La sixième édition de la Conférence sur la santé psychologique au travail a démontré que le vieil adage « Mieux vaut prévenir que guérir » est toujours d’actualité. Présenté par Les Événements Les Affaires, l’événement a eu lieu le 25 janvier dernier et a rassemblé plus d'une centaine de gestionnaires.
Parmi les diverses études de cas de la journée, une table de discussion a réuni Danielle H. Caron, gestionnaire à l’Agence de la santé publique du Canada, et Marie-Claude Laporte, conseillère, gestion de l’invalidité et du mieux-être chez VIA Rail Canada.
Danielle Caron a soulevé un problème répandu dans les organisations : les gestionnaires ne sont pas assez outillés pour gérer les situations de problèmes de santé mentale. Par conséquent, ils ne reconnaissent pas les signes précurseurs, ils ne savent pas comment aborder le sujet et ils sont peu ou pas en mesure d'apporter du soutien aux employés atteints.
« Trop souvent, les décisions sont prises unilatéralement, sans l’employé concerné », a-t-elle déploré en ajoutant que le dialogue et la collaboration sont pourtant essentiels.
Un témoignage éloquent
Danielle Caron sait de quoi elle parle puisqu’elle a elle-même souffert d’une dépression et d’un trouble post-traumatique par le passé.
« Pendant mon congé de maladie, je me suis beaucoup remise en question. J’étais dérangée par le fait que je n’avais pas su reconnaître les signes indiquant que je n’allais pas bien. Et je me demandais comment je pourrais les reconnaître chez mes employés. J’avais été formée sur plein de sujets au travail, sauf sur la santé psychologique. » Elle gérait alors trois équipes de haute performance.
À son retour au bureau, elle a observé, encore une fois, les lacunes de son milieu de travail de l’époque en matière de santé psychologique. « On m’a retiré mon poste de gestion pour me mettre sur un projet spécial. Le message non verbal qu’on m’envoyait c’était “Comme tu as eu un problème de santé mentale, on pense que tu n’as plus les compétences pour exercer tes fonctions”. »
Résiliente, Danielle Caron a trouvé dans son expérience personnelle la motivation nécessaire pour faire bouger les choses. Après avoir changé d’emploi, elle a notamment participé à la création du Bureau des conférenciers fédéraux sur la santé mentale ainsi qu’à un programme de pairs aidants.
Les pairs aidants comblent le fossé entre le soutien des proches et la prise en charge clinique, selon elle. « Un collègue pair aidant est plus objectif qu’un ami. Il peut aussi diriger les gens vers des ressources, comme le Programme d’aide aux employés. D’ailleurs, dans les entreprises, on remarque une augmentation de l’utilisation du PAE lorsqu’il y a des pairs aidants. »
Un exemple à suivre
VIA Rail Canada fait partie des organisations qui assument leurs responsabilités en matière de santé mentale.
« Si vous croyez que c’est en donnant un atelier par année sur la gestion du stress que vous vous occupez de santé mentale, vous faites erreur », a lancé Marie-Claude Laporte.
Lors de son allocution, elle a tracé les grandes lignes d’un projet pilote amorcé à Toronto en 2014 en collaboration avec la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). VIA Rail a d’abord formé un comité paritaire, ce qui a donné plus de crédibilité à l’exercice aux yeux des employés. À preuve : le sondage sur la santé mentale au travail administré aux 800 employés de Toronto a obtenu un taux de réponse de 70 %.
À partir des résultats, VIA Rail a identifié des priorités et mis en place différentes initiatives. Entre autres, tous les gestionnaires ont été formés sur l’importance de leur rôle pour promouvoir la santé psychologique au travail.
« Cela passe d’abord par le mode de gestion, dit Marie-Claude Laporte. Il est important d’instaurer un climat de travail empreint de respect et de ne pas tolérer les comportements déviants. »
Les gestionnaires ont aussi été formés à intervenir et à offrir du soutien dès l’apparition des problèmes. « Avec l’intervention précoce, on vise à éviter que la situation dégénère », indique-t-elle. À cet égard, un protocole a été mis en place lorsque les ingénieurs de locomotives sont témoins d’un événement pouvant causer un traumatisme, comme un suicide sur les rails. Dès qu’un tel événement survient, les employés concernés sont retirés du travail trois jours et reçoivent du soutien du Programme d’aide aux employés.
Quelque 1500 des 2500 employés ont par ailleurs reçu une formation sur le respect au travail. En outre, la société fédérale prévoit produire des vidéos sur le sujet.
Tous les programmes et les initiatives de VIA Rail s’inscrivent dans une approche en cinq étapes : prévention, intervention précoce, rétablissement, absence et retour au travail.
Aux entreprises désireuses d’agir en la matière, Marie-Claude Laporte recommande le livre Une étape à la fois : Guide sur la mise en œuvre de la Norme nationale sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail, offert gratuitement en téléchargement sur le site de la CSMC.
Pour plus de détails, assistez à notre conférence Santé psychologique au travail le 24 janvier 2018.