Le port du masque devrait être un impératif... (Photo: Luke Jones/Unsplash)
CHRONIQUE. COVID-19 oblige, chacun de nous est aujourd’hui tenu de se tenir à une distance minimale de deux mètres de tout autre être humain. Et ce, dans le but d’être hors de portée de toute gouttelette contaminée, si jamais il nous arrivait de croiser le chemin d’une personne atteinte par la maladie.
Le hic? C’est que des études scientifiques canadienne et américaines viennent de montrer qu’une distance de deux mètres… ne suffit pas! Une quantité potentiellement dommageable de gouttelettes peuvent en effet aisément parcourir dans les airs une distance «considérable» avant d’atterrir sur quelqu’un d’autre. Explication.
Eric Savory est professeur d’ingénierie au département de génie mécanique et des matériaux de l'Université Western à London (Ontario). Il a cosigné une étude acceptée par la revue Indoor Air dans laquelle il est montré qu’une toux non obstruée pouvait parcourir une distance de deux mètres en moins de trois secondes et continuer son parcours «bien au-delà» de la distance minimale entre deux personnes en vigueur dans la plupart des pays touchés par la pandémie du nouveau coronavirus.
L’étude indique qu’environ 10% des gouttelettes expulsées par une toux non obstruée forment un nuage de particules fines qui flotte dans les airs, plus loin et plus longtemps que ce qu’on croyait jusqu’à présent, au-delà des deux mètres. Un nuage contaminé tout aussi dangereux, qu'on se tienne à 30 cm, 1 mètre ou même 2 mètres de l'émetteur. Un nuage qui fait en sorte que nous nous croyons faussement en sécurité si nous nous tenons à pile deux mètres les uns des autres.
«Même à une distance de 2,5 mètres, des gouttelettes continuent de se propager à une vitesse de 200 millimètres par seconde. Ce qui signifie que les gouttelettes les plus fines restent suspendues dans les airs loin et longtemps, au-delà des quatre secondes», dit M. Savory, en présentant ce vidéo réalisé dans le cadre de l’étude:
Ce n’est pas tout. Une étude parue dans le New England Journal of Medicine ainsi que d’autres pilotées par l’Institut américain de la santé de Bethesda et par l’École de médecine Perelman de l'Université de Pennsylvanie montrent que le port du masque peut faire toute une différence à ce sujet. Elles ont considéré les gouttelettes émises dans les airs par quelqu’un qui parle plus ou moins fort, lorsqu’il revêt un masque, ou pas. Et elles ont mis au jour plusieurs choses fort intéressantes:
- Quelqu’un qui parle fort à bouche découverte émet quelque 350 gouttelettes devant lui, à plusieurs centimètres de son visage.
- Quelqu’un qui parle normalement à bouche découverte en émet quelque 230.
- Le nombre de gouttelettes s’accroît à mesure que l’on prononce des consonnes occlusives (ex.: «p», «b», «t», etc.).
- Presque aucune gouttelette ne franchit les airs lorsque la personne qui parle porte un masque buccal légèrement humide.
«Alors que les grosses gouttelettes tombent rapidement au sol, les petites gouttelettes subsistent dans les airs sous forme de «noyaux de gouttelettes», qui se comportent comme un aérosol et augmentent ainsi l'étendue spatiale des particules infectieuses émises», note l’étude parue dans le New England Journal of Medicine.
Autrement dit, il suffit qu’une personne contaminée porte un masque humidifié pour empêcher qu’elle n’envoie tout autour d’elle - par une toux ou par le simple fait de parler - des centaines de gouttelettes porteuses du nouveau coronavirus. «Il est clair et net que le port d’un masque réduit la dispersion des particules dans l’environnement. Et que le porter en tout temps, cela peut aider à lutter contre la COVID-19», a d’ailleurs récemment tweeté Tom Frieden, ex-directeur des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (la principale agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique) et commissaire du Département de la santé et de l'hygiène mentale de la Ville de New York.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que le virus se transmettait surtout par les gouttelettes respiratoires, mais aussi par le contact physique direct et indirect (ex.: le fait de toucher un objet récemment manipulé par quelqu’un de malade,...). D’où la nécessité de revoir notre politique de distanciation, maintenant que nous savons que la distance de deux mètres est insuffisante. Et même d’accompagner celle-ci d’une politique de protection buccale, en incitant chacun à revêtir en tout temps un masque - même fait maison -, l’idée étant de protéger davantage son entourage immédiat.
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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
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