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Si je vous invite à suivre un pdg dans une nouvelle aventure après qu'il a procuré un rendement annuel composé de 27% sur 19 ans grâce à sa première entreprise, vous le ferez sans doute avec empressement.
Un nombre croissant d'analystes et de gestionnaires de portefeuille sont en quête du prochain Graal boursier avec Jonathan Ross Goodman et son nouveau poulain, Thérapeutique Knight(GUD, 8,61$).
Ces investisseurs et financiers font le pari que M. Goodman reproduira le succès qu'il a connu avec Laboratoires Paladin, la pharmaceutique qu'il a vendue pour 3,2 milliards de dollars à Endo International il y a deux ans. Prakash Gowd, analyste de Marchés mondiaux CIBC, vient de s'ajouter à la liste des disciples de M. Goodman en amorçant le suivi du titre avec une recommandation «surperformance» et une cible de 9,50 $.
On peut comprendre pourquoi tant d'investisseurs croient au grand potentiel de M. Goodman. Rares sont les pdg canadiens qui ont multiplié la valeur d'un titre par 95 fois comme il l'a fait avec Paladin.
Un modèle unique
Knight a vu le jour à la suite de l'acquisition de Paladin par Endo. La nouvelle entité créée pour les anciens actionnaires de Paladin a fait ses premiers pas avec l'obtention des droits associés à l'Impavido, un médicament approuvé pour traiter la leishmaniose, une maladie tropicale.
Jonathan Goodman a récolté 530 millions de dollars sur le marché depuis ses débuts, afin de bâtir une pharmaceutique spécialisée dont le modèle est fortement inspiré de celui de Paladin. Il qualifie Knight de «Paladin 2.0.» et ne cache pas son intention de concurrencer Endo, souligne l'analyste de CIBC.
L'entreprise de Westmount commercialise trois produits de santé grand public, comme la tisane détoxifiante Flat Tummy Tea. Ces produits ont généré des revenus de 1 M$ en 2015.
Thérapeutique Knight bâtit également un portefeuille de médicaments d'ordonnance et d'appareils médicaux à différents stades de développement. M. Goodman souhaite enrichir ce portefeuille grâce à des acquisitions et à des partenariats.
L'autre volet du modèle d'entreprise est de nature financière : Knight investit dans des fonds de capital-risque du secteur des sciences de la vie. Cette stratégie lui permet de réaliser un certain rendement de ses investissements, et de façon plus stratégique, lui donne un accès privilégié à des produits de santé de partout dans le monde. La société s'est engagée à investir un total de 125 M$ auprès de huit gestionnaires de fonds.
Enfin, Knight met à profit son solide bilan pour financer directement des sociétés de sciences de la vie. Non seulement elle génère ainsi des revenus d'intérêt, mais elle négocie aussi au passage les droits de distribution de produits pour des marchés sélectionnés, dont le Canada. Knight compte 11 prêts garantis assortis de taux d'intérêt bien rémunérateurs se situant entre 10 % et 15 %.
L'entreprise reçoit même des dividendes grâce à sa participation dans le groupe de distribution pharmaceutique israélien Medison.
Cette approche et la vente d'un statut d'évaluation prioritaire au géant pharmaceutique Gilead pour 125 M$ ont permis à Knight de rester rentable depuis ses débuts.
La pharmaceutique possède d'abondantes munitions pour nourrir sa croissance. Libre de dettes et armée de plus de 600 M$ de liquidités - elle vient de conclure une émission d'actions de 230 M$ - Knight prévoit déployer 300 M$ dans l'achat de produits et les prêts aux entreprises d'ici deux ans. Elle pourrait mettre la main sur des produits que Valeant (VRX, 37,42 $) ou d'autres pharmaceutiques vendront afin de réduire leur endettement.
Compte tenu de la feuille de route des dirigeants de Knight, l'analyste de la CIBC prévoit qu'elle réalisera des revenus annuels de 100 M$ d'ici 2025.
La grande différence entre Knight et Paladin
Dans sa lettre aux actionnaires publiée au début d'avril, le patron de Knight m'a charmé en écrivant qu'il a travaillé fort à semer les graines d'une croissance durable que ses petits-enfants apprécieront. Il a toutefois candidement averti que sa stratégie «prendra du temps à porter fruit».
J'apprécie au plus haut point la vision à long terme de M. Goodman et le fait qu'il a à coeur l'intérêt des actionnaires. Détenant 17 % des actions en circulation de la société, l'entrepreneur dit à ses investisseurs qu'ils peuvent compter sur Knight «les yeux fermés». Son frugal salaire annuel de base de 300 000 $ montre qu'il aligne ses intérêts à ceux des actionnaires.
Malgré le fort potentiel de l'entreprise, son bilan béton et le grand respect qu'on peut ressentir pour M. Goodman, Knight a un grand défaut : elle suscite des attentes élevées.
Au moment d'écrire ces lignes, le titre atteignait un sommet historique de 8,70 $, ce qui conférait à l'entreprise une valeur de près de 900 M$. Si on se fie aux projections de Prakash Gowd, la société devrait réaliser un bénéfice net d'environ 42 M$ en 2020. Le titre se négocie donc à 21 fois le bénéfice prévu dans cinq ans. Ce multiple exclut la valeur de l'encaisse et serait à recalculer advenant une acquisition importante.
Compte tenu du modèle d'opération hybride de la société, il est compliqué d'attribuer une valeur au titre. Un détail important : l'encaisse détenue par l'entreprise équivaut à 4,86 $ par action, selon Martin Landry, de Valeurs mobilières GMP (voir le tableau ci-contre).
Chose certaine, Knight ne pourra jamais être le secret bien gardé qu'a été Paladin pendant de nombreuses années. Lorsque j'ai écrit le profil «Laboratoires Paladin sort de l'ombre» dans les pages du cahier Investir en novembre 2005, l'action de la société se négociait à un peu plus de 6 $ et était sous l'écran radar des financiers : un seul analyste la suivait à l'époque.
Les succès qu'a par la suite connus Paladin ont nourri l'intérêt de la communauté financière et le titre s'est vu attribuer une valorisation plus généreuse au fil du temps.
Il y a aujourd'hui 10 analystes qui suivent le nouveau poulain de M. Goodman, même si Knight est très jeune. Le contraste entre Knight et Paladin est donc important. Oui, Knight pourrait devenir le prochain Graal du Québec boursier, mais les investisseurs sont visiblement déjà bien informés de cette possibilité.
La valeur par action décomposée de Thérapeutique Knight (GUD, 8,61 $)
> Encaisse : 4,86 $
> Investissements réalisés à ce jour : 0,21 $
> Prêts garantis accordés : 0,70 $
> Participation dans Medison : 0,60 $
> Valeur nette des actifs : 6,37 $
> Multiple accordé : 1,40 x
> Cours cible : 8,92 $
Source : Martin Landry, Valeurs mobilières GMP