À plus de quatre fonds communs activement gérés, il est probable que le rendement après frais de vos fonds à long terme sera inférieur à celui de l’indice. [Photo: 123RF]
CHRONIQUE. Depuis plus de cinquante ans, les études démontrent systématiquement que la gestion indicielle affiche à long terme un rendement après frais supérieur à la moyenne des gestionnaires.
Cette réalité est brutale. Si un indice représente l'univers des titres détenus par les gestionnaires actifs et indiciels, le rendement moyen de l'ensemble des gestionnaires ne peut pas dépasser celui de l'indice à long terme.
C'est que, si un gestionnaire actif devient pessimiste concernant l'action de BCE, il voudra la vendre. Mais il ne pourra la vendre qu'à un autre gestionnaire actif qui, lui, est devenu optimiste. Il ne peut pas vendre à un investisseur indiciel puisque ce dernier ne négocie pas son portefeuille. En gestion active, il y a nécessairement des gagnants et des perdants et, dans l'ensemble, ils détiennent essentiellement les mêmes titres que ceux de l'indice. Alors, à long terme, le rendement de l'ensemble des gestionnaires actifs sera similaire à celui de l'indice qui représente bien l'industrie. Et comme les frais en gestion active sont supérieurs à ceux de la gestion indicielle, le rendement moyen après frais de la gestion active de l'ensemble des gestionnaires est nécessairement inférieur à celui de la gestion indicielle. Bill Sharpe, prix Nobel en économie, est celui qui a le mieux expliqué le phénomène. En parallèle, plusieurs études ont démontré qu'aux États-Unis, plus de 70 % des gestionnaires actifs dans les marchés boursiers affichent à long terme un rendement inférieur à celui de l'indice S&P 500 après frais.
À chacune de mes conférences sur les avantages de la gestion indicielle des marchés boursiers, une personne m'interpelle pourtant pour dire : « Au sein de ma firme, ça fonctionne la gestion active. J'ai des gestionnaires qui ont mieux performéque l'indice ».
C'est effectivement possible. Et c'est la stratégie de plusieurs fonds institutionnels, qui tentent d'améliorer leur performance par la gestion active.
Histoire de minimiser leur risque de sous-performance par rapport à l'indice, ces fonds miseront sur plus d'un gestionnaire actif. Si l'un se trompe, les autres peuvent potentiellement prendre le relais et contrebalancer.
Combien de gestionnaires devraient-ils utiliser avec cette stratégie ?
Une intéressante étude de trois chercheurs de State Street (1), publiée dans le dernier numéro du Financial Analyst Journal, conclut que lorsqu'un portefeuille comporte quatre gestionnaires actifs, il devient généralement désavantageux d'en ajouter un supplémentaire.
À cinq gestionnaires actifs, il y a souvent tellement de diversification de secteurs et de styles que le portefeuille global devient similaire à un portefeuille indiciel qui détient tous les titres de l'univers. Il y a alors « trop » de diversification, puisque le portefeuille global aura un rendement similaire à celui de l'indice, mais devra payer des frais élevés liés à la gestion active de chacun de ses gestionnaires.
Les chercheurs ont analysé plus de 600 fonds communs des États-Unis et ont comparé leur risque et leur rendement à celui de l'indice Russell 1000. Ils ont trouvé que le coût de la gestion active par unité de risque doublera presque en passant de un à quatre gestionnaires. Ce coût par unité de risque triplera presque avec dix gestionnaires. En fait, avec dix gestionnaires, il devient virtuellement impossible de justifier la gestion active après frais. Pour arriver à un meilleur rendement-risque, il faudrait que les dix gestionnaires actifs retenus soient presque tous parmi les meilleurs de classe, parmi les 25 % qui ont les rendements les plus élevés de l'industrie. Un objectif utopique à atteindre même pour les experts en sélection de gestionnaires. L'étude conclut donc que la majorité des grandes caisses de retraite font l'erreur de trop diversifier, puisqu'elles ont souvent plus de dix gestionnaires actifs.
Que peut en tirer l'investisseur ordinaire ?
On peut tout simplement transporter le raisonnement à son propre portefeuille et regarder le nombre de fonds communs activement gérés qu'il contient, du moins pour un même marché (le Canada ou encore les États-Unis, par exemple)
À plus de quatre fonds communs activement gérés, il est probable que le rendement après frais de vos fonds à long terme sera inférieur à celui de l'indice. Si votre portefeuille est dans cette situation, vous devriez considérer une réallocation de certains fonds.
Et même s'il comprend quatre fonds communs actifs ou moins, vous devriez bien y réfléchir.
Rappelons la statistique : seulement 30 % des gestionnaires battent les indices à long terme.
Il vous faut avoir le talent nécessaire pour trouver le gestionnaire qui battra l'indice sur 5 ans ou 10 ans. Il est facile de savoir quel gestionnaire a bien performé l'an dernier, ou même sur une plus longue période. Mais il n'y a pas de garantie pour l'avenir. C'est un tout autre défi de déterminer quels gestionnaires seront performants dans les prochaines années.
Si vous n'avez pas ce talent de sélection des meilleurs gestionnaires actifs, la gestion indicielle est un très bon choix. Rappelez-vous qu'à long terme, elle affiche un rendement supérieur à celui de 70 % des gestionnaires actifs.
Chroniqueur invité
Biographie
Richard Guay est professeur titulaire en finance à l’ESG UQAM et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.