Flavie Morin propriétaire, La Récolte: « La fin du mois de mars a été marquée par des changements majeurs dans nos processus. » (Photo: MonMontcalm)
AGRI-AGRO. Portées par le courant du zéro déchet, les épiceries en vrac voguaient avec le vent en poupe depuis quelques années. Leur course s'est toutefois fracassée sur l'écueil de la COVID-19. Elles ont rapidement dû se réinventer.
Dans sa deuxième vigie mensuelle Conso COVID-19, publiée le 4 juin dernier, l'Observatoire de la consommation responsable de l'ESG-UQAM notait qu'entre le 15 avril et le 15 mai, plus de la moitié des répondants qui achetaient normalement du vrac avaient cessé de le faire. Parmi ceux-ci, six sur dix invoquaient la crainte que les règles sanitaires ne soient pas respectées et près de cinq sur dix avaient peur d'attraper la COVID-19. Le sondage a été réalisé auprès de 1 002 internautes adultes.
Ce portrait correspond bien à ce qu'a vécu La Récolte, une épicerie en vrac qui tient deux commerces à Québec. «Nous avons perdu environ 50 % de notre chiffre d'affaires dans ces deux boutiques», déplore la propriétaire Flavie Morin.
Les clients n'ont pas été les seuls à déserter. Rapidement, des employés craintifs de contracter le virus ont préféré cesser de travailler. L'entreprise devait s'adapter pour rester ouverte, tout en embauchant du nouveau personnel. «Les deux dernières semaines du mois de mars ont été très intenses et marquées par de nombreuses prises de décisions urgentes et des changements majeurs dans nos processus», avoue Flavie Morin.
Par un heureux hasard, La Récolte avait lancé deux semaines avant le confinement un tout nouveau service de livraison, sur lequel elle planchait depuis octobre 2019. Sans permettre de récupérer totalement les revenus perdus dans les boutiques, cet atout a permis d'en réduire sensiblement les répercussions.
Cependant, le commerce a dû gérer une demande beaucoup plus forte qu'anticipée. Il a effectué quelques modifications en cours de route. Au départ, La Récolte livrait ses produits dans des contenants consignés. Les clients devaient par exemple débourser deux dollars de plus pour un pot en verre, que l'entreprise leur créditait après avoir repris possession du pot. Comme certains rechignaient à payer ces consignes, l'épicerie a ajouté une option sac de papier.
En boutique, tous les travailleurs portent des masques ainsi que des gants jetables. Ce sont eux qui servent les clients, lesquels ne peuvent plus piger dans les étals. Les clients doivent se désinfecter les mains à l'entrée et sont invités à arborer le masque. «Pour que ça reprenne, il est impératif que les gens se sentent en sécurité», estime Flavie Morin.
Une communauté forte
Le groupe d’achat d’aliments biologiques et écologiques en vrac NousRire a lui aussi été frappé de plein fouet par la pandémie et les règles sanitaires qui l’accompagnent. À tel point que ses dirigeants ont décrété une pause d’un mois pour se réorganiser. Une grande partie des employés ont été mis à pied pendant cette période, pour réduire les frais fixes.
NousRire distribue ses produits en vrac à Montréal et dans 17 autres villes du Québec. Avant la pandémie, cette distribution fonctionnait par cycles. Les participants disposaient de deux semaines et demie pour effectuer leurs commandes en ligne. Suivaient la compilation des commandes, l’arrivée des aliments, leur cueillette par les acheteurs à Montréal, dans les locaux du Mile-End, puis dans les régions. Les participants venaient eux-mêmes avec leurs contenants chercher leurs aliments en vrac, sur une période de quelques jours.
« L’interdiction de rassemblement pendant le confinement nous a obligés à complètement revoir cette façon de faire », explique la porte-parole Marion Demers. Le plus grand sacrifice a été d’accepter de préemballer les denrées dans des pots Masson et des sacs compostables, une hérésie pour ces apôtres de l’alimentation en vrac. Les dirigeants de NousRire se promettent bien de mettre fin à cette pratique dès que la situation sanitaire le permettra.
Désormais, les clients montréalais peuvent passer leurs commandes en continu, puisque l’ancien fonctionnement par cycles a été abandonné. La distribution s’effectue pendant quatre jours, chaque semaine. Cet étalement évite un trop grand achalandage lorsque les participants viennent chercher leurs produits dans les locaux du Mile-End. Dans les régions, le système de distribution reste semblable à ce qui se faisait auparavant, bien que le délai entre la commande et la réception soit raccourci.
NousRire a lancé un sondage auprès de ses participants pour avoir leur opinion et leurs suggestions sur les changements en cours. Pas moins de 4 000 personnes ont consacré une quinzaine de minutes à y répondre. « Nous sommes chanceux de compter sur une communauté de participants qui nous soutient et nous aide à réussir ce virage », se réjouit Marion Demers.