Le départ du patron de Cadim, Richard Dansereau, pour un fonds immobilier new- yorkais dont la Caisse de dépôt et placement est le principal partenaire financier, soulève des questions d'apparence de conflit d'intérêts.
Selon Donald Riendeau, avocat spécialisé en éthique et gouvernance et président d'IVA Conseils, des questions d'éthique s'imposent, parce que dans un contexte de ralentissement économique où s'abat une pluie de scandales, la confiance du public est sérieusement ébranlée.
" C'est pourquoi les dirigeants de sociétés d'État, y compris leurs filiales, devraient agir selon les plus hauts standards éthiques pendant et après l'exercice de leurs fonctions ", dit-il.
Le 17 août, M. Dansereau est entré en poste chez Stonehedge Partners, un fonds immobilier spécialisé dans l'achat et la gestion de propriétés multirésidentielles sur l'île de Manhattan. La valeur de son portefeuille avoisine 2 milliards de dollars américains.
Responsable des relations avec la Caisse
Cadim, filiale immobilière de la Caisse de dépôt, est le principal partenaire financier de Stonehedge Partners, avec lequel elle fait affaire depuis 1995. Les partenaires ont acheté conjointement des immeubles au moins jusqu'en janvier 2008.
" Je ne crois pas qu'il y a apparence de conflit d'intérêts, dit Richard Dansereau, joint à son bureau de New York. Mon mandat est très clair. Je suis responsable de la relation que nous avons avec deux bailleurs de fonds importants, dont la Caisse de dépôt. J'ai donc une excellente relation avec la Caisse et je prévois pouvoir maintenir les liens importants que Stonehedge entretient avec la Caisse. "
M. Dansereau a également le mandat de nouer des partenariats avec de nouveaux investisseurs.
Luc Bernier, codirecteur du Centre de recherche sur la gouvernance des entreprises publiques et l'intérêt général, hésite à critiquer Richard Dansereau. " Il continue de travailler dans un domaine et dans un réseau qu'il connaît déjà. Il les connaît même un peu trop, peut-être. On reste dans la famille. De là à dire que c'est exagéré ? Honnêtement, je suis incapable de répondre ", dit le professeur de l'École d'administration publique.
Ex-administrateur de trois filiales de la Caisse
M. Dansereau a démissionné des conseils d'administration de trois filiales de la Caisse de dépôt le lundi 24 août.
La semaine précédente, Les Affaires avait posé des questions à la Caisse au sujet de l'apparence de conflit d'intérêts que soulevait le cas de M. Dansereau.
La biographie de ce dernier figurant sur le site Internet de Stonehedge faisait état de ses fonctions d'administrateur de filiales de la Caisse. Cette mention a été retirée du site après le 25 août.
M. Dansereau était, jusqu'au 31 juillet dernier, président et chef de l'exploitation de Cadim, qui gérait des actifs d'une valeur de 18,2 milliards de dollars au 31 décembre 2008. Il a donné sa démission à son supérieur René Tremblay le 30 juin avec un préavis de 30 jours. Il précise ne pas avoir touché d'indemnité de départ.
Le 11 août dernier, la Caisse de dépôt annonçait la cessation des activités de prêts subordonnés, qui étaient auparavant sous la responsabilité de Cadim. À la même occasion, le grand patron de la Caisse, Michael Sabia, a annoncé l'intégration de Cadim à SITQ, une autre filiale immobilière de l'institution québécoise.
Devoir d'intégrité à respecter
Le code de déontologie de la Caisse n'impose aucun délai d'attente à un cadre qui quitte l'organisation pour aller travailler chez un partenaire ou un concurrent.
Par contre, il prévoit que les employés doivent continuer de respecter leurs obligations de loyauté et d'intégrité après avoir quitté la Caisse, pour une durée indéterminée. " Ces dispositions ont une portée légale ", dit Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse de dépôt.
D'autres sociétés d'État, comme Hydro-Québec, interdisent à leurs dirigeants, durant l'année qui suit leur départ, d'agir pour le compte d'autrui relativement à une négociation, à une procédure ou à toute autre opération à laquelle son ancienne organisation est partie et sur laquelle la personne détient de l'information non disponible au public.
Selon M. Chagnon, les dispositions du code de la Caisse et d'Hydro-Québec visent les mêmes fins.
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