BLOGUE. Dans l'une des nombreuses nouvelles qui sont passées inaperçues mercredi en raison du décès de Steve Jobs, le CRTC a choisi de ne pas intervenir, du moins pas tout de suite, pour imposer à Netflix et ses semblables des contraintes similaires à celles des télédistributeurs traditionnels.
Les Bell, Quebecor, Rogers, Shaw et autres télédistributeurs canadiens s'inquiètent de la progression de la popularité des services dits « Over the top » (OTT) comme Apple, Netflix et, dans une certaine mesure Tou.TV. On les comprend.
Ces services représentent pour eux une double menace. D'abord celle de perdre des abonnés à leur profit. Le phénomène a même un nom, le « cord cutting ». Une frange de téléspectateurs se désabonnent des services de câble pour ne consommer la télévision que par Internet.
Ces entreprises pourraient se consoler en se disant qu'elles sont également fournisseurs d'accès à Internet, mais ce n'est pas si évident. Les services OTT sont évidemment gourmands en bande passante et ils forcent les opérateurs de réseaux à investir pour répondre à la demande. De leur point de vue, les opérateurs se retrouvent donc à creuser leur propre tombe en payant pour augmenter la capacité de leur réseau, capacité qui est rapidement occupée par des services qui coupent l'herbe sous le pied d'un autre de leurs services.
À eux se joignent des chaînes de télévision. Au Québec, l'entreprise la plus vocale a été Astral, qui craint la concurrence de ses services pour ses chaînes spécialisées. Si les gens peuvent voir des films à volonté pour 8$ par mois sur Netflix, pourquoi s'abonneraient-ils à Super Écran ou au Movie Network? S'ils peuvent écouter des séries télé sur Apple TV, pourquoi s'abonneraient-ils à HBO Canada ou Séries+?
Malgré une avalanche de chiffres en provenance de ces « opposants », le CRTC a choisi le laisser-faire pour l'instant. D'après le communiqué de l'organisme, son enquête sur la question « n'a pas produit de résultats concluants ».
D'après le CRTC, malgré les cris au loup des entreprises canadiennes en place, « rien n’indique clairement que les Canadiens réduisent ou annulent leur abonnement aux services de télévision » et « la programmation en ligne et mobile semble complémentaire au contenu offert par le système de radiodiffusion traditionnel ». L'organisme recommencera le processus en mai prochain.
Vous savez quoi? Le CRTC a probablement pris la bonne décision. Pour l'instant effectivement, même si l' « injustice » est facile à démontrer théoriquement, elle s'applique plus ou moins en réalité.
D'abord, le service offert par Netflix n'est pas très convaincant. Sauf quelques exceptions, sa vidéothèque est vieillotte et la qualité vidéo laisse nettement à désirer.
Mais, surtout, les opérateurs de télécom contrôlent encore le robinet. On ne peut pas passer des heures à écouter des émissions ou des films via des services de type OTT sans finir par en souffrir à la fin du mois quand arrive la facture de son fournisseur d'accès à Internet.
Or, tant qu'il n'y aura pas une plus grande concurrence de ce côté, Bell et Vidéotron (au Québec) auront toujours le loisir d'imposer des plafonds de consommation handicapant très nettement les services OTT. Si ces entreprises veulent réellement imposer de nouvelles règles à Netflix et Apple, il faudrait en contrepartie qu'elles en subissent pour les forcer à offrir de meilleurs forfaits d'accès à Internet?
Sont-elles prêtes à faire cet échange à l'heure actuelle? Certainement pas.