son chiffre d’affaires a dépassé les 15 milliards de dollars au quatrième trimestre de l’exercice 2023.
«On avait l’impression qu’on avait atteint un plateau, l’impression d’une plateforme pépère, mais LinkedIn est devenu un incontournable», affirme Luc Dupont, chercheur associé à l’Observatoire des médias sociaux en relations publiques et professeur en communication à l’Université d’Ottawa.
Pour lui, le rachat de LinkedIn par Microsoft en 2016 a permis le développement du potentiel créatif de la plateforme, avec l’intégration des outils de Microsoft qui facilitent le partage de vidéos, de balados, et d’outils de mesure plus efficaces. Au Canada, on ne peut aussi nier les répercussions de l’adoption de la loi C18 et la fin du partage des nouvelles sur les plateformes de Meta.
«Qui dit réseau social, dit trivialité, facilité, divertissement. C’est le plus gros défi avec LinkedIn: montrer que les réseaux sociaux peuvent servir à autre chose qu’à tout ça, soutient Luc Dupont. LinkedIn devient maintenant la plateforme très sérieuse des gens qui veulent s’informer […] Ces algorithmes-là vont travailler différemment. Ça montre qu’on peut faire les choses différemment sur les réseaux sociaux.»
«La création de contenu, ce n’est pas seulement pour du divertissement, ou par des jeunes», affirme Arthur Durand. C’est avec cette idée en tête qu’il se lance au printemps 2023 à la recherche de ses premiers clients, les «têtes brûlées», qui accepteront de se lancer sur un marché embryonnaire.
Les «têtes brûlées»
Le premier à répondre à l’appel est l’entreprise Technologia, spécialisée dans la formation et le développement de compétences des gestionnaires et des employés en entreprise. L’équipe marketing de Technologia a trouvé refuge sur LinkedIn pour gagner en notoriété après la perte de popularité des plateformes de Meta. Mais aussi parce que c’est là que se trouve son public. Si l’entreprise a décidé de le suivre dans ses premiers tests, c’est donc avant tout pour développer un lien de confiance avec ses abonnés.
«Avant que quelqu’un achète une formation, on doit créer un sentiment de confiance, explique l’équipe marketing. Et ceux auxquels on fait le plus confiance, ce sont ses amis, sa famille, les gens qu’on admire.»
Avec plus de 200 000 impressions, 50 republications et 1500 interactions récoltées entre juin et juillet 2023, l’objectif de visibilité semble rempli. «On a senti clairement une espèce de boom», confirme Michaël Grégoire des relations presse de l’entreprise.
C’est également la fin du partage des nouvelles sur Facebook et Instagram qui a poussé Patrick Pierra, éditeur de l’infolettre d’actualités économiques Infobref, à chercher une agence de marketing d’influence, et à faire affaire avec Arthur Durand après avoir essuyé de nombreux refus.
«On n’a pas un produit traditionnel, beaucoup m’ont dit non, raconte-t-il. Nos mondes sont assez éloignés entre les influenceurs et les médias d’information.»
Le secret d’un succès
Pour Nataly Lévesque, chercheuse en marketing d’influence et chargée de cours à l’Université Laval, l’agence d’Arthur Durand a un avantage concurrentiel.
«Sur LinkedIn, on va aller rejoindre une niche, un secteur en particulier, explique-t-elle. Les influenceurs, les leaders d’opinion vont être perçus comme plus crédibles, authentiques, et la transparence sur LinkedIn, c’est beaucoup apprécié par les utilisateurs.»
Elle ajoute que les agences de marketing d’influence, spécialisées en marketing B2C (business-to-consumer) ne peuvent pas répondre à cette demande.
«Les agences ne peuvent pas simplement se convertir, ajoute-t-elle. Il va falloir qu’elles aillent chercher une nouvelle expertise.»
Arthur Durand sélectionne une quinzaine d’influenceurs par campagne. Il les choisit en fonction de leur expertise, de la reconnaissance de leur milieu, et surtout de leur capacité à engager leur audience grâce à leur authenticité. Prix de départ pour une campagne: environ 10 000$. Les leaders d’opinion, quant à eux, sont rémunérés quelques centaines de dollars pour partager des publications après avoir essayé les produits.
«Les collaborations se font naturellement, explique Arthur Durand. Les leaders d’opinion connaissent souvent déjà l’entreprise ou aiment le produit. Ce ne sont pas des créateurs de contenu professionnels, ils ne vont pas le faire à contrecœur pour payer leur loyer. Ce que j’achète, c’est leur authenticité, c’est eux qui savent engager leur audience.»
Pour Nataly Lévesque, ce sont des partenariats gagnant-gagnant. Le risque réputationnel est limité, car les influenceurs ont autant à perdre que les entreprises qu’elles représentent en s’affichant sur leur réseau professionnel. Mais pour que ce partenariat reste gagnant, il faut l’encadrer.
Arthur Durand a d’ailleurs perdu quelques influenceurs, notamment une influenceuse pour Technologia. Ces derniers se sont retrouvés en conflit d’intérêts avec des entreprises pour lesquelles elles étaient déjà engagées.
«En B2B, le marketing d’influence brise certaines normes établies informellement», explique Nataly Lévesque.
Pour y remédier, Arthur Durand s’appuie sur ce qui existe déjà en marketing B2C, notamment les contrats d’exclusivité.
«Ce qui est important pour les leaders d’opinion sur LinkedIn, c’est leur carrière, conclut la chercheuse. C’est un plus qu’ils puissent avoir cette crédibilité, cette notoriété-là, mais au bout du compte, ils s’en passeraient s’ils doivent choisir entre leur travail et parler à des abonnés.»
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LinkedIn, «ce joueur sous-évalué»
- Date de création: LinkedIn a été fondé dans le salon de Reid Hoffman en 2002 et lancé en 2003 aux États-Unis
- Rachat par Microsoft: 2016
- Nombre d’utilisateurs: fin novembre, le réseau social a annoncé avoir dépassé le milliard d’utilisateurs. En janvier 2024, LinkedIn comptait 23,7 millions d’utilisateurs au Canada.
- Âge des utilisateurs: Au Canada, 46,4% des utilisateurs de LinkedIn ont entre 25 et 34 ans. 26,2% ont entre 35 et 54 ans et 21,9% sont âgés de 18 à 24 ans. Ils sont 5,5% à être âgés de plus de 55 ans.
Source: LinkedIn et statista
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