Facebook : une rare occasion d'achat


Édition du 19 Mai 2018

Facebook : une rare occasion d'achat


Édition du 19 Mai 2018

Par Yannick Clérouin

La résilience de ­Facebook repose notamment sur un des atouts les plus puissants dont peut disposer une entreprise : l’effet réseau. [Photo: 123RF]

Articles accusant Facebook de vendre les données de ses utilisateurs au plus offrant, mouvement #deletefacebook, mode d'emploi pour désactiver son compte du réseau social... En ciblant une des entreprises nord-américaines les plus performantes du moment, les médias et certains utilisateurs nous ont offert une rare occasion d'acheter le titre de Facebook.

Cela faisait un bon moment que nous avions Facebook (FB, 185,43 $ US) dans la mire, mais le titre était hors de notre portée en raison de sa valorisation élevée. Le moment le plus propice pour acheter des entreprises de qualité à prix raisonnable est souvent lorsque celles-ci vivent des périodes troubles.

C'est ce que nous avons fait après l'éclatement de la crise créée par l'emploi frauduleux des données des utilisateurs de Facebook, qui a fait perdre plus de 20 % au titre. Non seulement cette crise n'a pas nuit à ses activités commerciales de façon importante, mais elle lui a permis de faire un sérieux examen de conscience au vu et au su de tout le monde. Des ressources colossales seront consenties afin d'appliquer les meilleures pratiques concernant la confidentialité des données et la gestion des nouvelles trompeuses.

L'entreprise dirigée par Mark Zuckerberg a les ressources financières et humaines pour s'adapter au resserrement des lois. Elle bénéficie en outre d'avantages concurrentiels majeurs qui alimenteront une croissance élevée de ses revenus et bénéfices pendant plusieurs années.

Un atout clé

La résilience de Facebook repose notamment sur un des atouts les plus puissants dont peut disposer une entreprise : l'effet réseau. À mesure que les gens adoptent un service, l'utilité de celui-ci croît pour tous les usagers. Facebook compte 2,2 milliards d'utilisateurs mensuels. Les deux tiers de ses membres consultent le réseau au moins une fois par jour.

Son potentiel de croissance est grand, puisque seulement 6 millions des 80 millions d'entreprises présentes sur le réseau y diffusent de la publicité.

Un réseau doté d'une telle masse critique d'utilisateurs particuliers et commerciaux est à nos yeux difficilement attaquable. Malgré des munitions financières et technologiques abondantes, Google a été incapable de détrôner sa rivale avec Google+.

Facebook a aussi démontré sa capacité à accroître son emprise sur l'univers des réseaux sociaux, grâce à l'acquisition de technologies complémentaires. Achetée pour 1 G$ US en 2012, Instagram devrait générer 10 G$ US de revenus en 2019, selon eMarketer.

Incontournable pour les annonceurs

Facebook demeure, selon nous, un canal de diffusion incontournable pour les annonceurs.

Son offre publicitaire est nettement supérieure à celle des médias traditionnels. Elle permet de mieux cibler la clientèle visée et facilite l'analyse du rendement des dollars investis.

Ses tarifs accessibles permettent à pratiquement tout annonceur de se faire connaître auprès d'un certain nombre de consommateurs en peu de temps. Une PME peut en effet afficher sa publicité sur le réseau en une quinzaine de minutes moyennant une poignée de dollars, ce qu'elle ne peut faire dans un média traditionnel.

Facebook a un autre levier porteur pour ses marges bénéficiaires : le pouvoir d'augmenter ses prix. Au plus récent trimestre, ses tarifs ont été haussés de 39 %.

Tout nouveau dollar de revenu publicitaire ne s'accompagne pas de coûts supplémentaires, car Facebook dépense relativement peu pour le contenu, contrairement aux médias traditionnels, par exemple. Ceci a contribué à faire passer ses marges bénéficiaires d'exploitation de 41 % à 45,5 % au plus récent trimestre, malgré un bond de 39 % de ses dépenses.

Facebook dispose d'autres vaches à lait potentielles : Messenger et Instagram. Instagram compte plus de 800 millions d'utilisateurs mensuels et 25 millions de comptes commerciaux.

Seulement 2 millions des entreprises actives sur Instagram y diffusent de la pub, soit moins du tiers des annonceurs actifs sur Facebook. La seule conversion des annonceurs présents sur Facebook à Instagram alimentera la croissance de l'entreprise pendant un bon moment.

Messenger recèle aussi un grand potentiel publicitaire : 18 millions d'entreprises communiquent avec 1,3 milliard de consommateurs qui utilisent cette messagerie instantanée. Pour séduire davantage d'annonceurs, Facebook a annoncé à sa récente conférence F8 que les entreprises pourront proposer des expériences de réalité augmentée permettant de mieux visualiser les produits.

Les principaux risques d'investissement

Facebook va ressentir les contrecoups du resserrement des lois encadrant les données des utilisateurs. Elle s'attend, par exemple, à ce que l'entrée en vigueur du règlement européen sur la protection des données personnelles (GDPR) le 25 mai freine la croissance du nombre d'utilisateurs au deuxième trimestre. L'effet sur les recettes publicitaires devrait être limité, soutient la direction.

Reste que le nouveau cadre réglementaire va entraîner une hausse des coûts. L'entreprise prévoit que ses dépenses vont progresser de l'ordre de 50 % à 60 % pour l'exercice en cours, comparativement à 40 % à 50 % tel que prévu précédemment. Ce bond s'explique notamment par les embauches pour se conformer aux nouvelles règles et pour mieux contrôler le contenu.

La portée de la réglementation, que ce soit celle qui entrera en vigueur en Europe ou celle à venir aux États-Unis, constitue le principal risque à surveiller. Un cadre trop contraignant pourrait diminuer la supériorité économique du modèle publicitaire de Facebook vis-à-vis des modèles traditionnels.

Cela dit, Facebook pourrait sortir gagnante du changement des règles du jeu numériques, puisque de nouvelles barrières à l'entrée entraveront le chemin d'éventuels concurrents. Des annonceurs pourraient se passer des intermédiaires du placement publicitaire sur le Web au profit de Facebook et de Google, concluait une récente analyse du Wall Street Journal.

Il faut aussi surveiller la façon dont Facebook gérera le capital qu'elle déploie. Elle dispose d'un solide bilan, avec 45 G $ US d'encaisse ou 14,93 $ US par action. La société vient de faire passer son programme de rachat d'actions en cours de 6 G$ US à 9 G$ US, mais celui-ci a surtout servi jusqu'à présent à contrer la dilution du généreux programme d'attribution d'options. Le pire scénario serait que Facebook détruise de la valeur en réalisant une acquisition qui ne s'avère pas rentable, à l'image de Microsoft il y a plusieurs années.

Une croissance sous-estimée

Malgré certains nuages, nous croyons que la majorité des investisseurs sous-estiment la forte croissance des revenus de Facebook, ainsi que sa capacité à les accroître plus rapidement que les dépenses.

Les récents résultats ont montré que la crise n'a pas nui à sa performance financière pour le moment. À 18 fois le bénéfice que nous attendons, le titre se négocie à un multiple que nous jugeons attrayant compte tenu de ses perspectives de croissance.

Divulgation : les clients et les associés de Medici détiennent des actions de Facebook.

Experts-invités
Yannick Clérouin est conseiller financier chez Gestion de portefeuille stratégique Medici.
Pierre-Olivier Langevin est associé et gestionnaire de portefeuille chez Gestion de portefeuille stratégique Medici.

 

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