L’agence a fait valoir qu’elle utilise «un processus très rigoureux pour fixer la limite de pesticide permit sur les aliments». (Photo: La Presse Canadienne)
Santé Canada compte autoriser l’augmentation des limites maximales de résidus de pesticides pouvant rester sur certains aliments, mais affirme du même souffle que cette décision ne signifie pas que les Canadiens seront exposés à plus de pesticides.
Lors d’un breffage technique réservé aux médias, mardi, des fonctionnaires de Santé Canada ont annoncé que le gouvernement va «lever la pause sur les limites maximales de résidus (LMR)» de pesticides, qui avait été décrétée en 2021, après une levée de boucliers.
Certains produits alimentaires importés, mais aussi des aliments produits au pays, pourront donc être autorisés à contenir plus de résidus de pesticides, si Santé Canada le «juge sécuritaire».
«La levée de la pause est essentielle pour garantir aux consommateurs l’accès à une grande variété d’aliments nutritifs et sécuritaires et pour fournir aux producteurs canadiens les outils nécessaires dans la lutte aux nouveaux organismes nuisibles», a indiqué une fonctionnaire de Santé Canada.
«Les aliments étant désormais produits et commercialisés à l’échelle internationale, la levée de la pause est essentielle pour faciliter les échanges commerciaux», a ajouté l’employée de l’agence fédérale.
Toujours selon Santé Canada, cette décision «ne signifie pas que les Canadiens seront exposés nécessairement à davantage de pesticides».
L’agence a fait valoir qu’elle utilise «un processus très rigoureux pour fixer la limite de pesticide (…) sur les aliments».
Santé Canada a précisé que l’autorisation d’augmenter les limites maximales de résidus de pesticides ne concernait pas, du moins pour le moment, les résidus de glyphosate, que l’on retrouve notamment dans l’herbicide Roundup.
Lors d’un point de presse en après-midi, le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, a fait ces commentaires concernant une éventuelle permission d’augmenter les résidus de glyphosate dans les aliments: «Sur le glyphosate, il y a trois choses qui se passent, la première, c’est que 20 000 commentaires ont été reçus (de citoyens canadiens) et ils doivent être étudiés, la deuxième, c’est que Santé Canada travaille avec d’autres agences semblables à l’extérieur du pays concernant son usage, et la troisième, c’est que la décision concernant le glyphosate ne sera pas annoncée avant 2024».
Les fonctionnaires fédéraux n’ont pas fourni d’exemples de produits qui pourraient être autorisés à contenir plus de LMR.
Santé Canada est toutefois déjà prête à émettre des propositions pour «des produits antiparasitaires qui portent sur un seul usage ou une seule culture».
Le Bloc demande au gouvernement de reculer
Le porte-parole du Bloc québécois en matière d’agriculture, Yves Perron, a réagi en invitant le gouvernement «à reculer» et plutôt réduire l’usage de pesticides.
«L’annonce d’aujourd’hui va à l’inverse des efforts de réduction de l’usage des pesticides dans le monde agricole. Nous sommes en droit de nous inquiéter d’une prochaine augmentation des résidus de pesticides sur les aliments. Alors que la planète évolue vers de nouvelles pratiques agricoles, le gouvernement fédéral ouvre plutôt la porte à davantage de pesticides», a-t-il écrit dans un communiqué.
Santé Canada avait reculé en 2021
En août 2021, le gouvernement fédéral avait soulevé un tollé en envisageant d’autoriser la hausse de résidus de certains pesticides dans plusieurs denrées alimentaires. Il avait finalement fait marche arrière et décidé de mettre sur pause l’autorisation d’augmenter les limites maximales des résidus (LMR) de pesticides.
L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada avait suggéré d’augmenter les LMR de glyphosate pouvant rester sur certains aliments comme les noix et les légumineuses.
La proposition découlait d’une demande de l’entreprise Bayer, propriétaire de Monsanto, producteur de l’herbicide Roundup contenant du glyphosate.
L’ARLA étudiait également une demande de la compagnie Syngenta pour augmenter la présence de traces de pesticides sur certains petits fruits, une information révélée par Radio−Canada.
L’Ordre des chimistes du Québec, l’Association des biologistes du Québec, l’Association des microbiologistes du Québec, l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, mais aussi plusieurs citoyens et différentes organisations non gouvernementales avaient vivement réagi à la proposition de Santé Canada.
Dans la foulée de la suspension de l’intention de hausser la limite des LMR, le gouvernement fédéral avait annoncé de nouvelles recherches sur la lutte antiparasitaire, mais aussi une consultation publique en ligne sur les pesticides. Un comité consultatif scientifique sur les produits antiparasitaires avait également été créé en janvier 2022.
Santé Canada promet plus de transparence
Santé Canada a promis mardi qu’elle «continuera d’améliorer la transparence de ses décisions et l’accès à celles-ci».
La directrice du Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives (CREPPA) de l’UQAM, Louise Vandelac, promet d’avoir l’agence de santé à l’œil, car dans le passé, «le gouvernement a caché des informations essentielles sur les pesticides».
Mme Vandelac faisait notamment référence à une série de documents caviardés qu’elle a reçus il y a quelques années lorsque le CREPPA a demandé de l’information sur les ventes de pesticides associés au parkinson.
Concernant l’annonce du gouvernement d’autoriser l’augmentation des limites maximales de résidus de pesticides, la professeur Vandelac dit être restée sur sa faim, car «on ignore pour l’instant quelles sortes de pesticides risquent d’être augmentés» et «sur quels aliments».
Mardi, le gouvernement a publié un avis d’intention «qui marque le début des consultations sur les propositions de modifications du Règlement sur les produits antiparasitaires».
Autant les Producteurs de grains du Québec que l’Ordre des chimistes du Québec ont salué la volonté de Santé Canada de consulter la population à ce sujet.
Lors du breffage technique mardi, le gouvernement fédéral a également annoncé qu’il compte bannir l’utilisation de pesticides pour des raisons esthétiques sur les terrains qui appartiennent à l’État.