De nombreux cadres recevant l’essentiel de leur rémunération sous forme d’options d’achat, le retour des rachats n’est-il pas un moyen de gonfler leurs rémunération? (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Le mois d’avril a marqué le premier mois de baisse pour le S&P 500 depuis novembre dernier. Une adaptation du consensus à un moins grand nombre de baisses de taux de la Fed en 2024, une prise de bénéfices ou encore des tensions géopolitiques à leur apogée ont poussé les investisseurs à se demander si le momentum haussier des marchés était «cassé». C’était sans compter sur une «aide artificielle»: les rachats d’actions ou les «Share buybacks» en anglais. Synthèse, analyse et mécanisme.
Les faits
Dix sociétés du S&P 500, dont Alphabet, RTX et Meta Platforms, ont racheté 91 milliards de dollars de leurs propres actions au quatrième trimestre 2023, selon des données récemment publiées par S&P Dow Jones Indices. Cela vous impressionne? Attendez seulement.
Apple a annoncé jeudi dernier le plus important rachat d’actions jamais réalisé aux États-Unis, en déclarant que son conseil d’administration a approuvé un montant supplémentaire de 110 milliards de dollars pour le rachat d’actions. Avec cette annonce, le fabricant d’iPhones dépasse son propre record de la plus grande valeur de rachat annoncée aux États-Unis. En 2018, le géant de la technologie a autorisé 100 milliards de dollars de rachats d’actions, selon les données compilées par la société d’études de marché Birinyi Associates reprises par l’agence Bloomberg.
C’est simple, Apple a racheté pour 625 milliards de dollars d’actions au cours des dix dernières années, ce qui est supérieur à la capitalisation boursière de 492 entreprises du S&P 500!
Les rachats d’actions sont populaires, même si le Congrès leur a imposé une taxe de 1% en 2023.
Quelle est concrètement la «puissance de feu»?
Les entreprises du S&P 500 devraient racheter 925 milliards de dollars de leurs propres actions cette année, ce qui représente un gain annuel de 13%, alors que Goldman Sachs prévoyait initialement un gain de 4%. Les rachats devraient ensuite augmenter de 16% en 2025, pour atteindre 1,075 milliard de dollars pour la première fois, alimentés par les bénéfices importants des grandes entreprises technologiques ont déclaré les stratèges de Goldman Sachs.
«La croissance des bénéfices est le principal moteur des rachats d’actions au niveau de l’indice, expliquant environ la moitié de la variation d’une année sur l’autre», ont déclaré les stratèges Cormac Conners et David Kostin de Goldman Sachs. Selon eux, Goldman a récemment revu à la hausse ses prévisions de bénéfices pour 2024 et 2025 pour le S&P 500 «en raison de l’amélioration de l’environnement de croissance économique et de marges ainsi que de bénéfices plus élevés que prévu pour les mégacaps technologiques».
La croissance de la technologie sera alimentée par «de fortes dépenses de consommation et une demande accrue de produits liés à l’intelligence artificielle», ont-ils ajouté.
Par ailleurs, la baisse des rendements des bons du Trésor par rapport à leur niveau record d’octobre est bénéfique. Les réductions de taux de la Fed, qui devraient commencer à la mi-2024, «devraient entraîner un certain relâchement des conditions d’ici à 2025».
Qu’en dit… Warren Buffett?
En mars dernier, Warren Buffett a défendu les rachats d’actions dans la lettre annuelle de Berkshire Hathaway, s’opposant à ceux qui s’insurgent contre cette pratique qu’il estime bénéfique pour tous les actionnaires. «Lorsqu’on vous dit que tous les rachats sont nuisibles aux actionnaires ou au pays, ou particulièrement bénéfiques aux PDG, vous écoutez soit un analphabète économique, soit un démagogue à la langue d’argent (des caractères qui ne s’excluent pas mutuellement)».
Les médias se sont emparés de cette citation sans prendre le temps de lire ce que Warren Buffett a réellement écrit dans sa lettre annuelle.
«Le calcul n’est pas compliqué : lorsque le nombre d’actions diminue, votre intérêt pour nos nombreuses activités augmente. Chaque petit geste compte si les rachats sont effectués à des prix qui augmentent la valeur de l’entreprise.
Il est tout aussi certain que lorsqu’une entreprise paie trop cher ses rachats, les actionnaires restants sont perdants. Dans ce cas, les gains ne profitent qu’aux actionnaires vendeurs et au banquier d’affaires sympathique, mais onéreux, qui a recommandé ces achats insensés.
Il convient de souligner que les gains provenant de rachats qui augmentent la valeur de l’entreprise profitent à tous les propriétaires, à tous les égards».