Géographiquement, c’est l’Amérique latine qui mène la brigade des explorateurs avec 26 % des budgets. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. On sait qu’Obélix se porte bien quand il chante «Quand l’appétit va, tout va!». Ces temps-ci, les minières pourraient gaiement fredonner «Quand l’exploration va, tout va!», parce que le tableau des forages dans le monde est plutôt bien garni actuellement, ce qui ne s’était pas vu depuis une bonne décennie.
Débutons d’abord par l’ampleur du phénomène: on a dénombré plus ou moins 70 000 forages documentés en 2022 sur plus de 1 820 projets actifs.
Poursuivons ensuite par les budgets impliqués.
Dans un récent rapport de S&P Global Market Intelligence, les analystes évaluent à 12,8 milliards de dollars américains (G $US) les budgets prévus par 2 235 minières répertoriées pour des projets d’exploration aux quatre coins de la planète.
Il s’agit évidemment de métaux non ferreux:
- des métaux de base comme le cuivre, le nickel et le zinc-plomb;
- des métaux de batterie comme le lithium et le cobalt;
- des éléments de terres rares et plusieurs autres minéraux comme le graphite, le vanadium, etc.
Sans grande surprise, la recherche des métaux très demandés (électrification, transition énergétique) bondit. On parle ici d’une hausse de 78 % sur un an pour le lithium, de 19 % pour le nickel et de 12 % pour le cuivre.
En revanche, les budgets d’exploration d’or diminuent de 16 % par rapport à l’année dernière, mais la prospection du précieux métal domine encore tous les autres budgets d’exploration prévus pour 2023, avec quelque 6 G $US en réserve.
Géographiquement, c’est l’Amérique latine qui mène la brigade des explorateurs avec 26 % des budgets.
Le Canada arrive en seconde position avec une part de marché de 19 %, suivi de près par l’Australie (17 %). Les États-Unis (13 %), l’Afrique (10 %) et le reste du monde (15 %) complètent le palmarès.
Zoom sur l’exploration du cuivre
Dans le même rapport S&P, les auteurs proposent un bref coup d’œil à propos de l’exploration du cuivre.
Essentiel dans le câblage électrique, le cuivre est devenu incontournable dans la production des éoliennes, des panneaux solaires et des véhicules électriques. Les autos électriques, entre autres, nécessitent quatre fois plus de cuivre que les véhicules à essence.
J’avais fait le point sur le cuivre, dans cette même chronique, en mars dernier. Je précisais que la demande était forte, mais qu’il s’avérait pratiquement impossible d’y répondre pour trois raisons.
La première me semblait implacable: c’était l’absence de la ressource. Malgré des milliards de dollars investis en prospection, il devenait de plus en plus difficile de trouver du cuivre.
La seconde raison résidait dans les délais d’exploitation, puisqu’il faut prévoir entre la découverte d’un gisement et la livraison du produit sur les marchés.
La troisième raison découlait de ces délais: les capitaux disponibles étaient rares, parce que beaucoup d’investisseurs recherchent des rendements à plus court terme.
Sans surprise, l’analyse de S&P tire les mêmes conclusions.
Plus de 740 sociétés ont inscrit des budgets d’exploration du cuivre en 2023 pour un investissement total de 3,1 G $US, en baisse de 34 % par rapport aux enveloppes de 2012.
Du côté de la récolte, les minières n’ont trouvé que 4,1 millions de tonnes entre 2018 et 2022, ce qui contraste fortement avec les découvertes d’il y a 30 ans, qui affichaient des cuvées de l’ordre de près de 160 millions de tonnes.
L’industrie se rend compte que la majeure partie du cuivre se trouve dans les installations existantes, mais qu’il y a une limite à vouloir agrandir une mine. Creuser plus en profondeur coûte cher et augmente les empreintes environnementales.
Le verdict final semble irréductible: dans quatre ans tout au plus (2027), l’équilibre entre l’offre et la demande du marché du cuivre raffiné sera définitivement rompu.
Je termine par des données plus positives.
Dépenses en capital: encore en hausse en 2023
Les dépenses en capital des 30 plus grandes sociétés minières mondiales devraient augmenter de 6,2 % en 2023, pour atteindre un montant estimé à 109,2 G $US. La hausse peut sembler faible, mais il faut savoir que les mêmes budgets ont connu des hausses de 13,8 % en 2021 et de 16,3 % en 2022.
Toutefois, il est à prévoir qu’il deviendra plus risqué d’investir au cours des deux prochaines années dans un contexte d'inflation et de taux d'intérêt élevés, ce qui devrait contribuer à un ralentissement de l'activité économique mondiale.
Les dépenses des 10 plus grandes sociétés minières représentent la moitié (50,8 %) des investissements totaux des 30 plus grandes sociétés minières en 2023.
Inutile de préciser qu’une bonne portion de ces budgets donnent priorité aux minéraux critiques, à la transition énergétique, aux adaptations à la crise climatique et à la décarbonisation des opérations.
Voici un tableau des prévisions d’investissement des sociétés en question pour 2023-2024.
(Tableau: PwC, Source: S&P Global Market Intelligence)
Pendant ce temps au Québec
Le Québec attire toujours sa part d’investissements miniers, qui se sont chiffrés à près de 4,8 milliards de dollars canadiens en 2022, soit une augmentation de 11% comparativement à 2021.
C’est ce qu’on apprend de la plus récente publication sur le secteur de l’Institut de la statistique du Québec, L’investissement minier au Québec en 2022.
Comme on s’y attend, les métaux précieux, en particulier l’or, sont les minéraux les plus recherchés sur notre territoire avec près de 65% des capitaux. Les métaux de base représentent 20%, tandis que les métaux pour les batteries ferment la marche avec 12,0 %.